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Netmundial: «La France est très en retard»

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JOLPress : Quelle est la position de la France pour le sommet de Netmundial ?
 

Nathalie Chiche : Il y a un problème de compréhension des enjeux dans ce pays. Il y a des plates-formes en ligne qui vont diffuser Netmundial dans 22 pays, et la France n’en fait pas partie parce que personne n’était intéressé. 

Au niveau de l’Etat, on n’a pas encore compris ce qui se joue actuellement : qui va gouverner et contrôler internet. Nos hommes politiques ne sont pas sensibles à ce sujet.

Pour l’instant, il n’y a toujours pas de conseillers numériques à Matignon comme il y en avait dans le gouvernement Ayrault. Il n’y a pas non plus de cellule liée aux enjeux d’internet comme il y en avait du temps de Nicolas Sarkozy.

Dans tout l’organigramme des conseillers du cabinet de Montebourg, je ne vois pas les mots « internet » et « numérique ».

JOLPress : Qu’est ce qui peut ressortir du sommet ?
 

Nathalie Chiche : Un consensus. J’espère qu’il sera le moins insipide possible sinon il n’aura aucun intérêt. Ce que je crains, c’est que si rien n’est vraiment décidé au Netmundial chaque pays va prendre ses mesures et la question sera ingérable.

Il faut qu’il y ait un vrai message politique envoyé aux Etats-Unis, leur disant qu’ils ne peuvent plus avoir le contrôle exclusif d’internet.

C’est un rapport de force, pourquoi renonceraient-ils à leurs prérogatives tant qu’il n’y a pas un holà des gouvernements étrangers ?

JOLPress : Lors de sa visite au Brésil en décembre dernier, François Hollande avait exprimé son souhait de participer au sommet. Finalement, il ne semble pas très concerné par la question de la gouvernance mondiale d’internet…
 

Nathalie Chiche : Avec François Hollande, on a l’habitude qu’il soit d’accord sur tout et que rien ne se passe ensuite.

Pour l’instant, la question de la gouvernance d’internet en France repose sur les épaules de David Martinon, un diplomate du quai d’Orsay. Or, nous savons très bien que la question de la gouvernance est une question politique, pas un problème administratif. Il faut que ces enjeux soient traités par un politique. Le gouvernement devrait créer une mission sur la question, ou peut-être autre chose. En tout cas, il faut nommer les choses. J’adore cette citation de Camus « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde. »

JOLPress : Quelle mesure la France doit-elle prendre pour rattraper son retard ?
 

Nathalie Chiche : Netmundial est une discussion multi acteurs qui se fait entre les Etats, le secteur privé et le secteur technique. Il est très important de ramener ce débat en France parce que cela nous concerne aussi.

Il faut sensibiliser tous les utilisateurs français d’internet à ce qui se trame en ce moment.

La France doit mettre en place très rapidement cette loi sur les droits et libertés numériques, qui a d’ailleurs changée de nom et s’appelle maintenant loi numérique. Nous n’avons toujours rien pour protéger la vie privée et les libertés individuelles des citoyens.

Au Brésil, ils l’ont déjà voté depuis longtemps.

Je suis embêtée pour la France, est-ce que ce Netmundial va être comme un choc et permettre à nos dirigeants de comprendre les enjeux de la gouvernance d’internet et être beaucoup plus présents dans toutes les organisations internationales ? Je l’espère.

JOLPress : La France n’a donc pas un internet aussi libre qu’elle le prétend.
 

Nathalie Chiche : Absolument pas.

A ce propos, la déclaration d’Axelle Lemaire (secrétaire d’Etat chargée du Numérique, ndlr) sur la neutralité du Net m’a bien fait rire. Cela fait longtemps qu’il n’y en a plus. Pour la loi numérique, elle a dit qu’elle allait consulter l’Arcep, la CNIL, le CNN… Mais j’aimerais bien qu’on consulte la société civile comme le Brésil l’a fait. Une idée serait par exemple d’ouvrir une plateforme à contribution pour avoir les avis des utilisateurs.

Nous sommes très en retard sur le Brésil, l’Allemagne, même la Tunisie est en avance sur nous.

Après l’Affaire Snowden, Dilma Roussef a décidé de s’émanciper de l’espionnage américain. Elle est passée des paroles aux actes.

C’est ce qu’il faut faire et arrêter d’être naïf.

Propos recueillis pas Benjamin Morette. 

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