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Monde du Droit: un monde disparu

Dans une tribune reproduite sur ce site, Philippe Bilger déclare « Magistrats et avocats : pas du même monde » !  Il ne m’est pas possible de rester sans réaction à ce cri du cœur.

Le mythe de la grande famille judiciaire…

Ce que Philppe Bilger qualifie de mythe de la grande famille judiciaire relevait pour moi de la croyance dans une grande famille du droit, réunissant magistrats, avocats  et professeurs de droit dans un même élan au service de la cause du droit.  Le contentieux était la source de normes individuelles, dont l’élaboration devait associer le juge comme l’avocat en dégageant la solution de droit et en disant droit en fonction d’une appréciation des faits fondée sur une procédure loyale et un procès équitable. 

Le pénal se différentiait du civil par des règles de preuve plus strictes et des exigences renforcées de procédure. La vérité dans le procès pénal   était encore plus un objectif, elle bénéficiait de la protection par les exigences procédurales fondement d’un procès équitable.  Le questionnement et la plaidoirie de la défense devait concerner la valeur de l’accusation, la force de la démonstration adverse et non travestir la vérité ou la dissimuler. Le droit reposait sur des normes de bonne foi, de morale, d’équité, de loyauté et  sanctionnant la fraude civile  comme la fraude pénale et excluant la fraude à la loi. 

Le droit devait assurer la sécurité juridique et non l’imprévisibilité,  l’avocat devait être d’une indépendance farouche à l’égard du client garante de sa crédibilité à l’audience comme dans la négociation des contrats.

Complices…

Depuis une vingtaine d’années le développement du droit des affaires s’est malheureusement traduit par une évolution des avocats d’affaires vers l’affairisme du droit, et le qualificatif d’ « avocat d’affaires » est devenu injurieux.    L’influence des avocats de common law s’est traduite par la focalisation sur la recherche du détournement de la loi. 

Les magistrats ont effacé des tables de la jurisprudence la notion de fraude à la loi en droit civil, validant les montages tournant la loi.  Il en est de même dans une large mesure de la notion de bonne foi.  Les juges  ont , sous prétexte de moderniser le droit et de l’adapter à l’économie, ont   avalisé  les créations de la pratique .   Les avocats des voyous sont devenus les avocats des patrons voyous et la pénalisation du droit a en fait servi à assurer l’impunité des violations de la loi au prix de la condamnation de quelques boucs émissaires .  Les ordres sont devenus l’organe de protection des violations déontologiques en matière de conflits d’intérêts , les avocats dits des puissants,  se coalisant en une avocature d’influence s’appuyant sur des appuis médiatiques .  

L’alliance avec les politiques se soude par le passage des politiques dans les cabinets d’avocats.   Par ailleurs des magistrats passant dans des cabinets d’avocats ou dans des directions juridiques complètent la force des réseaux d’influence.    Tout le monde juridique et judiciaire converge donc vers une vision de la société privilégiant les intérêts particuliers , la recherche du profit et le clientélisme.

Alors « magistrats et avocats : pas du même monde »  ou « le monde du  Droit, un monde disparu » ?

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