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Pourquoi Ségolène Royal fascine-t-elle autant, même à droite?

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La nouvelle ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie, Ségolène Royal veut faire de la croissance verte un « un levier de sortie de crise » combiné à un « nouveau modèle social » qui « remet du bien-être et de l’humain dans l’économie ». Sa vision saura-t-elle convaincre ? Parviendra-t-elle à réconcilier les Français avec la majorité ? Etait-ce un bon choix stratégique de la part de François Hollande ? Eléments de réponse avec Sylvain Courage, auteur de L’Ex (Editions du Moment – août 2012). Entretien.

JOL Press : L’arrivée de Ségolène Royal était-elle prévisible ?

Sylvain Courage : Cela faisait un certain temps que son nom circulait. Elle avait d’ailleurs mis en place une stratégie pour revenir dans le jeu politique et s’était mise en position de pouvoir entrer au gouvernement. Elle avait accumulé tellement de déconvenues depuis son échec à la présidentielle de 2007, de sa victoire volée à la direction du Parti socialiste en 2008 au congrès de Reims, aux législatives à La Rochelle en 2012, en passant par la primaire socialiste en 2011, que son retour n’était pas évident. Les législatives s’étaient, par ailleurs, tenues dans un contexte dramatique où la compagne de François Hollande, Valérie Trierweiler, la voyant comme une rivale, avait soutenu son adversaire Olivier Falorni. Il a fallu qu’elle se relève, il n’était pas question, pour elle, d’abandonner la vie politique, c’est une femme très volontaire et obstinée.

JOL Press : Comment a-t-elle réussi à revenir peu à peu sur la scène politique ?

Sylvain Courage : Elle a fait en sorte de soutenir le gouvernement  du mieux qu’elle pouvait et en même temps de faire entendre sa différence. Elle s’est réinstallée petit à petit dans le concert politique, grâce à sa base locale en tant que présidente du conseil régional de Poitou-Charentes et a veillé à ne pas se faire oublier. Les Français ont certainement apprécié qu’elle dise tout haut ce qui n’allait pas dans l’action gouvernementale.

Ce retour progressif a permis à François Hollande de passer outre la réticence qu’il avait au départ et qui était liée au fait qu’il anticipait les moqueries. Et ces craintes ont été immédiatement confirmées puisque les Guignols de l’info n’ont pas manqué l’occasion de railler un président qui rappelait son ex au gouvernement. Le chef de l’Etat craignait qu’on l’accuse de népotisme et qu’on lui rappelle sa promesse de campagne : « J’essayerai de faire la distinction entre vie publique et vie privée ». S’ils ne sont plus ensemble depuis un certain temps, Ségolène Royal est la mère de ses quatre enfants et fait, en quelque sorte, partie de sa famille.

On peut penser que les avantages politiques ont dû l’emporter sur les inconvénients d’image éventuels liés à cette proximité. Après, il ne faut pas sous-estimer la force de persuasion de Ségolène Royal : quand elle veut quelque chose, elle est extrêmement offensive. On peut imaginer qu’elle a mis la pression à François Hollande en coulisse.

JOL Press : Quel est l’avantage politique pour François Hollande ?

Sylvain Courage : Le chef de l’Etat cherchait des figures féminines et expérimentées et avec le refus des Verts de participer au nouveau gouvernement, Ségolène Royal lui apporte sur un plateau ce qu’elle appelle la « social-écologie », c’est-à-dire une préoccupation environnementale qui essaie d’intégrer une dimension sociale. Ségolène Royal est contre l’écologie culpabilisatrice ou punitive, elle prend soin de toujours prendre en compte les obligations des classes populaires qui ont besoin de leur voiture pour aller travailler, par exemple, ou qui ne peuvent pas payer trop cher le prix de l’essence. Elle a une approche différente de l’écologie que celle des Verts.

Mais, cela dit, tout ne va pas forcément être rose : Ségolène Royal est une femme autonome, elle a une communication qui n’appartient qu’à elle, quand elle a une idée ou une intuition, elle n’hésite pas à la défendre sur les plateaux de télévision. Est-ce qu’elle entrera dans les plans de communication de Manuel Valls ? On ne peut pas le dire même si on suppose qu’elle a mûri par rapport aux années 90. A cette époque, elle agaçait beaucoup ses collègues ministres  car elle fonçait vers les caméras et elle n’obéissait qu’à son instinct politique. Va-t-elle se mettre au service du collectif ? Ce serait préférable pour le gouvernement.

JOL Press : Comment François Hollande et Ségolène Royal vont-ils gérer cette nouvelle proximité ?

Sylvain Courage : Cette nouvelle proximité peut poser problème si elle obtenait des arbitrages favorables de l’Elysée sur des questions délicates comme le nucléaire ou les gaz de schiste. Ne viendrait-on pas reprocher à François Hollande son népotisme, encore une fois ? Cette relation ne va pas être simple à gérer. Chacun a en tête le roman de Ségolène Royal, chacun connaît la carrière qu’elle a menée depuis les années 80 quand elle est entrée au service de François Mitterrand avec son compagnon puis leur arrivée commune à l’Assemblée nationale en 1988. François Hollande et Ségolène Royal ont toujours incarné un couple spectacle qui attire le regard des médias. Ce parcours est son plus précieux capital puisqu’il a créé une épaisseur à son personnage ; qu’on la déteste ou qu’on l’admire, cette expérience lui donne une portée romanesque.

JOL Press : La droite qui avait été si sévère en 2007 avec elle, lui fait aujourd’hui un bon accueil. Comment l’expliquer ?

Sylvain Courage : Ségolène Royal a toujours flirté avec des valeurs chères à la droite : sur la sécurité, l’autorité, l’ordre, l’encadrement militaire des délinquants ou encore la République, elle a développé des thèmes  qui lui ont valu d’être ostracisée dans son propre parti et qui ont fait qu’elle n’a pas été soutenu par son parti en 2007. Si Manuel Valls peut aujourd’hui s’avancer sur ces terrains, c’est aussi parce que Ségolène Royal a défriché. Par ses idées politiques, elle n’est pas la plus détestée de la droite. On peut supposer aussi que la partie de l’opinion la plus attachée aux traditions et à la famille est heureuse de constater que par cette nomination Ségolène Royal est respectée après l’affront qu’elle subit publiquement de la part de son ancien compagnon.

Il est encore trop tôt pour dire si cette popularité pourra rejaillir sur le chef de l’Etat mais il clair, qu’en termes de communication, l’opération fonctionne puisque les journalistes sont fascinés par le retour de Ségolène Royal.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Après avoir collaboré au mensuel économique CapitalSylvain Courage a coordonné la rubrique Dossier du Nouvel Observateur. Aujourd’hui rédacteur en chef, il a suivi pour l’hebdomadaire la campagne électorale de 2012 côté PS.

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