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Avec le départ de Jean-François Copé, une page se tourne à l’UMP

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Jean-François Copé a annoncé, mardi 27 mai, sa démission de la présidence de l’UMP, qui sera effective à compter du 15 juin. Il a accepté la tenue d’un congrès anticipé de l’UMP en octobre 2014 et affirmé qu’il renoncerait à briguer, à cette occasion, un nouveau mandat de président du parti.

JOL Press : Le départ de Jean-François Copé était-il prévisible ?

Jean-Luc Mano : Il était écrit qu’il devait se passer quelque chose ce mardi 27 mai, cela ne pouvait pas être une simple réunion d’explication. Nous étions assez nombreux à penser qu’il allait finir par partir : une coalition s’était formée pour lui demander de laisser la place et des signes de faiblesses commençaient à poindre chez ses partisans. A partir du moment où ce bloc qui lui avait permis de prendre la direction du parti se fissurait et qu’en face il y avait une opposition résolue à le faire partir, il n’avait pas d’autre choix que celui de partir.

Par ailleurs, un éléments a accéléré de manière très violente du processus : Jérôme Lavrilleux est apparu en larmes, lundi 26 mai sur BFM TV, et a reconnu que des prestations fournies par la société de communication Bygmalion avaient été indûment facturées à l’UMP au lieu d’être imputées aux comptes de campagne de 2012 de Nicolas Sarkozy, confirmant ce que révélait un peu plus tôt Me Patrick Maisonneuve, l’avocat de la société de communication.

JOL Press : A-t-il été lâché par des amis ?

Jean-Luc Mano : Pendant la réunion, des personnes très proches de lui, comme Christian Jacob, ont estimé que la situation n’était plus viable. Jean-François Copé a été conduit vers la sortie à cause, d’une part, du climat de suspicion autour de l’affaire Bygmalion mais aussi, d’autre part, à cause de l’échec électoral considérable de l’UMP aux européennes. Autant le résultat des municipales donnait à l’UMP un sentiment de satisfaction qui a fait gagné du temps à Jean-François Copé, avec les européennes, le parti a essuyé un échec qui est un séisme. Quand un échec politique rencontre problème judiciaire et moral, la conjonction devient mortelle.

JOL Press : Aurait-il dû faire le point plus tôt, au lieu de laisser traîner cette affaire ?

Jean-Luc Mano : La nature des accusations qui sont lancées le menait de façon inexorable vers la démission. Il n’est pas là question de tactique ou de timing, la violence de la réalité de l’échec politique et de la gravité des accusations qui portent quand même sur plus de 11 millions d’euros rendait toute stratégie obsolète.

JOL Press : Son départ aura été à l’image de son arrivée : sulfureuse. Comment en est-il arrivé là ?

Jean-Luc Mano : Ce qui vient de se passer à l’UMP, c’est la fin d’un épisode, un épisode qui a commencé de manière viciée, avec une élection truquée, volée. Il y avait de la suspicion autour de son élection. Dès la première heure, la légitimité de Jean-François Copé était contestée au sein de l’UMP et il a été très difficile pour lui de reconquérir cette légitimité. Pendant ces deux dernières années, il n’y est pas parvenu. C’est la fin chaotique d’une présidence chaotique. 

JOL Press : Peut-il espérer revenir dans la vie politique ?

Jean-Luc Mano : Jean-François Copé traverse, là, une période très difficile de sa vie politique mais on a toujours des chances de revenir en politique. Le problème est qu’il n’a pas compris que les conditions de l’élection lui interdisaient, en réalité, de jouer un rôle immédiatement après. La seule solution pour lui aurait été de se mettre en retrait, de se refaire une santé mais pas de manière exécutive.

JOL Press : En termes d’image, qu’est-ce que tout cela révèle du personnage ?

Jean-Luc Mano : Il a montré des qualités à la direction de l’UMP, d’organisateur et de guerrier, il s’est battu et se bat toujours jusqu’au bout, peut-être trop d’ailleurs. Mais un guerrier qui s’entoure d’un clan et qui ne partage pas son pouvoir. Jean-François Copé possède une grande assurance, c’est une grande qualité mais qui peut se muer de temps à autre en arrogance. Selon lui, la prise du pouvoir était essentielle, or la manière dont le pouvoir a été pris lui a interdit de l’exercer réellement.

JOL Press : C’est ce qui expliquerait son impopularité ?

Jean-Luc Mano : Il est arrivé à la direction de l’UMP avec une popularité faible et le processus de son élection l’a conduit à en perdre davantage. Le personnage a un rapport difficile avec l’opinion et de ce point de vue, pour Jean-François Copé, je ne pense pas que ce soit dans l’exercice très dur de la direction d’un parti que l’on recréé de l’empathie avec les Français. Les partis sont aujourd’hui en crise dans la relation avec l’opinion publique, les Français se défient des partis politiques, il est beaucoup plus confortable de se refaire une image à l’extérieur d’un parti qu’à l’intérieur. L’exemple d’Harlem Désir est éclairant à cet égard.

JOL Press : Si vous aviez désormais un conseil à lui donner, quel serait-il ?

Jean-Luc Mano : Accepter de connaître une traversée du désert, accepter l’idée que les Français finissent toujours par valider les gens qui ont souffert, et donner du temps au temps afin de préparer un retour dans l’opinion publique progressif avec comme objectif de combler le problème d’image qui est le sien, celui de quelqu’un de trop ambitieux. Il donne l’impression que la fin justifie les moyens, il doit corriger cela. Son retour ne peut pas être immédiat, une phase d’attente est obligatoire. Une reconquête immédiate serait vouée à l’échec.

JOL Press : Cet épisode est-il plutôt positif ou négatif pour l’UMP ?

Jean-Luc Mano : Tout cela est assez positif. Ils étaient sous l’eau, ils se sont trouvé un tuba pour respirer à nouveau à peu près correctement. Ils ne vont pas encore respirer à pleins poumons mais ils ont un accès à l’oxygène. Pour réussir à sortir totalement de la crise, il leur faut un processus électoral irréprochable et un congrès qui produise du sens et qui soit indiscutable sur le plan démocratique. Le vrai rendez-vous pour savoir si l’UMP a de l’avenir, ce sera le congrès du mois d’octobre.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Jean-Luc Mano a été journaliste, puis est devenu parallèlement conseiller en communication. Il a débuté sa carrière à L’Humanité en 1979, puis est passé par TF1 en 1983, dont il est devenu chef du Service politique. Il est aujourd’hui conseiller en communication chez Only Conseil dont il est le co-fondateur et le directeur associé. Il anime un blog sur l’actualité des médias et vient de publier Les Perles des politiques.

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