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Inde: Rahul Gandhi, chef de file falot d’une dynastie en perte de vitesse?

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Il a l’âge – 43 ans – de John Fitzgerald Kennedy lorsque celui-ci emménage à la Maison Blanche. A l’instar de l’ancien président américain, il a une « belle gueule ». Comme lui, il appartient à un «clan» ; un clan frappé par la mort violente de plusieurs de ses membres.

Pourtant, Rahul Gandhi, arrière-petit-fils du Premier ministre de l’indépendance de l’Inde Jawaharlal Nehru, petit-fils d’Indira, Première ministre assassinée, fils de Rajiv qui lui succède, bientôt cible d’un attentat suicide, ne semble pas près de s’emparer du pouvoir et de se tailler une carrière politique avec la flamboyance d’un JFK.

Jugé « sans consistance » par Washington dans un câble diplomatique datant de 2007 révélé par WikiLeaks, Rahul Gandhi, vice-président du parti du Congrès – revenu au pouvoir en 2004 – et candidat officieux au poste de Premier ministre, est donné par les sondages grand perdant des élections législatives qui mobilisent près de 815 millions électeurs indiens depuis le 7 avril jusqu’au 12 mai.

Rencontre avec cette personnalité politique peu charismatique, et pourtant incontournable du paysage électoral indien, qui porte l’avenir d’un parti historique, mais usé par la récession économique, les scandales de corruption et une décennie de pouvoir, avec Rasheed Kidwai, auteur de plusieurs ouvrages sur le Parti du congrès et les Gandhi, et Varghese K. George, chef du service politique du quotidien « The Hindu ».

 

JOL Press : Rahul Gandhi semble s’être engagé dans la vie politique à reculons. L’a-t-il fait par ambition personnelle ou par « devoir », étant l’héritier d’une dynastie historique ?
 

Varghese K. George : Il a toujours soutenu qu’il n’entrait pas en politique pour satisfaire sa propre ambition mais pour promouvoir le changement social.

Il a affirmé à plusieurs reprises que devenir Premier ministre n’était pas important à ses yeux ; mais cela ne signifie pas qu’il exclut jamais de le devenir.
 

JOL Press : Quel est le bilan de Rahul Gandhi dans sa circonscription à Amethi, dans l’Uttar Pradesh ?

Varghese K. George : Plutôt bon. Dans le sens où il a su rester en contact avec ses électeurs et prendre l’initiative d’entreprendre des réformes par lui même ou via la Fondation Rajiv Gandhi dont il est à la tête.

Rasheed Kidwai : Rahul Gandhi a remporté les élections parlementaires à Amethi en 2004 et 2009, et devrait facilement l’emporter cette année.

JOL Press : Rahul Gandhi est peu charismatique. Mais est-ce cela qui rebute en premier lieu les électeurs, ou bien est-ce davantage l’image écornée du parti du Congrès ?

Varghese K. George : Il est un piètre orateur, et c’est son principal défaut. Son héritage familial est plutôt quelque chose qui résonne encore, dans une certaine mesure, parmi la population indienne.

JOL Press : Rahul Gandhi ne s’est-il pas placé dans une position délicate en critiquant les dynasties politiques alors qu’il en incarne le plus bel exemple ? 
 

Rasheed Kidwai : Sa critique témoigne de sa naïveté et de son inexpérience. Aujourd’hui, environ 30% des élus indiens appartiennent de plus ou moins près à des dynasties politiques. 

JOL Press : Une cuisante défaite signerait-elle la fin de la carrière de Rahul Gandhi ? 
 

Varghese K. George : Pas nécessairement. Sa grand-mère, son père, sa mère : tous ont survécu à d’écrasantes défaites. Prenez Sonia Gandhi [la mère de Rahul, et l’actuelle présidente du parti du Congrès, ndlr] : immédiatement après qu’elle eut été portée au pouvoir, le parti a enregistré les pires scores électoraux de son histoire ; non seulement Sonia Gandhi y a survécu, mais elle a su entreprendre la résurgence du parti et assurer sa réélection.

Rasheed Kidwai : D’ici aux prochaines élections législatives, en 2019 voire 2024, Rahul Gandhi aura passé la cinquantaine ; nombreux sont les observateurs qui pensent qu’un passage dans l’opposition ne pourrait au final que lui servir, lui et son parti.

JOL Press : En cas de défaite de Rahul Gandhi, le parti pourrait-il être amené à faire appel à Priyanka, sa soeur, considérée unanimement comme étant brillante 
 

Varghese K. George : Priyanka Gandhi joue déjà un rôle clé auprès de son frère ; c’est d’ailleurs la famille dans son ensemble qui élabore la stratégie à mener. Mais il est vrai que l’on peut s’attendre à ce que l’influence de Priyanka sur son frère se renforce encore dans les prochains jours.

Rasheed Kidwai : Rahul et Priyanka sont meilleurs amis en même temps qu’ils sont frère et soeur. Elle est très présente à ses côtés en ce moment. 

JOL Press : Le parti du Congrès ne pourrait-il pas être plus attractif auprès des électeurs s’il n’était pas dirigé par un Gandhi ? Ou bien, au contraire, la direction par un membre de la dynastie est-elle l’élément le mieux à même de préserver l’unité de ce parti hétérogène ?
 

Varghese K. George : En l’absence des Gandhi, il ne serait pas évident pour le parti de préserver sa position et son influence. Il y a en son sein des groupes et intérêts disparates que seule la famille dynastique permet de maintenir ensemble.

Rasheed Kidwai : Il y a très peu de membres du parti qui ont une identité pan-indienne dans cet immense pays multi-langues et multi-culturel qu’est l’Inde. Il s’agit là d’un important atout de la famille Gandhi. Quel que soit son score à l’issue de l’élection en cours, la dynastie Gandhi restera centrale dans le paysage politique indien. 

 

Propos recueillis par Coralie Muller pour JOL Press

 

Rasheed Kidwai est l’auteur de plusieurs ouvrages sur le Parti du congrès et les Gandhi, notamment Sonia, a biography (Penguin, mai 2011).

Varghese K. George est journaliste, chef du service politique du quotidien The Hindu, et auteur de plusieurs essais, notamment Jayaprakash Narayan: The Eternal Rebel (Rupa & Co, avril 2004).

 

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