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Mexique: la lutte contre le blanchiment d’argent s’intensifie

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JOL Press : Le Mexique veut appliquer une nouvelle réglementation permettant aux autorités mexicaines de déterminer les personnes impliquées dans le trafic de drogue. En quoi consiste cette mesure exactement ?
 

Jean Rivelois : Cette mesure se situe dans la droite ligne des prescriptions de l’OCDE et des organismes internationaux qui ont décidé de lutter contre le blanchiment de l’argent d’origine criminelle. Elle est appliquée à l’heure actuelle par le gouvernement mexicain et consiste à aboutir à une traçabilité de toutes les transactions financières. Au-delà d’une certaine somme, sociétés et individus devront justifier l’origine des sommes d’argent.

JOL Press : Est-ce une avancée majeure dans la lutte contre les cartels et le blanchiment d’argent ?
 

Jean Rivelois : En adaptant cette mesure à la société mexicaine à l’heure actuelle, il est probable que nous assistions à la multiplication des transactions hors des circuits bancaires, en liquide, de mains en mains, pour contourner cette réglementation fiscale en voie d’application au Mexique.

JOL Press : Quelles sont les limites de cette réglementation ?
 

Jean Rivelois : Cette règlementation vise principalement les agents criminels et ne s’attaque pas aux agents corrompus. Or, le problème au Mexique aujourd’hui, n’est pas tant l’existence de la criminalité, mais celui des connivences entre les acteurs politiques, institutionnels, ou économiques, et des acteurs criminels qui doivent blanchir et recycler l’argent accumulé dans l’économie réelle.

Pour les acteurs criminels, la priorité est d’abord de blanchir cet argent pour lui enlever la trace d’une origine criminelle. Pour cela, deux moyens principaux existent : l’utilisation des marchés traditionnels – notamment des paradis fiscaux -, et l’utilisation des agents institutionnels et politiques qui sont intégrés au système mexicain et qui vont être chargés de blanchir l’argent de la drogue, car ils n’ont aucun compte à rendre : ils sont dans un système d’impunité et d’immunité qui les préserve de devoir rendre des comptes sur l’origine de leur fortune. Pour lutter efficacement contre le blanchiment d’argent, il faut s’attaquer prioritairement aux agents corrompus du système, dont les gouverneurs des Etats mexicains : les acteurs pivots de la corruption et du blanchiment. C’est par eux que se fait le blanchiment d’argent de la drogue et le recyclage de ces capitaux, à la fois dans l’immobilier, agriculture, et dans le secteur du tourisme.

JOL Press : Depuis qu’il est au pouvoir, est-ce qu’Enrique Pena Nieto a fait de cette lutte contre les protecteurs politiques des narcotrafiquants  sa priorité ?
 

Jean Rivelois : Non, car Enrique Pena Nieto est l’homme des gouverneurs. Le système politique mexicain est en pleine mutation : nous sommes en train de passer d’un système priiste présidentialiste qui prévalait jusqu’en 2000, à un système priiste régionaliste : ce sont les gouverneurs des régions réunis dans un conseil d’administration, qui ont décidé de choisir Enrique Peña Nieto comme président de la République. S’il s’attaquait à eux et qu’il mette les gouverneurs corrompus en prison, le système politique mexicain s’écroulerait.

Propos recueillis par Louise Michel D. pour JOL Press

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Jean Rivelois est sociologue, chercheur à l’Institut de recherche et de développement (IRD). Spécialiste des cartels de drogue au Mexique, il est l’auteur de plusieurs publications dont Drogue et pouvoirs : du Mexique aux paradis, L’Harmattan, 2000.

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