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États-Unis: les règles de financement électoral assouplies

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JOL Press : Comment les campagnes américaines sont-elles fiancées ?
 

Guy Millière : Le financement électoral aux Etats-Unis n’est pas public. Pour la campagne présidentielle, il débute avec les élections primaires, qui se déroulent à partir de janvier pour désigner dans chaque Etat les délégués du parti qui se rendront à la convention nationale en été (moment de l’investiture officielle du candidat républicain et démocrate).

Pendant cette période, les dons augmentent progressivement. Les élections primaires commencent dans des petits Etats (Iowa, New Hampshire), ce qui permet aux candidats peu connus de tenter leur chance en bénéficiant de la couverture médiatique de l’événement. S’ils parviennent à convaincre les donateurs et à financer leur campagne, ils passent à l’élection de l’Etat suivant et ainsi de suite.

On assiste donc à l’élimination progressive des candidats qui additionnent le moins de délégués. Cette élimination s’explique, en grande partie, par la diminution des soutiens financiers. Pour contrer cet «effet boule de neige», de plus en plus d’Etats tiennent leurs élections primaires le même jour, appelé le «Super Tuesday».

Ce processus graduel a permis à Barack Obama de monter en puissance. C’est comme ça que Jimmy Carter, qui était gouverneur de Géorgie et dont personne n’avait entendu parler, s’est imposé. C’est aussi comme ça que Bill Clinton, qui était gouverneur du petit Etat de l’Arkansas, est devenu le candidat du camp démocrate.

JOL Press : Qui peut mettre la main au portefeuille pour soutenir un candidat ?
 

Guy Millière : Tout le monde. Il peut s’agir de particuliers, plus ou moins riches, d’entreprises, de syndicats etc. Les sommes impliquées représentent des centaines de millions de dollars, et les soutiens financiers sont désormais quasiment illimités (les campagnes de Barack Obama et Mitt Romney pour la présidentielle de 2012 ont coûté 2,6 milliards de dollars, plus d’un milliard de dollars chacun, ndlr).

La Cour suprême vient de supprimer le plafond limitant les dons des particuliers aux candidats (concrètement, la limite pour les dons privés passe à 3,5 millions de dollars tous les deux ans, ndlr). En 2010, déjà, la plus haute juridiction du pays avait supprimé les limites des contributions financières des entreprises et des syndicats.

Dans les faits, on constate que, même lorsqu’une entreprise mise beaucoup d’argent sur un candidat, elle ne met pas tous ses œufs dans le même panier et contribue aussi, dans une moindre mesure, au financement de la campagne de l’autre candidat.

JOL Press : L’administration Obama s’inquiète des risques de corruption. Qu’en pensez-vous ?
 

Guy Millière : Je ne crois pas que le fait de donner de l’argent à un candidat puisse impliquer un quelconque «renvoi d’ascenseur». Les comptes des différents candidats sont surveillés, des listings permettent de savoir qui donne combien et à qui. S’il y avait des trafics d’influence, cela se verrait immédiatement.

De plus, les décisions prisent par le gouvernement américain sont issues d’un processus complexe, qui exige des allers-retours entre le président, le Congrès et la Cour suprême. Or, il est impossible de corrompre tous les membres de l’appareil d’Etat. Les individus ou les entreprises qui soutiennent un candidat le font parce qu’ils partagent ses idées. C’est dans cet ordre-là que les choses se font.

Du reste, il faut garder à l’esprit que le système américain repose en grande partie sur le mécénat. C’est une chose qu’on a du mal à comprendre en France, où l’on est attaché au financement public de la vie politique. Le système français repose sur une «prime au sortant». Je pense que cela contribue à freiner le renouvèlement de la classe politique et empêche l’émergence de nouvelles personnalités.

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Guy Millière est géopolitologue, spécialiste des Etats-Unis. Il est «senior advisor» pour le think tank Gatestone Institute à New York. Il a notamment écrit «L’Amérique monde» (2000) «Pourquoi Bush sera réélu» (2004) et «Le désastre Obama» (2012).

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