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Commission, Parlement: quelle sera l’influence des eurosceptiques?

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JOL Press : Est-il possible que les eurosceptiques aient un candidat à la Présidence de la Commission européenne proche de leurs aspirations ?
 

Vivien Pertusot : Cela me parait très improbable, pour deux raisons. La première est idéologique : avoir un candidat eurosceptique à la Présidence de la Commission européenne signifie vouloir jouer le jeu et accepter qu’il soit en quelque sorte le Président d’une entité supranationale. Une idée qui correspond assez peu aux lignes politiques des partis eurosceptiques en Europe.

La seconde raison est bien plus pragmatique : les partis eurosceptiques sont tellement divergents dans les solutions à mettre en œuvre au niveau européen, que s’accorder sur un candidat est vraiment peu probable. On le voit même au sein du groupe parlementaire ECR (Conservateurs et réformistes européens), qui comprend une majorité de britanniques. Contrairement aux autres groupes européens, ils n’ont pas adopté de manifeste pour les élections européennes. Ils n’arrivent même pas à se mettre d’accord sur un programme, alors s’entendre sur un candidat censé incarner des valeurs communes parait impensable.

JOL Press : En fonction du nombre qu’ils seront, les députés eurosceptiques pourront-ils « bloquer » le vote d’approbation du Président de la Commission européenne ?
 

Vivien Pertusot : Il faudra voir dans quelle mesure le Parlement et les parlementaires sont enclins à accepter la proposition de candidat faite par le Conseil. Admettons que le Conseil propose un candidat qui reflète la majorité obtenue lors des élections – comme le souhaitent les parlementaires – alors la question pourrait se poser. Mais vu les projections faites quant au nombre de députés eurosceptiques, cela parait difficile à imaginer. Ce n’est pas une centaine de députés eurosceptiques qui bloquera la nomination du prochain Président de la Commission.

Si les conservateurs sortent majoritaires et que le Conseil décide de proposer Jean-Claude Junker comme candidat, il n’est pas invraisemblable que les partis eurosceptiques, mais aussi l’extrême gauche, les verts votent contre. De là à parvenir à une majorité qui vote contre…

JOL Press : Qu’en sera-t-il pour les nominations des différents commissaires ? Globalement, à quelle attitude doit-on s’attendre de la part des eurosceptiques après les élections européennes ? Vont-ils chercher à bloquer systématiquement tous les rouages de l’UE ?
 

Vivien Pertusot : C’est le gros point d’interrogation. Soit ils attaquent et décident de bloquer systématiquement toute décision. Pas par manque de compétences, mais pour montrer un désaccord avec les institutions et le fonctionnement de l’UE.

L’autre option est qu’ils essaient de jouer plus finement en choisissant leurs batailles. Le but n’étant pas alors de voter systématiquement contre la nomination d’un commissaire, par pur esprit de contradiction : ce serait le meilleur moyen de se discréditer auprès des autres députés européens, et de réduire leur capacité d’influence à l’avenir.

D’après ce qu’on entend parmi les eurosceptiques aujourd’hui, la tendance serait d’être vindicatif dès le début pour valider un choix contestataire de leurs électeurs.

JOL Press : Au-delà du simple cadre des nominations aux commissions, les eurosceptiques auront-ils un réel pouvoir de « nuisance » au Parlement ?
 

Vivien Pertusot : Avoir un groupe politique c’est bien (subventions, temps de parole…), mais encore faut-il jouer le jeu. Si le ou les groupes eurosceptiques décident de na pas le jouer, leur capacité de nuisance n’en sera que plus limitée. Ils seront vite considérés comme des mégaphones de l’euroscepticisme, présents pour faire de la politique politicienne plus que pour essayer de réformer l’UE de l’intérieur.

C’est leur paradoxe. Structurellement, ils ne sont pas organisés pour être influents au parlement européen. Le compromis, les coalitions, ne sont pas leur manière de travailler. Néanmoins, ils vont devoir apprendre des erreurs du passé et de l’incapacité des eurosceptiques, depuis la création du Parlement, à être une vraie opposition influente…

Propos recueillis par Romain de Lacoste pour JOL Press

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Vivien Pertusot est responsable du bureau bruxellois de l’Institut Français de Relations Internationales (IFRI). Il a travaillé à l’OTAN et a enseigné les Sciences Politiques à l’Université Lille 2.

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