Au total, 100 personnes ont succombé au virus Ebola en Guinée depuis le mois de janvier. Alors que le ministère des Affaires étrangères guinéen vient d’affirmer que l’épidémie était « sous contrôle », Sylvain Baize, directeur du Centre National de Référence des fièvres hémorragiques virales de Lyon, à l’Institut Pasteur, revient sur les moyens mis en oeuvre sur place pour enrayer la propagation du virus.
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JOL Press : Découvert 1976, le virus Ebola n’avait jamais quitté l’Afrique centrale. Comment a-t-il pu arriver jusqu’ en Guinée ?
Sylvain Baize : Pour l’instant, nous n’avons pas encore la réponse… Nous savons que le virus Ebola est apparu en 1994 en Côte d’Ivoire, et donc qu’il circulait dans la région. Depuis quelques années, nous savons également que les espèces de chauve-souris sont des réservoirs pour le virus Ebola: la zone de distribution va de l’Ouganda jusqu’au Sénégal, incluant la Guinée, le Libéria et la Sierra Leone.
On peut également expliquer la propagation du virus par les incursions de plus en plus profondes de l’homme dans la forêt… Ce qui est sûr, c’est que tous les éléments étaient réunis pour que le virus Ebola se développe ici, étant donnée qu’il était présent avant et qu’il y avait des réservoirs.
JOL Press : L’OMS a alerté face à la propagation du virus en Guinée et dans les pays voisins. Pourquoi ce virus est-il considéré comme le plus virulent pour l’homme ?
Sylvain Baize : Le virus est très pathogène puisqu’il tue entre 70% et 90% des gens : c’est ce qui le rend vraiment dangereux, mais c’est contrebalancé par une transmission assez restreinte. Il est important de rappeler que le risque de contaminer d’autres personnes n’est pas très élevé: le virus Ébola est contagieux par contact très proche avec un malade en phase symptomatique, ce qui limite la transmission. Nous ne sommes pas dans un contexte de virus à potentiel pandémique comme la grippe. Ici, la contamination interhumaine survient quasiment exclusivement dans un cadre familial de soins aux malades ou dans un contexte nosocomial, lors des soins à l’hôpital.
Une quinzaine de membres du personnel ont déjà été infectés par le virus Ebola : des chirurgiens, des infirmiers… Autre mode de transmission : le contact avec la faune contaminée dans la forêt.
JOL Press : Le risque de propagation dans les pays limitrophes est-il élevé ?
Sylvain Baize : Il faut relativiser concernant les risques de propagation du virus dans les pays voisins : il n’y a pas de cas d’Ebola au Mali, ni Sierra Leone. Au Liberia, 25 cas ont certes été recensés mais ils sont reliés à ceux de Guinée. Lorsqu’on regarde sur la carte, la frontière entre la Guinée et le Liberia ne veut pas dire grand-chose par rapport aux modes de circulation et aux notions de famille et de rapprochement des gens.
JOL Press : Vous étiez sur place à Conakry : comment les équipes humanitaires s’activent pour enrayer la propagation du virus ?
Sylvain Baize : Il s’agit de mesures classiques mises en œuvre pour stopper l’épidémie. Il y a trois choses à faire : isoler les malades pour empêcher la transmission interhumaine, étant donné qu’aucun traitement n’existe contre le virus Ebola. Les malades ne sont pas contagieux pendant la période d’incubation, ni après la guérison : il est donc très important de placer les malades en isolement dès l’apparition de la fièvre.
La deuxième étape concerne la protection du personnel soignant avec des équipements pour éviter tout contact avec les fluides biologiques du malade.
Enfin, la dernière chose à effectuer – sûrement la plus difficile – est de recenser tous les contacts de chaque malade, pour les isoler en cas d’apparition de symptômes, et ce le plus rapidement possible. Si ces méthodes fonctionnent de manière correcte, l’épidémie s’arrêtera rapidement.
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Sylvain Baize est directeur du Centre National de Référence des fièvres hémorragiques virales de Lyon, à l’Institut Pasteur.