Site icon La Revue Internationale

Les dépenses militaires mondiales en baisse en 2013

[image:1,l]

JOL Press : Comment expliquer cette diminution des dépenses militaires mondiales ?
 

Guillaume Lagane : Depuis la crise de 2008, beaucoup d’Etats font face à d’importantes difficultés budgétaires, notamment les pays développés, ce qui a conduit à une baisse globale des budgets de défense. Un deuxième élément entre en compte : l’administration Obama a fait le choix d’une politique étrangère moins interventionniste. Les Etats-Unis ont réduit leur budget de défense – qui représente la moitié des dépenses militaires dans le monde – de 7,8% en 2013, avec la fin des opérations en Irak, le début du retrait d’Afghanistan et les coupes drastiques adoptées par le Congrès en 2011.

JOL Press : Cela signifie-t-il que le monde n’a jamais été aussi en paix ?
 

Guillaume Lagane : Entre 1990 avec la fin de la Guerre froide et aujourd’hui, on a globalement assisté à une pacification de la planète. Désormais, de nombreuses parties du globe sont exemptes de conflits. Je pense notamment à l’Europe occidentale, à l’Asie du Sud, à l’Amérique du Nord et à l’Amérique latine (à l’exception de la Colombie où il y a encore une guérilla très active).

Certes, il existe encore des zones de tensions : au Moyen-Orient (guerre civile en Syrie, conflit israélo-palestinien…) ou en Afrique (Centrafrique, Mali, Nigeria…). Sans oublier la situation en Ukraine qui fait ressurgir le spectre d’une guerre en Europe. De manière générale, les crises surviennent dans des pays qui ne sont pas dotés d’un gros budget militaire. S’agissant des grandes puissances, la situation paraît assez stable.

JOL Press : L’augmentation des dépenses militaires dans les pays émergents se poursuit. Pourquoi ?
 

Guillaume Lagane : Certains de ces Etats sont dans un processus de rattrapage ou de constitution d’une force militaire. Ils souhaitent rayonner sur la scène internationale. Avoir une armée digne de ce nom fait partie de la panoplie de puissance émergente. Prenons l’exemple du Brésil : ce pays n’est menacé par aucun de ses voisins et n’a pas spécialement besoin d’une force militaire importante. Néanmoins, le Brésil a récemment acheté des avions de chasse et est intervenu en Haïti en 2004 dans le cadre de l’ONU.

D’autres pays émergents développent leur arsenal militaire parce qu’ils se sentent menacés. C’est le cas par exemple de l’Inde vis-à-vis du Pakistan et de la Chine. Le contexte régional joue évidemment un rôle. Concernant la Chine – qui a le deuxième budget de défense le plus important au monde – il faut prendre en compte la volonté de rivaliser avec les Etats-Unis : Pékin s’est fixé un objectif de parité avec les forces armées américaines à l’horizon 2049 pour le 100e anniversaire de la Révolution.

JOL Press : Au Moyen-Orient, les budgets se sont accrus de 4% en 2013.
 

Guillaume Lagane : Depuis 1945, le Moyen-Orient est un foyer de dépenses militaires assez conséquentes alors que la population y est peu nombreuse. Cette situation devrait perdurer car ce sont des pays qui disposent de ressources importantes (notamment l’Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole).

De plus, la situation régionale reste très instable, avec des enjeux sécuritaires importants (programme nucléaire iranien, conflit en Syrie…). Enfin, la majorité de ces Etats sont des régimes autoritaires, les gouvernements n’ont aucune difficulté à augmenter les dépenses militaires. En démocratie, on a plutôt tendance à privilégier d’autres postes de dépenses (santé, aides sociales, éducation…).

JOL Press : En Europe, la France se distingue car elle a maintenu son budget de défense malgré la crise. Comment l’expliquer ?
 

Guillaume Lagane : Il existe une exception franco-britannique en Europe qui tient au passé colonial de ces deux Etats, à leur tradition interventionniste et à leur appartenance au Conseil de sécurité de l’ONU. La France et le Royaume-Uni ont donc diminué leurs dépenses militaires, mais moins que les autres pays occidentaux. Toute la question est de savoir si cette politique résistera aux difficultés budgétaires.

Propos recueillis par Marie Slavicek pour JOL Press

————————–

Guillaume Lagane est un haut fonctionnaire spécialiste des questions de défense. Il est aussi maître de conférences à Sciences Po Paris. Il est l’auteur de Les grandes questions internationales en fiches (2010, 2e édition en 2013) et Premiers pas en géopolitique (2012), aux éditions Ellipses.

Quitter la version mobile