Site icon La Revue Internationale

Le «crime de sale gueule» n’existe pas

C’est tellement systématique que cela en devient risible après même les pires tragédies ! Dès qu’un crime atroce a été commis, qu’un enfant, par exemple, a été violé et tué ou que des agissements malfaisants répétés ont bouleversé un village, une ville, une région, le même processus médiatique est enclenché.

On va questionner ceux qui ont connu, dans leur quotidienneté, la personne suspectée après qu’elle a été interpellée puis mise en examen. A chaque fois, l’air ébahi ou placide, ils répondent que « ça ne lui ressemble pas », qu’on n’aurait pas pu imaginer cela d’elle, qu’elle était serviable et bien appréciée ou, plus banalement, qu’on n’avait jamais eu rien à lui reprocher, qu’elle ne s’était jamais fait remarquer défavorablement. Bref, que le crime apparaît comme une totale surprise, une anomalie dans cette vie et pour cet homme que rien, auparavant, ne distinguait.

Il est dur de s’habituer au surgissement de l’horreur 

Ce qui est ridicule dans cette démarche sans cesse opérée par des journalistes curieux est l’ignorance de la nature humaine qu’elle révèle. Comme si le « crime de sale gueule » existait et que fatalement l’horreur de ce qui était projeté et perpétré devait s’inscrire sur le visage, sur le corps, dans l’apparence du transgresseur. Ce serait alors si simple, si confortable, pour notre propre tranquillité d’âme, notre sérénité sociale, que ces stigmates éclatants, comme des indices humains et rassurants : le crime laissait forcément des traces là où il passait, dans sa préparation comme dans son exécution.

Intolérable que le criminel soit, avant son forfait, comme tout le monde

Il ne pouvait pas ne pas avoir d’incidence sur la nature humaine, il devait être visible à l’œil nu, sinon on n’était pas loin d’un monde doublement immoral : que l’assassinat ait été commis, soit, mais aussi qu’il n’ait pas marqué la physionomie de l’auteur. Il est dur de s’habituer au surgissement de l’horreur sans qu’elle ait bouleversé, dégradé, étiqueté son principal responsable. Comme si pour la multitude des honnêtes gens il y avait là une injustice. Intolérable que le criminel soit, avant son forfait, comme tout le monde.

A quoi sert d’être voué à l’innocence si on ne remarque pas d’emblée les coupables ? Mais je vous le dis : il était si gentil, il n’aurait pas fait de mal à une mouche.

Lire d’autres articles de l’auteur sur son blog.

 

Quitter la version mobile