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Brunei: «La charia a toujours été présente»

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JOLPress : Quelle est la situation en ce qui concerne les droits de l’homme à Brunei ?
 

Marie-Sybille de Vienne : Il y a la loi islamique étendue à présent au code pénal pour les musulmans et la Common Law (droit commun appliqué dans les pays du Commonwealth, ndlr), c’est un Etat de droit.

Concernant les droits de l’homme, c’est un régime très soucieux du bien-être de ses ressortissants et en même temps autoritaire. Il y a une assemblée législative qui se réunit à peine une quinzaine de jours par an, le sultan contrôle le pouvoir de décision dans tous les domaines.

Ceci étant dit, il y a une couverture sociale absolument remarquable, la gratuité de l’éducation, des soins médicaux et dentaires pour les ressortissants du Brunei, mais aussi à des conditions à peine différentes pour les résidents permanents.

JOLPress : Comment a été vécu l’instauration de la charia ?
 

Marie-Sybille de Vienne : Ce n’est pas l’instauration de la charia, la charia a toujours été présente dans le monde Malais en temps que droit s’appliquant aux musulmans pour ce qui relève du domaine familial.

Ce qui est nouveau, c’est l’instauration d’un code pénal islamique comprenant la mise en place de châtiments corporels : le hudud.

Les non musulmans ne seront pas impliqués, sauf s’ils se retrouvent dans des situations particulières où ils peuvent pousser les musulmans à ne pas respecter le droit islamique.

JOLPress : Le sultan est un personnage paradoxal, qui d’un côté investit en occident comme à Berverly Hills et de l’autre prône les valeurs de l’islam. Certains disent de lui qu’il veut devenir le leader de la finance islamique. Comment est-il perçu ?
 

Marie-Sybille de Vienne : Attention, ce ne sont pas les biens du sultan mais du fond souverain. Il y a confusion entre ce qui appartient au sultan ou à tel membre de la famille royale, et le fond souverain qui est géré par des spécialistes selon une logique de sécurité plutôt que de rentabilité immédiate.

Les hôtels comme le Crillon par exemple font partie du fond souverain.

L’objectif est de constituer un fond dont les revenus permettront aux Brunéiens – une fois que la rente des hydrocarbures aura disparu – de disposer de revenus réguliers permettant de maintenir le niveau de vie de l’Etat et de la société. C’est la même chose que le fond souverain du Qatar ou de la Norvège.

Dans la région, c’est la Malaisie qui est leader dans la finance islamique. Brunei développe la finance islamique depuis le début des années 1990 soit par des banques brunéiennes ou par des filiales de banques étrangères. Cela dit, Brunei n’a ni les personnels, ni la masse critique qui puisse lui permettre de devenir un leader de la finance islamique de quelque manière que ce soit.

La population de Brunei a beaucoup de respect pour le sultan. Il faut bien distinguer ceux qui ont la nationalité, majoritairement d’origine malaise et des minorités chinoises et indiennes, les résidents permanents et les immigrés qui représentent la moitié de la population active. Une des attestations de la manière dont le sultan est perçu est la fête de Hari Raya qui marque la fin du ramadan.

Elle s’étale sur plusieurs jours et les festivités se prolongent pendant un mois. Les hommes défilent au palais devant le sultan et les princes, les femmes devant la reine, les autres épouses et les princesses. Entre le tiers et la moitié de la population adulte défile devant les souverains à cette occasion, alors qu’il n’y a aucun contrôle et que rien ne les y oblige.

Il ne faut pas pour autant dire que ses mesures plaisent à tout le monde, mais les habitants savent qu’ils ont un niveau de vie qu’il n’y a nulle part ailleurs en Asie du sud-est malgré les contraintes comme la prière obligatoire.

JOLPress : Et qu’en pensent les pays voisins ?
 

Marie-Sybille de Vienne : Le sultan s’est donné beaucoup de mal au niveau de l’ASEAN (Association des nations de l’Asie du Sud-Est, ndlr) pour arriver à changer les choses, et la diplomatie est un de ses points forts. Il n’y a pas ou peu de critique dans la région, d’abord parce que le hudud est une question très sensible, notamment en Malaisie, mais aussi parce qu’il joue le jeu de l’ASEAN qui est d’être en bon terme avec tout le monde. Il a une volonté de protéger leur statut de petit pays vis-à-vis des acteurs régionaux et internationaux.

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