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Drames du football: Hillsborough Stadium à Sheffield, 25 ans après

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JOLPress : Comment le drame s’est-il déroulé ?

 

Lucas Alba : Le match allait commencer et beaucoup de supporters de Liverpool étaient pris dans les embouteillages. Pour être moi-même allé à Hillsborough, il faut savoir que le stade est situé en-dehors de la ville, vraiment au milieu de nulle part. De nos jours, c’est toujours très mal desservi, donc j’imagine facilement que ça devait être encore pire en 1989.

Les fans de Liverpool sont arrivés en retard et en masse aux alentours du stade. Comme le match allait commencer, ils se sont précipités à l’intérieur. Ils voulaient rentrer plus ou moins tous en même temps, et il n’y avait qu’une entrée ouverte. A l’époque, il y avait beaucoup de problèmes en tribune et la sécurité ainsi que la police n’ont pas su gérer l’évènement. Ca a provoqué un mouvement de foule avec les résultats que l’on connaît.

 

JOLPress : Que s’est-il passé ensuite ?

 

Lucas Alba : L’enquête a été bâclée pour innocenter la police. Le journal The Sun a voulu mettre ça sur le dos des supporters. D’ailleurs, il y a toujours une grosse campagne à Liverpool, où on peut voir des autocollants « Don’t Buy The Sun » (n’achetez pas The Sun, ndlr) dans les rues. Récemment, dans un très bon article de la BBC, deux personnes qui étaient là-bas ont raconté les pressions policières qu’elles ont subies, notamment des déclarations qu’elles ont du signer sans même les lire.

 

JOLPress : Qu’elles ont été les conséquences du drame ?

 

Lucas Alba : Ca a vraiment été le tournant des tribunes en Angleterre. En 1985, il y avait eu le drame du Heysel mais là, ça a fait prendre conscience qu’il y avait un problème et qu’il fallait faire quelque chose. Ils ont pris des vraies mesures, avec la fin des terrasses et le passage aux stades « all-seated » (tous assis, ndlr), ainsi que la suppression des grilles.

Nicolas Hourcade : La première conséquence est que les stades ont été repensés en intégrant les impératifs de sécurité. Suite à Hillsborough, on bascule dans une autre époque. Vers le milieu des années 90, des stades extrêmement sûrs et modernes sont construits, conçus pour accueillir paisiblement le public. Il était souvent maltraité et mal accueilli jusque là. La disparition des grilles est le changement le plus marquant.

L’autre conséquence, qui n’est pas uniquement liée à ce drame, c’est l’augmentation du prix des places. Les tarifs ont été multipliés environ par dix entre 1990 et aujourd’hui.Avec l’explosion des droits TV, la création de la Premier League en 1991, le football anglais est entré dans une ère commerciale. Dès lors, ce n’est plus le même public qu’avant. Les classes ouvrières, autrefois dominantes, ont été en partie remplacées par les classes moyennes et supérieures.

Mais un drame comme celui d’Hillsborough n’est plus possible aujourd’hui. Il était vraiment lié à la conception du stade, à la présence des grilles et à des erreurs énormes de la police. Maintenant, tout a été fait pour éviter que cela se produise.

 

JOLPress : En France, il y a eu le drame de Furiani, en Corse, qui a fait 18 morts. Pourquoi n’en parle t-on pas autant que Hillsborough en Angleterre ?

 

Nicolas Hourcade : Il y a plusieurs raisons. D’abord, la place du football n’est pas vraiment la même, c’est un phénomène social de plus grande importance en Angleterre. Ensuite, contrairement à Hillsborough, les coupables et les responsables ont été rapidement identifiés. Et, c’est malheureux à dire, mais le fait que cela se passe en Corse ne joue sans doute pas en leur faveur. Malgré tout, l’incapacité des autorités du football français à trouver un mode de commémoration qui convienne aux familles des victimes est étonnante.

 

Propos recueillis par Benjamin Morette

 

 

 

 

 

 

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