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Traitement de l’hépatite C : «C’est une véritable honte»

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JOLPress : En quoi ces nouveaux traitements vont-ils changer la vie des malades?
 

Michel Bonjour : C’est une révolution comme nous n’en avons jamais connu pour aucune autre maladie.

L’hépatite est une famille de virus, il y a des génotypes différents dont certains sont plus difficiles à guérir que d’autres.

Les précédents traitements avaient des effets secondaires très lourds pour les malades, notamment en psychiatrie où il y a eu des cas de suicide.

A présent, nous avons une génération de molécules, qui au lien de tuer le virus lui coupe les informations qui lui permettent de se reproduire. C’est un peu comme si on enlevait le papier d’une photocopieuse.

Ces molécules sont beaucoup plus efficaces, pour certaines d’entre elles on atteint 99% voire 100% de réussite.

La durée des traitements est aussi considérablement raccourcie, 12 ou même 6 semaines dans certains cas.

Avec pratiquement très peu d’effets secondaires, en tout cas rien comparé aux précédents traitements.

D’ici 2015 il y en aura cinq ou six qui auront une autorisation de mise sur le marché, et il n’y en a pas moins de cinquante en cours de développement.

D’ici deux ans, nous devrions être en mesure d’éradiquer le VHC.

JOL Press : L’un des problèmes de ces nouveaux traitements est leur coût, on parle de 1 000€ par gélule aux États-Unis. Ces prix sont-ils abusifs?
 

Michel Bonjour : Ça ne peut pas durer, ce n’est pas possible. C’est une véritable honte. S’ils veulent en vendre ils seront bien obligés de baisser leurs prix.

Le patron du laboratoire Gilead [qui produit entre autres le Sofosbuvir, une des ces nouvelles molécules, ndlr] dit qu’ils permettent d’éviter des cancers, des décès ou des transplantations. Mais un professeur lui a répondu que si on prend le coup d’une transplantation ou du traitement d’un cancer prit à temps, on est loin de la somme que coûte son traitement.

Et il rétorque qu’ils sont généreux parce que le traitement de 100 000$ ne va coûter que 20 000$ en Inde. Ils ont la trouille parce que l’Inde et d’autres pays vont sortir une version générique de leur molécule.

JOLPress : Vous voyez ça comme de l’hypocrisie ?
 

Michel Bonjour : On sait que la gélule qu’ils veulent nous vendre 408€ pièce revient à moins de 20 euros à produire.

Il y a des pays qui n’ont pas notre système social, où les gens ont déjà du mal à se payer les anciens traitements. Je ne vois pas comment ils vont faire pour rembourser celui-ci, ça sera complètement inaccessible.

En France, le principe est que lorsqu’un médicament est mis sur le marché, il reçoit des ATU (Autorisations Temporaires d’Utilisation) et le laboratoire fixe un prix provisoire. Mais ce prix va être négocié dans un an et demi à l’ANSM (l’Agence Nationale de Sécurité du Médicament) et ils seront obligés de négocier.

Certain traitements coûtent un tiers de ce qu’ils coûtaient 5 ans avant.

Alors quand il y en aura partout, ils seront obligés de baisser leurs prix. Parce que ce qu’il leur pend au nez c’est de se voir « génériquer »

Ils sont arrogants parce que ce sont les premiers, mais ils sont nombreux derrière. Par exemple, il y a un laboratoire qui a créé une combinaison de 3 molécules en 1, et tous les tests sont à 100% de réussite.

JOL Press : La découverte de ces nouvelles molécules n’a pas été particulièrement médiatisée, alors qu’elles peuvent changer la vie de millions de malades. Savez-vous pourquoi ?
 

Michel Bonjour : En tant que responsable d’association, malade expert et activiste, j’ai honte de ce qu’il se passe. Parce que si demain une molécule qui guérit du SIDA, du diabète ou de n’importe maladie chronique est découverte, l’OMS ferait un peu plus de bruit que ce qu’ils font.

Il n’y a aucun programme dans le monde sur les hépatites et les politiques s’en foutent complètement. L’hépatite B et C concernent un peu plus de 600 000 personnes en France.

Je n’ai rien contre les associations qui luttent contre le SIDA, je me suis moi-même battu pour cette cause, mais AIDES par exemple a 650 employés alors que nous n’en avons que 4. En comparaison, le SIDA c’est 400 morts par an et les hépatites 8 000. C’est scandaleux.

Propos recueillis par Benjamin Morette.

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