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Festival de Cannes: Décryptage de la Sélection Officielle 2014

L’Artichaut décrypte film par film la sélection officielle du festival de Cannes 2014.

L’équipe de Thierry Frémaux a cette année opté pour la constance, la plupart des réalisateurs ayant déjà concouru pour la Palme, ou s’étant déjà vu récompensé sur la Croisette. Avec Ken Loach, Mike Leigh et des frères Dardennes, le cinéma social européen séduit les programmateurs et réussit son tour de force. Mais si la politique des quotas limite la surreprésentation du cinéma français et permet un choix exotique, les réalisatrices sont (encore une fois),  les grandes absentes de cette sélection, avec seulement deux femmes nommées. 

[image:1,l]La compétition officielle du festival de Cannes compte cette année 18 films, Tombouctou, d’Abderrahmane Sissako ayant été oublié dans la première conférence de presse. Une sélection qui comprend comme chaque année de grands noms du cinéma français comme du cinéma international, et quelques underdogs moins connus du grand public.

Voici la liste officielle, par ordre alphabétique, décryptée par l’Artichaut.

Sils Maria de Olivier Assayas

Olivier Assayas est l’un des 4 français présents dans la sélection officielle. Sils Maria » raconte l’histoire d’une comédienne à l’apogée de sa carrière, qui va rejouer une pièce qui avait lancé sa carrière. Une jeune actrice reprend le rôle qu’elle avait autrefois interprété, l’amenant ainsi à s’interroger sur sa carrière, son âge… Des questions abordées dans les années 50 par Mankiewicz dans All about Eve, et qui seront remises d’actualité par un trio d’actrices internationales: Juliette Binoche, Chloe Grace Moretz et Kirsten Stewart. Le réalisateur, qui concourt pour la première fois dans la sélection, n’a pour l’instant jamais reçu de palme d’or. Mais sa filmographie éclectique et sa direction d’acteur, qu’on a récemment pu apprécier dans Carlos, laisse espérer une bonne surprise.

Saint Laurent de Bertrand Bonello

C’est une des grandes attentes de ce festival : Le second film sur Yves Saint Laurent à sortir cette année, réalisé cette fois par Bertrand Bonnello dont le dernier film, le très bonAppolonide, Souvenirs d’une Maison Close, date de 2011. Le couturier sera cette fois ci interprété par Gaspard Ulliel, accompagné par des acteurs français habitués de la Croisette : Léa Seydoux, Louis Garrel, Valéria Bruni Tedeschi, et Jérémie Renier en Pierre Bergé… On attend l’apparition de Willem Dafoe en Andy Wharol, mais surtout un biopic moins convenu que le précédent. Le réalisateur concourt également pour sa première palme d’or.

Sommeil d’hiver de Nuri Bilge Ceylan

Le réalisateur turc Nuri Bilge Ceylan présente pour la sixième fois un film à Cannes. Une autre fiction mettant en scène un comédien, cette fois-ci à la retraite qui va décider de laisser l’hôtel dont il est gérant, son épouse et sa famille, pour partir. Un synopsis qui en dit donc peu, mais un réalisateur prometteur: considéré comme le metteur en scène le «plus représentatif de son pays» par les Cahiers du Cinéma, Nuri Bilge Ceylan a été plusieurs fois récompensé au Festival du film de Cannes, mais jamais encore par la palme d’or.

Maps to the Stars de David Cronenberg

David Cronenberg dont le dernier film, Cosmopolis, était déjà en compétition en 2012, revient cette année sur la Croisette. Le film raconte l’histoire de Stafford Weiss, psychothérapeute et coach personnel dont le fils de 13 ans, star télévisuelle, sort tout juste de cure de désintoxication et d’autres personnages à l’histoire tout aussi loufoque : Un synopsis plutôt compliqué donc, pour ce qui semble être un film choral et une peinture cynique du Hollywood contemporain. Le casting comprend d’ailleurs le tout Hollywood d’aujourd’hui et de demain, avec Julian Moore, Robert Pattinson et Mia Wasikowska. Déjà lauréat d’un grand prix du jury pour Crash, on espère que Cronenberg saura encore nous surprendre cette année.

Deux jours, une nuit des frères Dardenne

Les frères Dardenne font partie des rares réalisateurs déjà deux fois lauréats de la Palme d’or. Pour leur 6e participation au festival, ils présentent un film social où Sandra (jouée par Marion Cotillard), aidée par son mari (Fabrizio Rongione), a 48 heures pour convaincre ses collègues de refuser une prime afin qu’elle puisse garder son travail. L’actualité brûlante de ce thème est accompagnée d’un choix audacieux des réalisateurs en matière de casting. En effet, leurs acteurs sont rarement des « stars », à l’instar de Marion Cotillard. Ils semblent donc avoir sorti le grand jeu pour cette édition. Toujours primés au festival, les frères Dardenne apparaissent être en bonne position pour remporter la Palme d’or.

Mommy de Xavier Dolan

Avec Mommy, Xavier DOLAN, jeune pousse du cinéma québécois, entre pour la première fois en compétition officielle à Cannes.

Son 1er film, J’ai tué ma mère (2009), avait été primé à 3 reprises lors de la 41° Quinzaine des Réalisateurs, recevant entre autre le prix « Regards Jeunes pour les longs-métrages ». En 2010, son deuxième film, Les amours imaginaires est aussi présent à Cannes, et obtient le prix de la Jeunesse dans le cadre de la sélection « Un Certain Regard ». En 2012, Dolan espère enfin entrer en compétition officielle avec Laurence Anyways. Sa déception est lourde lorsque ce dernier se retrouve une nouvelle fois sélectionné pour un « Certain Regard ». Jean-Michel Frodon, critique émérite aux Cahiers du Cinéma, regrettera d’ailleurs son absence de la sélection officielle. Il obtient tout de même la « Queer Palm », prix LGBT du Festival. Tom à la ferme est, à ce jour, le seul film de Dolan à ne pas avoir été présenté à Cannes.

Si Dolan s’attend à ce que Mommy soit « inévitablement comparé » à J’ai tué ma mère, il maintient que ce nouveau film en demeure « profondément différent ». L’histoire est la suivante : une mère monoparentale (interprétée par Anne Dorval), très caractérielle bien qu’attachante, hérite du jour au lendemain de la garde à temps plein de son fils, renvoyé du centre correctionnel dans lequel il était placé. Elle perd alors son emploi. La situation familiale se dégrade, jusqu’à ce qu’une voisine (Suzanne Clément) se propose, gratuitement, de leur prêter main forte. Dolan deviendra t’il le plus jeune réalisateur à se voir décerner la « Palme d’Or » ?

Captive d’Atom Egoyan

Second canadien en compétition, Atom Egoyan, dont on a peu entendu parler ces derniers temps, présente cette année un film à suspense racontant la disparition d’une fillette et les indices semblant prouver qu’elle est toujours en vie, 8 ans plus tard. Une enquête policière donc, avec dans les rôles principaux Ryan Renoylds, Mireille Enos et Rosario Dawson.

The Search de Michel Hazanavicius

(avec Bérénice Bejo et Annette Bening)

Le réalisateur français Michel Hazanavicius, connu pour ses deux adaptations d’OSS 117, films d’espionnage parodiques, s’est vu décerner l’Oscar du meilleur réalisateur pour son film muet et en noir et blanc The Artist. Suite à cette consécration (le film a remporté plus de 100 récompenses dans le monde en 2012), il ne paraît pas étonnant que les dirigeants du Festival de Cannes s’intéressent finalement au phénomène.

Avec The Search, dont la sortie est prévue cette année, Michel Hazanavicius propose un remake des Anges Marqués de Fred Zinnemann, drame de guerre sorti, à l’origine, en 1948. Dans la version originale, un soldat américain aide un jeune tchèque rescapé d’Auschwitz, à la recherche de sa mère dans un Berlin dévasté par la guerre qui vient de s’achever. La version d’ Hazanavicius prend propose une adaptation différente du synopsis original, puisque le conflit évoqué est la seconde guerre de Tchétchénie, et le personnage du soldat devient une employée d’ONG, interprété par son actrice fétiche et épouse, Bérénice Béjo.

Si The Search apparaît être de la qualité de The Artist, Hazanavicius a toutes les chances d’être en lice pour la Palme d’Or, ou encore le Prix de la Mise en Scène.

Adieu au langage, de Jean-Luc Godard

Si Jean-Luc Godard avait laissé entendre que Film Socialisme (sorti en 2010) serait sa dernière réalisation, et qu’il ne s’était pas déplacé à Cannes lorsqu’il avait été sélectionné pour « Un Certain Regard », il en sera tout autrement cette année. L’immense réalisateur revient à l’écran, et en trois dimensions, avec Adieu au langage, dont la date de sortie n’est pas encore connue, et sera postérieure à celle de 3X3D ; première expérience en 3D du maitre de la Nouvelle Vague. Les deux dernières sélections officielles de Godard à Cannes dataient respectivement de 1985 avec Détective (il présentait à l’affiche le couple Baye-Halliday, ainsi que Claude Brasseur et Jean-Pierre Leaud), et de 1990, avec Nouvelle Vague (avec Alain Delon). Les seules informations circulant actuellement sur Adieu au langage proviennent de sa très énigmatique bande-annonce, où se côtoie un décompte de cinéma, un objectif d’appareil photo, des livre, une femme, nue, un chien, et même un gentleman anglais. Wild Bunch, distributeur du film, propose un synopsis tout aussi déconcertant : un couple se déchire lorsque la femme s’éprend d’un célibataire. Un chien erre entre ville et campagne, et finit par rencontrer le couple. C’est à ce moment-là qu’un « second film » commence, selon le distributeur, plus proche de la métaphore que de la race humaine. Il va sans dire que Godard, s’il est l’un des « éléphants » de Cannes, est encore en mesure de nous proposer un au-delà de l’imaginaire, et nous invite à plutôt nous laisser guider par un chien symbole de l’incompréhension linguistique. Il sera, c’est certain, l’une des valeurs sûres, bien que controversée, de ce festival.

Deux fenêtres de Naomi Kawase

Le festival pourra encore être critiqué cette année pour la faible représentation féminine dans sa compétition officielle : Après Valéria Bruni Tedeschi l’année dernière, c’est cette fois Naomi Kawase qui avec Alice Rohrwahrer sera une des seules femmes à concourir pour la palme d’or. Cette réalisatrice japonaise de documentaires et de fiction est déjà lauréate d’un grand prix à Cannes en 2007 pour La fôret de Mogari. Elle présente cette année une fiction racontant l’histoire d’un garçon découvrant un cadavre dans la mer et qui tente de percer les mystères entourant sa mort.

Mister Turner de Mike Leigh

Le britannique Mike Leigh revient pour la cinquième fois au festival de Cannes pour nous présenter le biopic Mister Turner. Ce film d’époque à gros budget narre l’histoire du célèbre peintre britannique William Turner, précurseur de l’impressionnisme et homme à la vie hors norme. Ce film signe la 4e collaboration du réalisateur avec Timothy Spall, qui jouera le rôle de Turner. Il s’agit du cinquième film du réalisateur présenté au festival de Cannes. Lauréat de la Palme d’or en 1996 pour Secrets et mensonges, Mike Leigh a déjà remporté de nombreux prix au festival. Malgré ses quelques années d’absences avant 2010, Mike Leigh semble bel et bien réconcilié avec le festival de Cannes. Le film de Mike Leigh, dont la réputation n’est plus à faire, est attendu avec impatience.

Jimmy’s Hall de Ken Loach

Ken Loach est un habitué du « Prix du Jury » du Festival de Cannes. Il le rafle à trois reprises, une première fois en 1990, avec Secret Défense (Hidden Agenda), une seconde fois à peine trois ans plus tard, en 1993, pour Raining Stones, et la dernière fois en date pour La part des Anges, en 2012. Entre temps, en 2006, il obtient la Palme d’Or du 59° Festival, pour Le Vent se lève.

Cette année, ce sera la 13° fois qu’il est en lice dans la sélection officielle, et sa productrice, Rebecca O’Brien, a annoncé qu’il était fort probable que le réalisateur fasse ses adieux à la fiction. Alors simple coup marketing pour conférer au film un intérêt « historique » supplémentaire, ou déclaration sincère ? L’on est en droit de se poser la question.

Il n’en reste pas moins qu’avec Jimmy’s Hall, Ken Loach affirme sa volonté d’approfondir une ultime fois sa saga sur l’indépendance irlandaise. Il choisit de se pencher cette fois sur l’histoire atypique du leader communiste irlandais Jimmy Gralton. Naturalisé américain en 1909, de retour dans son pays natal dans les années 1920, il y ouvre un drôle de dancing, terrain d’un grand nombre de débats politiques entre les communistes et l’Eglise catholique. En conséquence de son implication dans l’attisement de l’opposition entre ces derniers, Gralton sera jugé indésirable sur les terres irlandaises en 1933, et le premier et unique ressortissant à être expulsé du pays.

Ken Loach verra t’il sa carrière félicitée par une ultime « Palme d’Or », ou repartira t’il avec un énième « Prix du Jury » ? »

Foxcatcher de Bennett Miller

C’est la première fois que ce réalisateur présente un film à Cannes, ce qui mérite d’être noté au vu du reste des compétiteurs. Bennett Miller qu’on connait surtout pour son biopic de Truman Capote avec Dustin Hoffmann présente cette année une histoire de meurtre dans le monde de la lutte libre. Les rôles principaux sont interprétés par Mark Rufalo, Steve Carrel, et Channing Tatum qu’on aura donc la chance de voir en costume sur le tapis rouge. A part ça, peu d’infos sur ce film dramatique inspiré d’une histoire vraie qui est pour Bennett Miller l’occasion de recevoir pour la première fois une récompense à Cannes.

Les Merveilles d’Alice Rohrwacher

Deuxième femme en compétition, Alice Rohrwacher, réalisatrice italienne, présente pour la première fois un film en compétition officielle. Les Merveilles raconte l’histoire de Gelsomina, jeune fille vivant avec son père et ses soeurs, dont la vie va changer avec l’arrivée d’un garçon appelé Martin. On remarque la présence de Monica Bellucci au casting de ce film dramatique qui est la seconde fiction d’Alice Rohrwacher.     

Timbuktu, Le Chagrin des Oiseaux d’Abderrahmane Sissako

Seul film africain parmi les 18 films en lice pour la Palme d’or (d’ailleurs quasiment oublié par le délégué général du festival lors de l’annonce des sélectionnés), le cinéaste mauritanien n’est pas un inconnu du festival. Sissako a obtenu, en 2002, le Prix de la Critique Internationale du Festival de Cannes pour En Attendant le Bonheur, il fait partie du jury des longs métrages en 2007.

Timbuktu, Le Chagrin des Oiseaux raconte l’histoire de la ville de Tombouctou, surnommée « la ville aux 333 saints » ou « la perle du désert », jadis symbole de tolérance et de symbiose entre les communautés qui y vivaient. Mais, 2012, la ville classée au patrimoine mondial de l’UNESCO est occupée par les islamistes et ses lieux sacrés sont détruits. Voici les seules informations que nous avons pu trouver sur le synopsis du film : « Le 22 juillet 2012, à Aguelhok, une petite ville du Nord du Mali, alors qu’un jeune couple vit heureux avec leurs 2 enfants, ils se font assassiner. Leur crime était de ne pas être mariés ».

Ce film apparaît donc à la fois comme un outsider, mais aussi comme une possible révélation dans un festival qui gagne toujours à aller voir plus loin.

Wild Tales de Damian Szifron

Szifron présente son premier film au festival. Le réalisateur argentin est reconnu pour la série télévisée Los Simuladores (2002). Prise de risque des réalisateurs, le nouveau film de Damian Szifron est un regard croisé sur 6 destins de déchéance. Après 7 ans d’inactivité cinématographique, le réalisateur avec Wild Tales revient à son sujet préféré: les malheurs du quotidien, traité avec humour, suspense et violence. Un gros avantage pour se film de portraits réside dans le casting: Ricardo Darín, comme Óscar Martínez ou Leonardo Sbaraglia font partie de la nouvelle scène argentine, Darin et Sbaraglia s’étant déjà révélés sur la scène internationale. Largement moins distribué en France qu »‘il n’est attendu en Argentine, la sélection de Wild Tales par la programmation du festival est une surprise, et sûrement un coup de cœur de l’équipe des programmateurs.

The Homesman de Tommy Lee Jones

Ce film est l’un des plus attendus de la Croisette. En effet, Tommy Lee Jones (que l’on ne présente plus), est depuis 2005 passé derrière la caméra. Prix d’interprétation masculine à Cannes pour Trois Enterrements, qu’il avait réalisé, son film avait alors reçu un accueil très favorable.

Près de 10 ans plus tard, il revient présenter son deuxième film en tant que réalisateur, pour lequel il a également co-écrit le scénario. Dans le midwest du 19e siècle, en pleine conquête de l’Ouest, trois femmes jugées folles sont confiées à l’aventurière Mary Bee Cuddy pour les rapatrier dans l’Est. A cela s’ajoute un casting en or avec Hilary Swank dans le rôle de Mary Bee Cudy, Tommy Lee Jones en vagabond qui participe au voyage, mais aussi Hailee Steinfeld (qu’on a notamment vu dans True Grit), Meryl Streep, James Spader et d’autres encore. Qui plus est, le film est produit par Luc Besson. Bref, un film prometteur.

Leviathan de Andreï Zviaguintsev 

« Récit de Job dans la Russie Moderne ». Le film du réalisateur russe est un huit clos en bord de mer, un David contre Goliath sibérien entre un propriétaire de garage et le maire du village. Encore une fois, un huit clos réside avant tout sur la qualité des acteurs. Et encore une fois le réalisateur russe n’échappe pas à la règle de montrer un trio d’acteurs reconnus : Aleksei Serebryako, acteur phare de la Russie moderne ( et également le plus payé ) ; Elena Lyadova qui s’est démarquée dans Elena, film de Zviaguintsev qui a reçu le prix spécial du jury cannois en 2011, et enfin le dernier membre du trio, l’acteur international Vladimir Vdovichenkov. Ayant reçu le prix spécial du jury en 2011 pour la sélection Un Certain Regard, si il parait évident que Zviaguintsev accède enfin à la sélection, beaucoup se demandent pourquoi la programmation ne lui a pas préféré le dernier film de Sokourov. Autant dire que le choix du réalisateur de Léviathan ne fait déjà pas l’unanimité.

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