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Le Parti Québécois défait par une peur «maladive» de l’indépendance

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JOL Press : Comment s’est déroulée cette campagne ?

 

Christian RiouxNous avons connu une campagne tout à fait erratique. Au début, les sondages étaient plutôt bons, et le Parti Québécois (PQ) semblait confiant pour l’emporter.

Or, c’est la question d’un référendum [sur l’indépendance, ndlr] qui a été au cœur des débats, alors que c’est quelque chose que personne ne proposait. Toute cette campagne a tourné autour d’un sujet inexistant, lié à la peur que je qualifierais de maladive qu’ont les québécois d’un troisième référendum.

Ils ont déjà dit non à deux reprises. On ne connaît pas d’autres exemples dans le monde de peuples qui ont voté contre leur indépendance.

JOL Press : Ces résultats ont été plutôt inattendus, avec le retour au pouvoir des libéraux et la lourde défaite du PQ. Comment l’expliquez-vous ?

 

Christian Rioux : C’est un résultat qui est très difficile à interpréter. Le fait notamment que le PLQ soit réélu, 18 mois après avoir été chassé du pouvoir suite aux révélations sur la corruption – ce que vous appelez les affaires – est très surprenant.

La peur du référendum explique en partie l’explosion et la division de ce que l’on appelle le vote nationaliste, qui est souvent mal interprété en France. Mais il y a aussi le fait qu’aujourd’hui, il y a trois partis souverainistes au Québec. L’un des plus récents est la Coalition Avenir Québec, qui veut faire la promotion des intérêts des québécois, amener la question de la langue… Donc qui joue sur le terrain du PQ.

Mais, comme je le disais précédemment, cette élection a été complètement erratique. Il faut aussi prendre en compte la place des médias dans ce résultat. Par exemple, la Coalition Avenir Québec avait des sondages catastrophiques un an avant l’élection, et est entré en campagne avec des sondages encore pire. Deux semaines avant l’élection, tout le monde annonçait la disparition de ce parti. Au moment où les québécois ont vu que les libéraux allaient avoir un gouvernement majoritaire et qu’ils ont senti le PQ faiblir, toute une partie de l’électorat s’est remis à voter pour la Coalition Avenir Québec. C’est une sorte de phénomène miraculeux qui vient démentir un an de sondage.

JOL Press : Que va-t-il se passer dans les prochains mois ?

 

Christian Rioux : Nous avons un paysage politique relativement transformé. Le Parti Libéral du Québec au pouvoir aujourd’hui n’est plus l’ancien parti qu’on a connu dans les années 60-70. Celui du « maîtres chez nous », de la « souveraineté culturelle ». Philippe Couillard accepte le Canada tel qu’il est, c’est-à-dire qu’il n’a strictement aucune revendication nationale pour les Québécois. C’est un parti que nous n’avions pas avant, il fallait aller à Ottawa pour trouver ce genre de choses.

Le PQ va devoir se poser la question de l’orientation à prendre. Après la défaite aux élections de 1995, il avait tourné le dos à une politique identitaire. Mais depuis un ou deux ans, il est revenu à ses origines.

C’est ce virage qui lui a fait connaître, malgré la défaite, une certaine éclaircie dans les sondages. Quand on s’intéresse aux candidats élus ou qui ont conservé leurs comtés, ce sont ceux qui défendent ces positions nationalistes.

On a le sentiment que ce virage va se poursuivre, ce qui pourrait peut-être amener le PQ à former une alliance avec la Coalition Avenir Québec. Mais ce genre d’arrangement n’est pas vraiment dans nos traditions politiques.

JOL Press : Sur le plan national, comment ces résultats ont-ils été accueillis ?

 

Christian Rioux : Au Canada, à chaque fois qu’un gouvernement fédéraliste est élu, on applaudit, et à chaque fois on décrète que le mouvement d’indépendance est mort. Dans ce cas-là, il est mort en 1980, en 1995… Mais comme par hasard, cinq ans plus tard, il est encore là. Peut-être pas victorieux, mais toujours présent. Je pense que l’idée d’indépendance est indissociable du paysage politique québécois. Le Canada prend un peu ses rêves pour des réalités en pensant que cette idée est morte.

Propos recueillis par Benjamin Morette pour JOL Press

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