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Scandales: pourquoi le pape François soutient-il la banque du Vatican?

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JOL Press : Comment fonctionne l’Institut des œuvres de religion (IOR) ?
 

Manlio Graziano : L’IOR est un établissement indépendant, géré indirectement par l’Eglise catholique (qui nomme par exemple ses dirigeants). Parler de «banque du Vatican» est donc un raccourci. Cette institution financière compte un peu moins de 19 000 clients et gère 6,3 milliards d’euros d’actifs. L’IOR s’occupe du versement des salaires et des retraites des employés du Vatican, et gère les comptes des membres des Congrégations religieuses et des diplomates accrédités auprès du Saint-Siège.

JOL Press : La décision du pape de ne pas fermer cette banque est-elle surprenante ?
 

Manlio Graziano : Non. Une fermeture était, à mon avis, une hypothèse hautement improbable. Je pense que les médias ont fantasmé sur ce scénario. Cela ne faisait pas partie des objectifs du pape lorsqu’il a été élu, en mars 2013. L’idée était simplement de rendre les institutions financières du Vatican un peu plus transparentes. Et il reste encore beaucoup de «nettoyage» à faire.

Le prédécesseur de François, Benoît XVI, avait entamé un vaste audit de la banque, avant sa renonciation. Sa tentative s’était arrêtée là. Réformer l’IOR en profondeur reviendrait à lever totalement le secret bancaire en Suisse. On en est loin. A moins d’un scandale retentissant, comme il y en a eu par le passé (liens avec la mafia, blanchiment d’argent…), cela me semble inenvisageable.

JOL Press : Est-il impossible de s’attaquer à cette institution ?
 

Manlio Graziano : C’est toujours la même chose lorsque l’on parle de l’Eglise : on oscille – à tort – entre une «présomption de sainteté» et une «présomption de culpabilité». La réalité se trouve entre les deux. Il s’agit d’une institution humaine, qui n’est pas parfaite, mais qui ne ressemble pas non plus à ce que l’on peut lire dans les romans de Dan Brown (l’auteur de «Da Vinci Code», ndlr).

Par ailleurs, il ne faut pas oublier que la puissance monétaire du Vatican va bien au-delà de l’Institut des œuvres de religion. Cette banque n’est qu’un petit rouage du gigantesque réseau financier du Saint-Siège, même si elle reste importante.

En 1987, le cardinal Marcinkus, alors président de l’IOR, faisait l’objet d’une enquête pour banqueroute frauduleuse. Or, le pape Jean-Paul II n’a jamais accédé à la demande d’extradition des autorités italiennes et l’a gardé à son poste, protégé entre les murs du Vatican. Ce temps est révolu, mais l’institution reste très défendue.

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Manlio Graziano enseigne la géopolitique des religions à l’American Graduate School in Paris, à la Skema Business School Paris, et à La Sorbonne – Paris IV. Il a écrit plusieurs livres, dont «Identité catholique et identité italienne : L’Italie laboratoire de l’Eglise» (2007) et «Il secolo cattolico. La strategia geopolitica della Chiesa» (2010).

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