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Belo Monte: les Indiens brésiliens veulent faire barrage au barrage

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En 2015, le troisième plus grand barrage du monde devrait être opérationnel. En construction depuis maintenant plus de deux ans, le projet de Belo Monte, dans l’État du Pará au nord du Brésil, suscite de nombreuses critiques dans la société civile brésilienne et particulièrement chez les populations indigènes.

Les potentiels risques environnementaux et déplacements de populations entraînés par la construction du barrage sont pointés du doigt.

Le barrage, qui devrait à terme permettre d’éclairer 18 millions d’habitants au Brésil, est le plus grand projet d’infrastructure mené par le gouvernement de Dilma Rousseff. Plus de dix milliards d’euros ont été investis dans ce projet lancé en 2011, et dont la construction a commencé en janvier 2012.

Tentative de blocage

Le mouvement de contestation contre le barrage a repris de plus belle depuis une semaine. Quelques centaines de personnes, riverains et Indiens vivant près du Rio Xingu, au nord du pays, ont tenté de bloquer pendant plusieurs jours la Transamazonienne, célèbre artère qui traverse le Brésil d’est en ouest. La route est en effet le point de passage des transporteurs de matériaux qui se rendent chaque jour sur le site de Belo Monte.

Les manifestants ont ainsi saisi trois bus qui transportaient des employés et les ont utilisés pour bloquer la route. Un autre groupe d’Indiens a également essayé de pénétrer dans le chantier de construction et a été accueilli par les balles en caoutchouc des forces de sécurité nationale. Dans l’action, quatre manifestants indiens, dont les images circulent dans les médias brésiliens, ont été blessés.

Norte Energia se défend

Face aux manifestants, le consortium responsable de la construction du barrage hydroélectrique, Norte Energia. L’entreprise, sous le feu des critiques depuis la signature de l’accord sur le projet en 2011, condamne dans un communiqué « l’action non pacifique » des indigènes.

« Norte Energia souligne qu’aucune zone indigène ne sera inondée par les eaux du barrage de Belo Monte », tient à préciser le consortium. « Les constructions sont destinées à améliorer la qualité de vie des habitants des villages, qui restent à leur emplacement actuel », souligne-t-il encore.

Norte Energia a également indiqué avoir signé fin mai un engagement à long terme avec le FUNAI, la Fondation nationale de l’Indien, chargée de défendre les droits des autochtones au Brésil. « Les activités prévues dans ce document seront approuvées par le FUNAI et accompagnées d’un comité directeur composé de représentants des communautés autochtones, de Norte Energia et du FUNAI », précise le constructeur.

Le grand chef Raoni monte au créneau

Du côté des populations indigènes, le son de cloche est différent. Les manifestants ont répondu au communiqué en déclarant que les engagements de Norte Energia étaient « sans valeur ». Le cacique Raoni Metikture, figure emblématique de la défense des droits des indigènes, qui est monté cette semaine sur le toit du Parlement brésilien, poursuit la lutte contre le barrage de Belo Monte à travers une pétition relancée à l’occasion de la Coupe du monde 2014 au Brésil.

« Le barrage va inonder 668 km2 dont 400 km2 de forêt primaire en territoires autochtones. 20 000 personnes vont être déplacées et au moins 24 peuples vont subir un changement de mode de vie lié à la raréfaction de leurs ressources vivrières », peut-on lire sur son site.

« Parmi les violations des droits humains perpétrées par le consortium en charge de la construction de Belo Monte, figurent l’absence de consentement libre, préalable et informé des communautés indigènes locales », dénonce-t-il encore, « ainsi que la non prise en compte de la présence, à proximité du site du barrage, de groupes d’Indiens isolés extrêmement vulnérables aux contacts extérieurs et qui seront directement affectés par les impacts du projet ».

La terre, élément vital des indigènes

Pour la plupart des tribus indigènes, toucher à leur terre revient à remettre en question le fondement de leur identité.

« La plupart des tribus dépendent exclusivement de la forêt, des savanes et des rivières qui leur permettent de pratiquer la chasse, la pêche et la cueillette. Elles cultivent des plantes pour s’alimenter et se soigner et utilisent toutes sortes de végétaux pour construire leurs maisons et confectionner des objets de la vie courante », indique l’ONG Survival International sur son site.

« La terre est extrêmement importante pour les Indiens (comme pour tous les peuples indigènes du monde) : c’est l’élément vital de leur identité », confie à JOL Press Jean-Patrick Razon, responsable de la section française de l’ONG de soutien aux peuples indigènes. « Sans terre, il n’y a plus d’existence possible pour eux. Ils demandent donc d’arrêter la construction de ces barrages, ce qui est totalement impossible puisque les intérêts sont énormes… C’est une histoire sans fin ».

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