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En visite en France, Mehdi Jomaâ plaide la cause d’une Tunisie apaisée

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En visite officielle de deux jours à Paris, le Premier ministre tunisien Mehdi Jomaâ, accompagné d’une délégation d’hommes d’affaires, a rencontré lundi son homologue français Manuel Valls et doit s’entretenir, mardi, avec le président François Hollande.

Donner une image plus claire de la situation

Avant de partir pour la France, le chef du gouvernement tunisien, en poste depuis janvier 2014, s’est adressé aux médias français, déclarant qu’il n’était pas seulement venu en France pour « lever des fonds », mais avant tout pour donner une autre image de la Tunisie.

« La France est notre premier partenaire économique. Nous venons pour consolider cette position et voir comment aller de l’avant. Nous venons aussi pour essayer de donner une image un peu plus claire sur la situation de la Tunisie », a-t-il indiqué à L’Express. « Il y a une nouvelle donne aujourd’hui. Il faut le faire savoir et le promouvoir, aussi bien sur le plan politique qu’économique ».

Conforter la transition démocratique

Trois ans après la révolution tunisienne, qui a signé la chute du régime autoritaire de Ben Ali et permis d’élire une nouvelle Assemblée constituante en octobre 2011, la Tunisie entame l’apprentissage de la démocratie et doit organiser, fin 2014 ou début 2015, de nouvelles élections.

« Le but de la visite de Mehdi Jomaâ en France, c’est de chercher un soutien français pour conforter cette transition et préparer les prochaines élections démocratiques », explique à JOL Press Vincent Geisser, politologue spécialiste de la Tunisie. « La Tunisie souhaite obtenir l’assurance, financière mais aussi symbolique, que la France continuera à avancer derrière ce processus de transition démocratique », ajoute-t-il.

Si la Tunisie entrevoit enfin une sortie de crise après des mois d’instabilité et de cacophonie politique, le pays doit encore faire face à de nombreux défis. Et c’est désormais à Mehdi Jomaâ, technocrate de 52 ans propulsé à la tête du gouvernement pour une durée déterminée – il devrait quitter ses fonctions lors des prochaines élections législatives et présidentielles – que repose la difficile tâche d’y répondre.

Organiser les prochaines élections

Défi politique d’abord, après l’adoption d’une nouvelle constitution fin janvier, applaudie à l’étranger, considérée comme un exemple du genre dans le monde arabe, malgré ses imperfections. « L’adoption de la Constitution de la nouvelle République est un moment historique », confiait Béligh Nabli, spécialiste du monde arabe, à JOL Press.

« Sa charge symbolique est particulièrement forte pour le pays et un monde arabe traversé par un souffle contestataire né il y a trois ans […]. On assiste en Tunisie à la fois à la conclusion d’une séquence et à l’ouverture d’un nouveau chapitre dans le (long) processus de transition démocratique que connait le pays depuis la chute de Ben Ali », indiquait encore le spécialiste.

Après cette première étape constitutionnelle, la Tunisie s’attelle désormais à l’organisation des prochaines élections. Un processus complexe et qui prend du retard par rapport à l’agenda électoral préalablement fixé, faute de trouver les budgets et les locaux nécessaires. Les élections pourraient ainsi être repoussées au début de l’année 2015 si un arrangement n’est pas trouvé avant la fin 2014.

Redresser l’économie touchée par la crise

Défi économique, ensuite. Les dégâts collatéraux de la crise politique qu’a vécue la Tunisie ont en effet largement touché l’économie tunisienne : tourisme en berne, inquiétude des investisseurs étrangers… La Tunisie doit maintenant trouver les moyens de combler un déficit budgétaire de 4 milliards de dinars, soit 1,8 milliard d’euros.

Alors que le Premier ministre tunisien dressait, début mars, un tableau sombre de la santé économique du pays, Mohamed Haddar, président de l’Association des économistes tunisiens, confiait ainsi à JOL Press que le « dérapage budgétaire » était notamment dû à des augmentations de subventions et de salaires depuis trois ans. Le fruit, selon l’économiste, de « mauvaises décisions politiques plus qu’économiques ». « Il est indispensable que les pays occidentaux aident la Tunisie à se relever financièrement pour éviter que la situation politique et sociale ne s’envenime », confiait encore M. Haddar.

M. Jomaâ, qui avait déclaré qu’il faudrait « faire des sacrifices », explique au Point qu’il souhaite à ce titre mener une politique « de rationalisation ». « Il faut arrêter le gonflement de la masse salariale qui représente aujourd’hui dix milliards de dinars […]. Des discussions très franches se déroulent avec les partenaires sociaux. Il faut stopper le recrutement dans la fonction publique, puis inverser la tendance », estime le chef du gouvernement.

Enrayer l’insécurité

Défi sécuritaire, enfin. « On a assisté l’année dernière à une recrudescence de la violence dans la vie politique, violence animée par des petits groupuscules terroristes, certes marginaux, mais qui ont un pouvoir de nuisance extrême sur le processus de transition démocratique », rappelle le politologue Vincent Geisser. L’année 2013 a en effet été marquée par deux assassinats d’opposants politiques, Chokri Belaïd et Mohammed Brahmi.

Les groupes islamistes semblent de ce fait avoir profité de la situation politique chaotique et de la faiblesse de l’appareil étatique tunisien pour prospérer, notamment auprès de la jeunesse, parmi laquelle on compte de nombreux jihadistes partis combattre en Syrie. Malgré cela, le Premier ministre se veut confiant sur la situation.

« La mouvance jihadiste Ansar al-charia est mise à mal, surtout sa partie militaire. Des opérations sont en cours à Chaambi [massif montagneux proche de la frontière avec l’Algérie]. Pour la première fois, nous sommes montés au camp, à la source », confie Mehdi Jomaâ à L’Express. « C’est une idéologie d’importation, qui a pris au début, mais elle est maintenant confinée. Il y a un rejet global de ce modèle qui n’est pas très tunisien. Il n’y a plus de manifestations de groupes comme avant. Quand on fait des opérations dans des endroits supposés être leurs fiefs, nous ne constatons plus les mêmes réactions qu’il y a deux ans » ajoute-t-il, assurant que c’est « parce que l’État est déterminé […] et parce que le soutien populaire commence à s’effriter ».

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