Samedi 10 mai 2014. Athènes est la première étape de cette série de reportages à travers l’Europe. La Grèce, berceau de la civilisation occidentale, n’occupe aujourd’hui l’espace médiatique que sous l’angle de la crise économique. Après six années de récession, et des plans d’austérité à répétition, qu’est-ce que la crise a changé dans la vie des Grecs? Voient-ils des signes d’amélioration ? Quelles conséquences auront les évènements de ces dernières années aux élections européennes du mois de mai ?
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C’est chez « Kostas », diminutif de Konstantinos, que JOL Press pose ses bagages pour cette première escale. L’hospitalité grecque n’est pas un mythe ! Ce trentenaire jovial réserve un accueil chaleureux dans son appartement situé à quelques minutes des studios de la télévision publique ERT, brutalement fermée en juin 2012.
La chance d’avoir un emploi
D’origine crétoise, Kostas est arrivé à Athènes il y a une dizaine d’années pour faire ses études supérieures. Après avoir effectué un an de service militaire, il réussit à décrocher un emploi comme ingénieur informatique en 2007, poste qu’il occupe toujours aujourd’hui. Dans un pays où le taux de chômage dépasse les 26 % et atteint des sommets chez les jeunes, l’informaticien est conscient de la chance qu’il a d’avoir un emploi aujourd’hui, mais reconnaît subir une pression permanente : « depuis le début de la crise, les gens sont beaucoup plus stressés. Nous devons travailler plus, produire plus…» confie-t-il.
« La crise » : deux mots qui sont sur toutes les lèvres des Grecs aujourd’hui. « Les deux premières années de la crise ont été un véritable cauchemar pour les Grecs : des millions de Grecs faisaient la queue au guichet des banques pour aller retirer leur argent, et plaçaient ensuite leurs économies sous leurs oreillers, de peur d’une faillite générale ». Aujourd’hui, la situation économique et sociale du pays ne s’est pas arrangée mais les Grecs se sont « habitués » à ce climat anxiogène, explique-t-il.
Le souvenir de Dimitris Christoulas
Il se rappelle de ce drame qui a bouleversé la Grèce en avril 2012, lorsqu’un pharmacien à la retraite, Dimitris Christoulas, s’est suicidé sur la place symbolique de Syntagma, située en face du parlement grec. « Sur la place bondée, l’homme ruiné a hurlé ‘je n’en peux plus, je ne veux pas être un fardeau pour mes enfants’ et a placé un pistolet sur sa tempe, sous les yeux des passants », raconte Kostas. « C’est comme si le temps s’était soudainement arrêté » se souvient-il. « Lorsque nous avons appris ce qui s’était passé dans les médias, nous étions tous sous le choc et nous nous sommes alors demandés : qu’est-ce qui est en train de nous arriver ? ».
La Grèce, ce n’est pas que la crise
Si la crise est aujourd’hui au cœur de toutes les interrogations et conversations, Kostas, comme de nombreux Grecs, se dit fatigué que l’on réduise sans cesse la Grèce à la crise économique : « il y a un tas d’autres choses en Grèce dont on ne parle pas ! Comme la solidarité qui a émergé entre les Grecs, la culture ». Mais ce ne sont pas des sujets qui intéressent les médias. Pointant l’écran noir de sa télévision, il confie ne plus vouloir regarder les informations qui annoncent toujours de nouvelles coupes budgétaires dans la santé ou l’éducation ou la fermeture d’une usine: « désormais, j’espère juste que nous allons vers des jours meilleurs ».
Par Louise Michel D. pour JOL Press