Site icon La Revue Internationale

Islam: et si le Conseil de l’Europe favorisait le communautarisme?

[image:1,l]

La grande Mosquée de Paris (Crédits: shutterstock.com)

Pour sa 31e édition, de vendredi à lundi au Parc des Expositions du Bourget (Seine-Saint-Denis), l’Union des organisations islamiques de France, réputée proche des Frères musulmans, a choisi le thème « Quelles valeurs pour un monde en mutation? L’homme, la famille, le vivre-ensemble ». Voiles, livres sur le prophète, plats hallal et musique orientale seront proposés aux visiteurs à l’occasion de ce qui reste le plus gros rassemblement musulman du monde occidental.

JOL Press : Comment l’Europe organise-t-elle l’intégration des musulmans dans les différents pays membres de l’Union ?

Claude Sicard : Aujourd’hui, ce sont le Conseil de l’Europe, à Strasbourg, et son bras judiciaire, la Cour européenne des droits de l’homme, qui donnent le ton en la matière. Le Conseil de l’Europe envoie des recommandations aux différents gouvernements des pays membres pour que les populations immigrées soient bien accueillies. Une recommandation du Conseil de l’Europe explique de façon très claire que les musulmans sont chez eux en Europe.

L’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme, dont l’application est assurée par le Conseil de l’Europe, garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion, y compris le droit de manifester sa religion ou ses convictions, individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l’enseignement, les pratiques et l’observance des rites. A ce titre, les prières de rue peuvent être autorisées…

JOL Press : Comment les musulmans s’intègrent-ils en Europe aujourd’hui ?

Claude Sicard : Par définition, un musulman, qu’il soit croyant ou pas, ne peut pas s’intégrer car il revendique, à juste titre, son identité. Au-delà de leur attachement à l’islam, les musulmans sont très attachés à leur identité et à leur culture. Or la culture européenne et la culture musulmane sont fondées sur des bases qui ne sont pas du tout les mêmes. Dans le Coran, un non-croyant (ou dhimmi) est considéré comme un citoyen de second rang.

Les musulmans qui arrivent en Europe sont conscients de ces différences de cultures, ils ne cherchent donc pas à s’intégrer, ils veulent rester eux-mêmes et vivre selon leurs traditions et leurs coutumes parce qu’elles constituent leur identité.

JOL Press : Les pays d’accueil arrivent-ils à s’organiser face à l’arrivée de ces populations très attachées à leur identité ?

Claude Sicard : En vertu du respect de la Convention européenne des droits de l’homme, les pays d’accueil ne peuvent pas empêcher ces populations de conserver leur mode de fonctionnement.

La Résolution 1743 (2010) du Conseil de l’Europe sur l’islam, l’islamisme et l’islamophobie en Europe, invite, par exemple, « les Etats membres à ne pas adopter une interdiction générale du port du voile intégral ou d’autres tenues religieuses ou particulières, mais à protéger les femmes contre toute violence physique et psychologique ainsi que leur libre choix de porter ou non une tenue religieuse ou particulière, et de veiller à ce que les femmes musulmanes aient les mêmes possibilités de prendre part à la vie publique et d’exercer des activités éducatives et professionnelles ». La France a donc, à cet égard, été rappelée plusieurs fois à l’ordre.

En 2012, le Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe, Nils Muiznieks, appelait les gouvernements européens à « renoncer aux lois et mesures visant spécialement les musulmans », comme la loi sur le voile intégral adoptée en 2010 en France. Aucune manifestation religieuse ne peut être interdite, selon la Convention européenne des droits de l’homme, tant qu’elle ne trouble pas l’ordre public. L’action des Etats est donc particulièrement limitée. Le Danemark et les Pays-Bas commencent à réagir mais il leur sera très difficile d’exiger des musulmans une parfaite intégration. Les musulmans ne cherchent pas à s’intégrer et si la Convention européenne des droits de l’homme ne les y encourage pas, pourquoi le feraient-ils ?

JOL Press : La France va-t-elle être obligée de modifier sa législation ?

Claude Sicard : On n’en est pas encore là mais elle peut être sévèrement rappelée à l’ordre. Ce que très peu de personnes savent c’est qu’un musulman résidant dans un pays non musulman a le droit de ne pas respecter toutes les obligations coraniques. Il pourrait très bien ne pas exiger de manger du hallal, par exemple. Quand il est en minorité dan un pays, ce qui est encore le cas en Europe, un musulman n’est pas tenu d’obéir strictement au Coran. Le Conseil de l’Europe devrait donc dire : dans la mesure où vous êtes minoritaires, vous pouvez donc vous intégrer parfaitement dans les sociétés dans lesquelles vous êtes. Mais ce n’est pas ce qu’il dit.

JOL Press : Le Conseil de l’Europe ne craint-il pas la montée des communautarismes ?

Claude Sicard : Je n’ai pas trouvé le mot de communautarisme dans les textes du Conseil de l’Europe. Je pense donc que le Conseil de l’Europe favorise le communautarisme plutôt que de le combattre.

JOL Press : A quoi aspirent les mouvements de l’islam le plus radical en Europe ?

Claude Sicard : Les mouvements de l’islam le plus radical souhaitent que l’islam devienne la religion la plus pratiquée en Europe. Ils sont convaincus que l’islam doit s’imposer à l’Europe et au monde entier. Allah a dit aux musulmans : « Vous êtes la meilleure communauté que Dieu n’ait jamais créé ». Quand ils voient que l’Europe perd ses valeurs et permet des choses qu’interdit le Coran, comme le mariage homosexuel, par exemple, ils portent sur la civilisation occidentale un regard très sévère et tentent de convaincre que c’est la civilisation musulmane qui devra, un jour, s’imposer au monde.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Agronome, docteur en économie, Claude Sicard est un spécialiste des problèmes de développement. Consultant agissant auprès d’organismes publics et d’organisations internationales (ONU, OCDE…), ses diverses activités lui ont donné une connaissance approfondie du monde musulman. Il a déjà publié, en 2009, Le face-à-face islam-chrétienté. Quel destin pour l’Europe ? aux éditions François-Xavier de Guibert.

Quitter la version mobile