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Budget de la Défense: attention, danger!

Au moment où se préparent les orientations du prochain budget de la Défense sur fond de crise économique certains sont tentés de considérer le budget de la Défense comme un réservoir dans lequel on peut puiser,  il semble utile de rappeler certaines données sur lesquelles se fonde notre politique de défense récemment précisée dans le Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité Nationale qui définit, entre autres, les trois missions de la Défense, à savoir, la Protection du territoire, la Dissuasion nucléaire, et l’Intervention, ainsi que les contrats opérationnels des Forces.

A la suite de la parution du Livre Blanc a été votée la Loi de Programmation Militaire qui pour sa part fixe les annuités budgétaires pour les cinq années à venir, annuités budgétaires établies dans un contexte très difficile dû à la crise que traverse notre pays. Dans ce cadre des efforts très importants ont été demandés au département de la Défense qui a du consentir à réduire significativement le format des armées tout en préservant dans la mesure du possible les capacités opérationnelles, maintenant à l’étiage, exigées pour l’exécution des missions.

Aujourd’hui se prépare le budget d’une annuité de programmation ; en toute rigueur il devrait être égal à ce qui est prévu dans la Loi à peine votée. Il semblerait qu’il y ait de fortes pressions pour que ce budget soit réduit de façon significative afin de « faire participer la Défense à l’effort de la Nation » comme entendu de manière très docte de la bouche d’un responsable politique.

Sait-on qu’entre 2008 et 2012 ce sont 54 000 postes qui ont été supprimés ?

Sait-on que la Défense a participé et participe encore à l’effort demandé ? Sait-on qu’entre 2008 et 2012 ce sont 54 000 postes qui ont été supprimés ? Sait-on que dans la loi de programmation en cours, ce sont encore plus de 20 000 postes qui vont être supprimés ? Quelle est dans la Nation l’institution étatique qui a vu disparaître en moins de dix années près de 80 000 postes sur un total d’effectifs de moins de 400 000 alors que les missions qui lui sont confiées n’ont pas été réduites? A-t-on entendu une quelconque récrimination dans la presse ou ailleurs ?

Sait-on que ce ne sont pas les militaires qui décident un beau matin d’aller intervenir ici ou là  pour leur bon plaisir ? Sait-on que c’est le pouvoir politique en place qui décide de l’emploi de la force afin de répondre aux exigences de notre politique dans le monde ? On ne peut pas d’un côté ordonner des interventions et d’un autre réduire les moyens rendant ces opérations impossibles ou difficiles à réaliser.

Sait-on qu’une réduction, fruit d’une approche comptable, des crédits budgétaires d’une annuité de programmation aurait des répercutions inévitables sur les suivantes et mettrait en péril l’équilibre fragile des trois grandes missions confiées à la Défense dans le Livre Blanc ?

Sait-on que la Défense ne se limite pas à quelques unités militaires ? 

Sait-on que dans ce cas il faudrait revoir de façon drastique nos ambitions politiques et qu’il nous serait difficile de tenir notre rang dans le monde ? Toucher à la dissuasion nous ferait perdre notre statut de grande Nation, toucher aux capacités d’intervention nous empêcherait d’assurer la protection de nos ressortissants ainsi que de défendre nos intérêts dans le monde, toucher enfin aux capacités de protection du territoire affecterait le respect de la souveraineté de notre espace aérien, de celui de nos approches maritimes et nous mettrait à la merci d’attaques dans un monde où il faut faire face aux menace croissantes que sont entre autres, le terrorisme,  la cybercriminalité, les trafics de tous ordres.

Sait-on enfin que la Défense ne se limite pas à quelques unités militaires ? La Défense est un tout qui englobe en particulier tout un appareil industriel qui nous a conféré et nous confèrera encore, si nous y prenons soin, notre indépendance. Cette indépendance a été voulue par le Général de Gaulle, et maintenue par ses successeurs ; elle nous a permis de construire un appareil industriel puissant qui a bien des égards a « tiré » vers le haut l’ensemble de notre industrie ; prenons garde en adoptant une politique comptable à ne pas porter préjudice à ce qui reste un beau fleuron et qui fait de la France une grande Nation.

Je dirai enfin que l’époque n’est pas à la pacification générale : qui aurait dit, il y a ne fut-ce que quelques mois, que nous entendrions des bruits de bottes en Europe ? Qui aurait dit il y a à peine un peu plus d’une année que nous interviendrions au Mali, puis en Centre Afrique ? De quoi sera fait le monde de demain, et est –il temps de baisser la garde ?

L’histoire récente nous a appris que l’impréparation conduisait au désastre ; nous avons aujourd’hui défini notre politique de Défense par le Livre Blanc, nous avons une loi de programmation militaire qui nous permet à minima de remplir les objectifs définis ; ne mettons pas en péril cet équilibre fragile par des considérations de court terme qui risqueraient d’hypothéquer gravement l’avenir.

 

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