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Deux ans après, quel bilan tirer de l’action de François Hollande?

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Le 6 mai 2012, François Hollande devenait président de la République. Deux ans plus tard, que pensent les Français du chef de l’Etat ? Selon une étude CSA, réalisée entre les 22 et 24 avril auprès de 1048 personnes, près de neuf Français sur dix (86%) jugent en effet son bilan « négatif », voire même « très négatif » pour une majorité d’entre eux (52%). Comment expliquer cette impopularité ? Eléments de réponse avec le journaliste et écrivain André Bercoff. Entretien.

JOL Press : Deux ans après l’élection de François Hollande, le constat est sans appel : les Français ne font plus confiance au chef de l’Etat. Qu’est-ce qui a acté ce divorce ?

André Bercoff : Il y a eu, pour commencer, un fossé abyssal entre les promesses de campagne et les premières réalisations du chef de l’Etat. Tout le monde connaît le fameux théorème de Pasqua selon lequel « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent », mais il est clair qu’après la présidence de Nicolas Sarkozy, un grand nombre de Français ont pensé que la situation allait changer avec plus de justice sociale et plus de redistribution et leurs espoirs ont été déçus. Pourquoi ? François Hollande, dans tout son discours, contrairement à ce que l’on a dit, n’a pas ignoré la crise mais l’a présenté « à la Hollande », c’est-à-dire comme une espèce de mauvais moment à passer. Il a fait croire qu’il allait trouver très vite, en grand thaumaturge, les moyens de s’en sortir.

En même temps qu’il parlait de la crise, il parlait de la France qu’il voulait apaiser, de ce rêve français qu’il voulait réenchanter. Il dénonçait les riches et la finance, revendiquait son appartenance à la grande famille socialiste et assurait pouvoir venir à bout d’une crise mise en place par les gouvernements précédents. Il voulait être le Don Quichotte face aux moulins à vent du CAC 40 et de Wall Street, mais il s’est retrouvé fort dépourvu parce que la bise était déjà venue.

Il faut ajouter à cela des éléments personnels : la gestion de sa vie affective qui a été assez spéciale, la gestion de l’affaire Leonarda qui a été catastrophique et enfin la promesse qu’il a faite aux Français, alors que personne ne demandait rien, sur l’inversion de la courbe du chômage avant la fin de l’année 2013. Il a ainsi montré que ses engagements valent ce que valent les roses l’espace d’un matin.

JOL Press : Quel a été son plus gros handicap ?

André Bercoff : Pendant deux ans, François Hollande s’est encore cru rue de Solferino, il a laissé une cacophonie ministérielle assez énorme s’installer – on ne rappellera les différents incidents entre Arnaud Montebourg, Delphine Batho, Jean-Marc Ayrault ou encore Cécile Duflot. Il n’a pas su trancher. Je crois que l’adage de Jean-Pierre Chevènement, « un ministre, ça ferme sa gueule ou ça démissionne », est tout à fait conforme à la Ve République.

On ne peut pas donner l’impression de gouverner alors que l’équipe choisie passe son temps, ouvertement, à s’emmêler les pinceaux et à se déchirer. François Hollande a donné, pendant trop longtemps, l’impression qu’il n’était pas concerné, qu’il était au-dessus de ces chamailleries, alors que la meilleure manière d’être souverain – la Ve République est une monarchie républicaine – c’est de mettre de l’ordre immédiatement et brutalement dans son entourage. Il ne l’a pas fait.

JOL Press : Que retenez-vous de positif après ces deux années ?

André Bercoff : Très sincèrement, je pense qu’en intervenant au Mali et en Centrafrique, François Hollande a fait preuve de prise de décision dont il ne s’est malheureusement pas du tout inspiré pour la politique intérieure. Il faut aussi le créditer, malgré tout, de son tournant social-démocrate mais ce tournant avait été initié par François Mitterrand, il y a plus de 30 ans. Il n’aurait quand même pas dû attendre deux ans avant de remettre en place cette politique.

Comparaison n’est pas raison : il ne faut pas oublier que De Gaulle est arrivé au pouvoir grâce à l’Algérie française et un mois après il faisait en sorte que l’Algérie devienne indépendante. Que François Hollande fasse une campagne socialiste pour drainer les électeurs de gauche, on le comprend, qu’il ne profite pas des jours suivant son élection pour mettre en place sa politique montre que son envie de plaire et de séduire était plus forte, disons-le, que son courage.

JOL Press : Comment peut-il désormais remonter la pente ?

André Bercoff : J’ai l’impression que le rejet de François Hollande aujourd’hui est tellement fort, à gauche comme à droite, qu’il va avoir beaucoup de difficultés à remonter la pente. Je ne dis pas que tout est perdu – en politique on n’est jamais mort, avant l’arrêt du cœur – mais le rejet est si fort que tout le problème est de savoir si Manuel Valls va l’aider à surmonter les événements pour pouvoir se représenter en 2017 ou s’il devra céder la place à son actuel Premier ministre.

JOL Press : Qu’attendent les Français de lui concrètement ?

André Bercoff : Si j’étais méchant, je dirais que les Français, à l’heure où nous parlons, souhaitent qu’il laisse faire Manuel Valls. Plus sérieusement, je crois que les Français n’attendent plus grand-chose. Il ne faut toutefois pas jeter François Hollande avec l’eau du bain politique : l’homme est capable de persévérance et d’un étourdissant talent de flottaison. Est-il pour autant capable de rebondir avant la fin de son quinquennat ? Cela me paraît difficile, mais, encore une fois, pas impossible.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

André Bercoff est écrivain, journaliste et homme de télévision. Depuis son livre, L’Autre France, en 1975, il est l’auteur d’une trentaine de romans et d’essais, dont Qui choisir (2012 – First éditions), Moi, Président… (2013 – First éditions) ou Je suis venu te dire que je m’en vais (novembre 2013 – Éditions Michalon).

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