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DSK et les femmes: la mauvaise réputation

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DSK n’est certainement pas le seul chaud lapin de la politique française. Mais il est le seul à être, depuis des années, brocardé pour cela par les humoristes, et sur toutes les ondes. (Crédit : Shutterstock)

Depuis l’affaire du Sofitel, la lumière la plus crue a été braquée sur la vie privée de DSK. Qui est vraiment cet homme qui n’a cessé de côtoyer le précipice ? 

Extrait de « Le roman vrai de DSK », de Michel Taubmann (Archipoche – janvier 2014)

« Ils savaient, mais ils n’ont rien dit. » Telle une traînée de poudre, cette accusation se répand dans les médias durant les jours suivant l’arrestation de DSK. Ils savaient quoi ? Et qu’ont-ils tu ? Qu’il était un séducteur invétéré ? Un dragueur ? Un libertin ? C’était un secret de polichinelle. DSK n’est certainement pas le seul chaud lapin de la politique française. Mais il est le seul à être, depuis des années, brocardé pour cela par les humoristes, et sur toutes les ondes.

Aucun auditeur ou téléspectateur ne pouvait ignorer son goût pour le beau sexe. « C’est chaud, I want to fuck », répétait le matin Laurent Gerra, imitant sur RTL la voix de l’ancien ministre des Finances, bien avant « l’affaire du Sofitel ». Sans parler de Stéphane Guillon qui, en mars 2009, fait hurler la sirène en direct sur France Inter et appelle à « évacuer » les femmes avant l’arrivée dans le studio du directeur général du FMI. Cas unique en France, où le respect de la vie privée, garanti par la loi, fut toujours la règle, DSK a vu ses petits secrets, réels ou supposés, dévoilés dans la presse.

Déjà, en 2003, Le Nouvel Observateur évoque, sans citer de nom, le passage d’un ancien ministre aux Chandelles, un club libertin bien connu de la capitale : « Ce soir, il y a un plus : le ministre doit venir. Un vrai ministre. […] Soudain il arrive. C’est bien lui. Un léger frémissement parcourt les troupes. Deux femmes l’accompagnent, jeunes, grandes et minces. “Il fait plus gros qu’à la télé, tu trouves pas ?” Son sourire est presque électoral. » Les initiés croient reconnaître DSK et, depuis cet article, l’ancien ministre des Finances traîne une réputation « d’échangiste ». Vrai ou faux ? Peu importe. Le libertinage n’est pas illégal, et ses adeptes possèdent, en général, selon les psychiatres, un tempérament opposé à celui du violeur.

[image:2,s] En juillet 2007, avant la désignation de DSK au FMI, le journaliste Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles, écrit sur son blog : « Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. »

Critiqué à l’époque dans l’hebdomadaire Marianne au nom du respect de la vie privée, Jean Quatremer nuance ses propos quelques jours plus tard : « Pour bien connaître DSK, je sais qu’il est en séduction permanente, même s’il n’a jamais eu de gestes déplacés. Et que cela choque et a choqué, surtout hors des frontières hexagonales. Tous les journalistes qui ont couvert ses activités publiques – y compris à Marianne – le savent et les anecdotes sont nombreuses. Mais être “pressant” n’est pas un délit pénal, que cela soit clair. En revanche, aux États-Unis, c’est tout comme. C’est tout ce que je voulais dire : une fois à la tête du FMI, il faudra que DSK ravale son côté “french lover” lourdingue. »

Ce texte de Jean Quatremer, passé inaperçu en 2007, est révélé au grand public quatre ans plus tard, juste après l’arrestation de DSK. On le présente parfois comme prémonitoire. C’est une vue de l’esprit. En réalité, avant le 14 mai 2011, ni Jean Quatremer ni personne d’autre dans la presse n’a jamais vu en DSK un violeur potentiel.

Et les femmes journalistes ? Après le « drame du Sofitel », Béatrice Vallaeys, rédactrice en chef à Libération, affirme qu’elle ne laissait jamais une femme aller seule interviewer Dominique Strauss-Kahn. Mais, à travers une tribune publiée peu après dans ce journal, trois de ses consœurs contredisent cette affirmation. Virginie Malingre (Le Monde), Nathalie Raulin (Libération) et Nathalie Segaunes (Le Parisien) qui ont suivi longtemps les activités de Dominique Strauss-Kahn, notamment au ministère de l’Économie et des Finances, estiment qu’il est « factuellement faux » de prétendre qu’une journaliste ne peut pas interviewer seule DSK.

« Les rumeurs de ses aventures d’un après-midi bruissaient dans les couloirs du ministère, mais il n’y a jamais eu dans son comportement [vis-à-vis d’elles] de quoi crier au scandale, ni redouter une interview en tête à tête. » Ces trois journalistes politiques poursuivent : « Aucun doute, l’homme était dragueur, souvent un peu lourd. Les invitations galantes ou les plongées dans les décolletés étaient un gimmick quasi obligé des débuts de conversation. […] Mais nous n’avons jamais été agressées ni menacées. »

Ce témoignage a été confirmé à l’auteur par de nombreuses femmes ayant côtoyé Dominique Strauss-Kahn professionnellement, politiquement ou personnellement tout au long de sa carrière. Son comportement peut choquer certaines femmes. Mais il n’a rien à voir avec l’image de DSK qui va se répandre dans les médias comme une traînée de poudre à la suite de son arrestation à New York. Les digues ont cédé, le torrent déferle.

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Michel Taubmann, journaliste, a dirigé le bureau parisien de l’information d’Arte. Il est aujourd’hui rédacteur en chef de la chaîne de télévision internationale i24News. Auteur de plusieurs livres d’investigation, il venait de publier une biographie de DSK lorsqu’a éclaté l’affaire sur laquelle, depuis 2011, il n’a cessé d’enquêter.

 
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