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Croissance à la hausse: la France est-elle enfin sortie de l’impasse?

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Selon Michel Sapin, les estimations données par Bruxelles ne tiennent pas compte des dernières décisions de Paris, dont le pacte de responsabilité (shutterstock.com)

La Commission européenne doit dévoiler ce lundi 5 mai ses prévisions de croissance. Et selon le ministre des Finances, Michel Sapin, les chiffres seront probablement bons. « Je pense qu’ils vont montrer l’amélioration profonde de la situation française », a déclaré le ministre au cours de l’émission « Questions d’info » (LCP/Le Monde/France Info/AFP)  mercredi 30 avril. Et d’insister : « Je pense que tous ces chiffres vont montrer que la croissance a repris après cinq années de croissance zéro, situation catastrophique (…), de 2008 à 2013, du jamais vu depuis 1945 ».

JOL Press : La Commission européenne doit dévoiler ce lundi 5 mai ses prévisions de croissance et l’on devrait assister à une amélioration profonde de la situation française. Comment l’expliquer ?
 

Eric Heyer : Il faudrait voir les chiffres dans le détail mais globalement il est vrai que des signaux de reprises économiques s’enclenchent en Europe et la France y participe. Par ailleurs, certains freins qui pesaient sur l’économie française sont en train de se lever, et notamment le frein budgétaire. Certes, nous conservons des politiques d’austérité, mais des politiques d’austérité deux fois moins fortes que celles que nous avons pu mener en 2013 ou 2012. Le frein budgétaire se lève en France mais aussi en Europe et quand vous levez le pied sur un frein, cela permet à l’économie de repartir. Cela ne veut pas dire que l’économie ne sera pas freinée, mais elle sera moins freinée.

JOL Press : Vous dites que les politiques d’austérité sont deux fois moins fortes. Pouvez-vous nous en dire davantage ?
 

Eric Heyer : Quand vous regardez l’impulsion budgétaire, si on ne prend que le cas français, le budget voté en 2012 pour l’année 2013 était de 30 milliards d’austérité – 10 milliards d’augmentation d’impôts sur les ménages, 10 milliards d’augmentation d’impôts sur les entreprises et 10 milliards d’économie de dépense – pour l’année 2014, le budget est de 18 milliards, uniquement sur les dépenses. Et partout ailleurs, dans les autres pays, les politiques d’austérité se sont adoucies. Au lieu de venir amputer la croissance d’un peu plus de deux points, comme cela a été le cas en 2013, l’austérité à la fois en France et celle qui vient de nos partenaires, via le commerce extérieur, va amputer la croissance d’environ 1,3. On gagne donc 0,7 points de PIB et c’est toujours bon à prendre.

JOL Press : Le gouvernement table sur une hausse de 1% du produit intérieur brut cette année et 1,7% l’année prochaine. Est-ce suffisant ou toujours pas ?
 

Eric Heyer : C’est clairement insuffisant. Quand on a connu une crise aussi importante que celle de 2008, il y aurait dû y avoir un rebond. En 2008-2009, c’est l’effondrement, en 2010, on fait 1,7 de croissance et, en 2011, on fait 2% de croissance, on a tendance à l’oublier. On met en place l’austérité à partir de 2011, ce qui commence à casser la croissance, croissance qui est complètement cassée en 2012 (0% de croissance) et 2013 (0,3%). Cette austérité était bien trop forte. En levant un peu le pied, la croissance repart : on va faire 1% de croissance cette année. Tout cela reste insuffisant car, normalement, on aurait dû avoir environ 2,3% de croissance.

Le problème de ces faibles taux de croissance c’est qu’ils entraînent une augmentation du chômage. Cette année le chômage va une nouvelle fois augmenter et avec 1,7% de croissance il va uniquement se stabiliser. La reprise n’est pas aussi forte qu’elle devrait être, on réduit les déficits, certes, mais le chômage continue à augmenter.

JOL Press : Le déficit public va continuer à baisser, selon vous ?
 

Eric Heyer : Le déficit va continuer à baisser, c’est certain. Comme il baisse depuis 2010 : on est passé de  7,5% de déficit à 4,3%, avec 0% de croissance sur cette période. Baisser les déficits sans croissance économique, c’est bien de l’austérité. L’austérité permet de faire baisser les déficits c’est une certitude, ils baisseront donc en 2014 et 2015, mais on ne peut pas encore dire à quelle vitesse : on ne sait pas encore quelles vont être les conséquences des 18 milliards d’économie sur la croissance.

JOL Press : Quelles vont-être les conséquences sur le chômage ?

Eric Heyer : Contrairement à ce que dit ce gouvernement et le gouvernement précédent, la priorité ce n’est pas la baisse du chômage, la priorité depuis 2010, c’est de faire baisser les déficits très rapidement, et le chômage si possible. Le problème c’est qu’on ne peut pas faire les deux à une telle allure. Une politique d’austérité trop forte est immanquablement nuisible à la croissance et à l’emploi.

Il faudrait faire comme les Américains : on peut vivre encore avec des déficits élevés, il faut les réduire petit à petit, au même rythme que le chômage. Pour cela, il faut mettre en place des politiques un peu plus subtiles qui auraient deux objectifs : la réduction des déficits budgétaires et la réduction du chômage. Les déficits des Américains baissent beaucoup moins vite que nous, mais le chômage baisse aussi. C’est plus équilibré comme politique.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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