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Le voile n’est pas spécifiquement musulman, il l’est devenu

07.04.2014 par La Rédaction

Formes noires fantomatiques, sombres silhouettes drapées, visages de femmes mangés par le tissu : pourquoi de telles images, désormais familières, dérangent-elles ? Pourquoi le port du voile blesse-t-il à ce point le regard des Européens ? Loin des polémiques, Bruno Nassim Aboudrar renouvelle le débat et met au jour les malentendus qui entourent cette pratique millénaire, dans un livre « Comment le voile est devenu musulman » (Flammarion – mars 2014). Entretien.

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Le voile à l’usage des fidèles n’est mentionné qu’une seule fois dans le Coran (Crédits: shutterstock.com)

Le voile n’est pas spécifiquement musulman : il l’est devenu. Presque absente du Coran, c’est une prescription construite progressivement, au terme d’une histoire dont l’épisode colonial est un chapitre majeur. Si le port du voile nous choque, c’est moins en raison de l’outrage fait aux femmes ou de l’entorse à la laïcité que parce qu’il bouleverse un ordre visuel fondé sur la transparence, et lui oppose un provocant plaidoyer pour l’opaque, le caché, le secret, l’obscur.

Et pour les musulmanes qui se voilent en Occident, n’est-ce pas un jeu de dupes, une impiété nichée au cœur d’une intention religieuse ? Car en montrant qu’elles se cachent, elles cachent en réalité qu’elles se montrent ? Scrutant tour à tour la lettre du Coran, le voyeurisme de l’art orientaliste, les dévoilements spectaculaires orchestrés en Turquie ou au Maghreb, Bruno Nassim Aboudrar délivre une lecture inédite des stratégies à l’œuvre derrière le voile, dans un livre Comment le voile est devenu musulman (Flammarion – mars 2014). Entretien.

JOL Press : Comment en êtes-vous venu à vous intéresser à cette question du voile dans l’islam ?
 

Bruno-Nassim Aboudrar : Ma curiosité a été attirée par une photographie parue dans le journal Le Monde il y a quelques années, et qui ouvre mon livre. Elle représente un couple de musulmans « salafistes », (fondamentalistes). Lui, barbu, vêtu d’une longue chemise blanche, elle hermétiquement voilée de noir, avec niqab et gants. Mais assis l’un à côté de l’autre sur un divan. Cette photo m’a alerté, car elle présente toutes les apparences de la piété musulmane – sauf que l’islam interdit les images, répugne aux manifestations publiques de tendresse conjugale et que le couple est avant tout un modèle chrétien. Cette image m’a fait comprendre que le port ostentatoire du voile recouvrait un paradoxe : il crée une image de l’islam, religion sans image, et met en évidence des femmes qui, en quelque sorte, exhibent leur dissimulation. 

JOL Press : Le voile n’est pas spécifiquement musulman, il l’est devenu, écrivez-vous. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
 

Bruno-Nassim Aboudrar : En effet, le voile à l’usage des fidèles n’est mentionné qu’une seule fois dans le Coran, et il s’agit d’une simple recommandation de bienséance, sans portée religieuse, destinée à protéger les femmes de la grossièreté de certains hommes. En revanche, l’apôtre saint Paul, qui est le véritable inventeur de la religion chrétienne exige des femmes qu’elles se voilent pour prier pendant le culte. Il en fait donc une affaire symbolique et religieuse, la marque de l’infériorité des femmes, dans une hiérarchie naturelle et divine où elles ont été créées en dernier. Après lui, les Pères de l’Eglise qui bâtissent la doctrine chrétienne insistent pour que les femmes se voilent en signe de soumission à Dieu et aux hommes. 

[image:2,s]JOL Press : Comment expliquer, dans ce cas, que les femmes qui ne portent pas le voile aujourd’hui ne soient pas considérées comme de bonnes musulmanes ? 
 

Bruno-Nassim Aboudrar : Qui vous dit qu’elles ne sont pas considérées comme des bonnes musulmanes ? L’intolérance existe partout, mais elle n’est nulle part majoritaire. Or de très nombreuses musulmanes ne portent pas le voile, se considèrent  comme de bonnes musulmanes parce qu’elles respectent les cinq piliers de leur religion (dont le voile ne fait évidemment pas partie) et sont considérées comme telles par leurs coreligionnaires. Je ne suis pas sociologue, et je n’ai donc pas mené d’enquête, mais ce que l’on voit dans la rue, ou à la cafétéria de mon université, par exemple, c’est plutôt des groupes « mixtes » voilées et non voilées que des scènes de ségrégation. 

JOL Press : Le voile est-il devenu, chez certaines femmes, un refuge identitaire ?
 

Bruno-Nassim Aboudrar : Il faudrait le leur demander.  Mais pourquoi devraient-elles se « réfugier » ? En Europe, je pense qu’il s’agit plutôt d’une affirmation à la fois identitaire et personnelle comparable à toutes ces affirmations identitaires et personnelles que la mode et la société promeuvent à foison. Cela étant, je pense qu’il y a un clivage entre le voile comme signe, qui manifeste désormais – et paradoxalement – l’appartenance de celle qui choisit de le porter à la religion musulmane, et le voile comme instrument de coercition, qui continue d’être imposé à d’autres femmes, au nom de l’islam, dans des pays soumis à un régime de phallocratie d’Etat. 

JOL Press : Pourquoi ce voile dérange tant les Occidentaux ?
 

Bruno-Nassim Aboudrar : Parce qu’il se voit. Plus précisément, parce qu’il conteste sur son propre terrain l’ordre visuel de l’Occident, fondé sur la puissance du regard, l’ostentation et la transparence. Je raconte dans mon livre comment la culture islamique classique se méfiait du regard et avait mis en place tout un système destiné à le canaliser – refus des images, absence de fenêtres, de perspectives, discrétion vestimentaire, et voile. Ce système s’est abîmé avec l’arrivée de la photographie, puis de la télévision, et il n’en reste que le voile. En face, le monde occidental développait au contraire tout ce qui peut servir la vue. Aujourd’hui, dans ce monde contemporain d’ultra-visibilité et d’ultra-transparence (qu’on pense par exemple aux réseaux sociaux) le voile rend visible une invisibilité. 

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Bruno-Nassim Aboudrar est professeur d’esthétique à l’université Paris 3 – Sorbonne nouvelle, il est l’auteur de plusieurs essais, notamment Nous n’irons plus au musée (Aubier, 2000), ainsi que d’un roman : Ici-bas (Gallimard, 2009).

La Rédaction


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