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Afrique du Sud: l’après-Mandela repose sur les épaules des jeunes

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Jeunes supporters sud-africains lors de la Coupe du monde de football, juin 2010, Johannesburg. (Crédit photo: fstockfoto / Shutterstock.com)

JOL Press : Les jeunes de 20 ans, nés après l’apartheid (les « born free ») vont pour la plupart voter pour la première fois cette année. Comment appréhendent-ils ces élections ?
 

Marianne Séverin : Ils sont apparemment un peu déboussolés. Ils ne savent pas trop pour qui voter et s’ils doivent suivre le combat mené par leurs parents il y a vingt ans. Ils n’ont en effet pas connu l’attachement viscéral à l’ANC qu’a pu être celui de leurs parents, qui pour certains sont aujourd’hui déçus et ne veulent pas voter. Ceux qui souhaitent rester loyaux à l’ANC diront qu’ils ne votent pas pour une personne, mais pour un parti.

La jeunesse sud-africaine est extrêmement diverse, et il est très difficile de savoir pour qui voteront les jeunes blancs, noirs, métisses ou indiens. Il sera donc très intéressant de voir comment votent ces « born free », nés après l’apartheid. C’est la grosse inconnue de ce vote. Mais tous ont envie de participer à l’évolution de leur pays à leur manière, de vivre dans une véritable démocratie, de faire avancer les choses. Les jeunes sud-africains sont extrêmement dynamiques et ont foi en leur pays.

JOL Press : Y a-t-il une prise de conscience plus importante du problème du sida parmi les jeunes générations ?
 

Marianne Séverin : En dépit des préventions et des campagnes de sensibilisation, on remarque de plus en plus de jeunes filles qui ne se protègent pas, tombent enceintes et ne prennent pas conscience des conséquences que tout cela peut avoir.

Quand on leur demande pourquoi, elles répondent souvent que c’est par tradition, ou parce qu’on les pousse à montrer qu’elles sont fertiles… Elles ont souvent une sexualité à risques parce qu’elles ne prennent pas leurs précautions.

Par ailleurs, certains jeunes ont tendance, comme cela peut être le cas en Europe, à baisser la garde et à minimiser le problème lorsqu’ils voient que des vastes plans de distribution d’antirétroviraux peuvent permettre aux malades de vivre plus longtemps.

JOL Press : Avec un taux de chômage de plus de 25% en Afrique du Sud, qu’attendent les jeunes de leurs représentants politiques ?
 

Marianne Séverin : Ils attendent une véritable réforme de l’éducation en profondeur. Car le problème des jeunes sud-africains, et notamment des jeunes noirs qui veulent entrer sur le marché du travail, c’est qu’ils ne sont pas bien formés. Or si vous n’êtes pas bien formés, vous abandonnez l’école, vous n’avez pas de diplôme, et trouver un travail relève du parcours du combattant.

D’autant plus qu’il y a maintenant une formation à deux vitesses en Afrique du Sud : face aux jeunes issus de classes défavorisées, il y a des jeunes noirs issus de familles aisées ou de la classe moyenne, qui sont scolarisés dans les meilleures écoles et universités. En règle générale, ce sont des établissements d’enseignement qui étaient considérés comme des établissements officiellement blancs. A partir du moment où vous allez dans ce type duniversité ou décole, il est ensuite plus facile de trouver un emploi.

L’apartheid nétait pas seulement une division raciale, mais il a eu un impact néfaste sur tout le système éducatif, parce qu’en fonction de votre couleur de peau ou de votre ethnie, vous alliez dans tel ou tel établissement scolaire. Lorsque vous étiez noir, vous aviez donc droit au strict minimum puisque l’État sud-africain blanc ne finançait pas l’enseignement chez les noirs. Les conséquences de ce système se ressentent encore aujourd’hui.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Marianne Séverin est politologue, chercheure associée et consultante Afrique du Sud au LAM (Les Afriques dans le Monde) de Science Po Bordeaux. Spécialiste de l’Afrique du Sud et du leadership du Congrès national africain (ANC), elle est l’auteur d’une thèse sur « Les réseaux ANC (1910-2004). Histoire politique de la constitution du leadership de la nouvelle Afrique du Sud ». 

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