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Un documentaire pour «conscientiser les risques» du gaz de schiste

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JOL Press : Votre position concernant l’exploitation du gaz de schiste est explicite dans votre documentaire, vous y êtes clairement opposée.  Quels sont les risques sur l’environnement induits par la fracturation hydraulique ?
 

Doris Buttignol: Les risques concernent la pollution de l’eau en surface et des nappes phréatiques, mais aussi la pollution de l’air, des sols. Il y a également un impact sur le réchauffement climatique. On entend aujourd’hui beaucoup parler de technique « d’exploitation propre », mais en réalité, cela n’existe pas car il faut fracturer en profondeur et cela fait remonter des éléments contenus dans le sous-sol : qu’il s’agisse des métaux lourds ou d’éléments radioactifs…Lorsqu’on établit une communication entre la surface et l’atmosphère et les profondeurs de la roche-mère, on fait remonter des matériaux à la surface même si l’on utilise des produits complètement biodégradables. La fracturation hydraulique utilise également énormément d’eau. Les fluides de fracturation hydraulique qui vont ressortir après la fracturation vont être chargés des produits que l’on aura injectés et de ceux qui se seront formés dans le réacteur chimique en profondeur. Les lieux sur lesquels l’extraction est effective, il y a aussi tout l’impact des équipements : il y a un énorme de trafic de camions, donc une émanation de diésel provoquant la pollution de particules fines.

JOL Press : Et sur la santé ?
 

Doris Buttignol: Un certain nombre de produits ont été identifiés comme cancérigènes de classe A et perturbateurs endocriniens, donc des produits classés par l’UE comme étant dangereux pour la santé humaine et leur utilisation interdite ou strictement règlementée.

JOL Press : Vous montrez dans le film la mobilisation de la population contre le gaz de schiste dans le sud-est de la France. Cette pression permettra-t-elle de créer un débat citoyen sur la transition énergétique ?
 

Doris Buttignol: C’est difficile à dire. Cela dépend des territoires. En Ardèche, après la mobilisation contre le gaz de schiste, le conseil général et les élus locaux ont par exemple mis en place une consultation, « les Etats généraux de l’énergie », un débat citoyen sur la transition énergétique sur deux ans. Toutes les communes sont concernées, il y a une consultation des gens, des expérimentations et des mises en pratiques d’alternatives. Mais cela est spécifique à un territoire. En France, il est difficile généralement d’avoir un débat sur l’énergie, puisque dans ce pays toute l’énergie est gérée depuis 50 ans par des grands monopoles. Il n’y a pas de processus démocratique actif sur la question de l’énergie : les choix énergétiques de la France ont toujours été imposés aux Français, du haut vers le bas. 

JOL Press : Quelles sont les alternatives ?
 

Doris Buttignol: La première chose serait déjà d’avoir un débat et de conscientiser les risques de l’exploitation du gaz de schiste : nous devons déterminer quels sont nos réels besoins en énergie. C’est un ensemble de solutions que nous devons prendre : des solutions locales adaptées à des réalités territoriales. La réalité des gens qui vient dans le sud de la France, n’est pas la même que ceux qui habitent en Bretagne. Un groupe d’ingénieurs s’est penché sur les différentes alternatives et ont livré le « scenario négaWatt ». Ils partent du diagnostic suivant : le premier gisement d’énergie sur lequel on devra se tourner c’est l’efficacité et la sobriété de l’énergie. C’est presque culturel ! En France, comme dans la majorité des pays occidentaux, nous avons fonctionné pendant 50 ans sur une énergie abondante et bon marché, nous n’interrogeons pas sur l’origine et le fonctionnement de l’énergie. Nous devons prendre conscience des finitudes des ressources de la planète, car aujourd’hui nous touchons les limites. A partir de cette prise de conscience, nous devons poser des diagnostics et aménager la consommation d’énergie.

JOL Press: La Commission européenne a autorisé, mercredi 22 janvier, l’exploitation du gaz de schiste en Europe « à condition de respecter des  principes communs » minimaux, sanitaires et environnementaux. Une recommandation suffisante de Bruxelles ?
 

Doris Buttignol: Les recommandations de Bruxelles, ne sont pas du tout suffisantes. Nous avons suivi tout le débat à Bruxelles, le problème c’est que la directive REACH ne correspondait aux problématiques de l’exploitation du gaz de schiste en Europe donc il fallait aménager la réglementation sur l’eau et sur l’air. La recommandation de l’Union européenne – qui n’est qu’une recommandation – n’est pas suffisante et doit être replacée dans le cadre de la négociation de la zone de libre-échange transatlantique (TAFTA) qui a lieu en ce moment, entre Washington et Bruxelles : toute la position de l’UE est à lire à travers ça.  Si l’accord est signé, cela signifiera que les multinationales ne dépendent plus du droit des pays dans lesquels ils vont opérer. Si TAFTA  est signé, cela voudra dire que toutes les compagnies qui disposent d’un permis pourront procéder à l’exploitation du gaz de schiste, peu importe qu’il y ait une loi en France qui interdise la fracturation hydraulique. Les lois en vigueur pour protéger les gens et l’environnement n’auraient plus aucune valeur pour ces compagnies privilégiées et ne seraient applicables que pour les petites ou moyennes entreprises du pays.

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