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Pourquoi Barack Obama ne s’intéresse-t-il pas plus à l’Afrique?

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JOL Press : Quelles relations entretiennent l’Amérique d’Obama et l’Afrique ?
 

Philippe Hugon : Barack Obama n’a pas une politique très forte vis-à-vis de ce continent. Etant le fils d’un Kényan, il cherche à prendre de la distance par rapport à l’origine de son père. Par ailleurs, traditionnellement, les démocrates sont moins présents en Afrique que les républicains. Enfin, le président américain ne considère pas ce continent comme une région stratégique. Dans le cadre de leur politique de «pivotement», les Etats-Unis sont désormais tournés vers l’Asie.

Obama a passé un accord tacite avec l’Europe : désormais, c’est à elle d’intervenir en Afrique. Plus particulièrement, c’est à la France de s’engager dans les pays francophones. Ça ne veut pas dire que les Etats-Unis sont complètement absents d’Afrique. Ils sont présents militairement (via l’Africom), mais aussi pour des raisons énergétiques (pétrole) et pour lutter contre le terrorisme islamiste.

JOL Press : Quels sont les principaux domaines de collaboration entre les deux parties ?
 

Philippe Hugon : S’agissant de la sécurité, l’essentiel des missions a été confié aux pays européens, avec un simple appui logistique des Etats-Unis, ou à des Etats-pivots alliés des Américains. C’est le cas du Kenya et de l’Ethiopie en Somalie par exemple. Washington n’intervient pas directement avec des soldats au sol, même si on sait que des forces du renseignement américain sont présentes en Afrique, en particulier dans l’arc sahélo-saharien.

Dans le domaine de l’énergie, un accord prévoit que l’Afrique fournisse un quart des besoins pétroliers des Etats-Unis. Aujourd’hui, il s’agit d’un secteur moins stratégique car l’Amérique cherche son autonomie énergétique (via le gaz de schiste). Un enjeu important reste la sécurisation des routes pétrolières, en luttant surtout contre la piraterie dans les golfes de Guinée et d’Aden. C’est la raison pour laquelle les Etats-Unis sont très liés au Nigéria ou à l’Ethiopie.

JOL Press : L’élection d’Obama a suscité d’importants espoirs en Afrique. Comment peut-on qualifier sa politique sur ce continent ?
 

Philippe Hugon : Il est évident que l’élection d’Obama – le premier président noir de la première puissance mondiale – est hautement symbolique, au même titre que celle de Nelson Mandela en Afrique du Sud. Cela étant, au-delà du symbole et de certains discours très forts (comme celui prononcé au Caire en juin 2009), la politique africaine de Barack Obama est bien loin d’être audacieuse ou innovante.

De mon point de vue, George W. Bush a mené une politique très critiquable sur le plan international. Mais en Afrique, c’est lui qui a lancé un certain nombre de programmes d’appui, notamment pour lutter contre le VIH/sida. C’est lui aussi qui a mis en place la force de sécurité Africom (dont le siège est à Francfort). Pour les républicains au pouvoir, ce continent était un territoire éminemment stratégique.

JOL Press : Quels sont les pays avec lesquels les Etats-Unis entretiennent de bonnes relations ?
 

Philippe Hugon : Washington est allié avec l’Afrique du Sud, l’Ethiopie, le Kenya, le Nigéria, l’Ouganda et le Sénégal. Ce sont les fameux Etats-pivots sur lesquels les Etats-Unis s’appuient pour intervenir indirectement en Afrique. L’Egypte reste aussi un ami fidèle de l’Amérique, au-delà des événements qui agitent le pays. En revanche, les Etats-Unis n’entretiennent pas de relations avec ce qu’ils nomment les «Etats voyous». Il s’agit par exemple du Zimbabwe ou de l’Erythrée, qui sont clairement mis au ban.

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Philippe Hugon est directeur de recherche à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), en charge de l’Afrique. Consultant pour de nombreux organismes internationaux et nationaux d’aide au développement, il enseigne au sein du Collège interarmées de défense et à l’Iris Sup’. Il a récemment publié une note sur «Les défis de la stabilité en Centrafrique».

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