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En Grèce, les médias aussi connaissent la crise

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Photo DR Shutterstock

JOL Press : A quel point la crise a-t-elle détérioré les conditions de travail des journalistes en Grèce ?

Tania Bozaninou : Les journalistes grecs ont été frappés de plein fouet par la crise économique et par l’émergence d’internet.

Plusieurs grands quotidiens et chaînes de télévision ont été contraints de fermer parce qu’ils ont fait faillite. D’autres fonctionnent encore mais n’ont pas payé leurs employés depuis des mois. Les journalistes de tous médias confondus – presse écrite, télé, radio –  ont vu leurs salaires réduits d’au moins 20% et leur charge de travail augmenter. De nombreux journalistes qui touchaient entre 2.000 et 2,500 euros par mois dans les grandes rédactions travaillent désormais pour des sites, pour un salaire qui oscille entre 500 et 600 euros par mois.

Les rédactions ont dû se séparer d’environ 50% de leur personnel : le taux de chômage est donc particulièrement élevé dans la profession.

JOL Press : La presse joue-t-elle encore son rôle de contre-pouvoir ?

Tania Bozaninou : Oui, la presse, ou du moins ce qu’il en reste en Grèce, joue encore son rôle de quatrième pouvoir. Je pense que les journalistes qui ont la chance de travailler et d’être payé aujourd’hui prennent leur travail plus au sérieux qu’avant et sont plus disposés à exposer les abus de pouvoir et la corruption du gouvernement.

Même si de nombreux médias ont fermé en Grèce, il y a encore trois grands quotidiens, quatre grands journaux du dimanche, quatre chaînes de télévision principales ainsi que plusieurs stations de radio d’information. La pluralité est assurée : tous ces médias ont des affiliations politiques et des idées différentes. Je ne pense donc pas que le système démocratique a été menacé à ce jour par la fermeture de l’ERT ou de tout autre média.

JOL Press: La crise a-t-elle fait émerger des médias alternatifs en Grèce ?

 

Tania Bozaninou: Oui. Par exemple, certains des journalistes licenciés ont investi leur propre argent dans des journaux et depuis la fin de 2012, publient un quotidien où tout le monde reçoit le même salaire. Ils luttent pour survivre. D’autres ont également publié un magazine mensuel…Mais toutes ces initiatives relèvent d’un combat quotidien.

JOL Press: Que pensez-vous du traitement médiatique de la crise grecque, en Grèce et à l’étranger ?

Tania Bozaninou: Au début, je pense que les médias, à la fois en Grèce et à l’étranger, ont traité la crise de manière assez « populiste ». En Grèce, certains médias avaient tendance à blâmer l’Europe ou les Allemands en écartant les Grecs de toutes responsabilités alors qu’ils ont tout de même accumulé une dette pendant des années. À l’étranger certains médias avaient tendance à rejeter la faute sur ces «Grecs paresseux» et n’ont pas pas reconnu les épreuves que traversent de nombreux Grecs qui ont travaillé et payé leurs impôts toute leur vie, et qui voient aujourd’hui vu leur mode de vie se détériorer.  Mais, depuis ces deux dernières années, le traitement de la crise grecque dans la presse est plus équilibré, à la fois en Grèce et à l’étranger.

JOL Press: Qu’est devenue la radio-télévision nationale ERT, brutalement fermée le 11 juin 2013 ?

 

Tania Bozaninou:  L’ERT a rouvert sous un autre nom « NERIT » mais avec moins de la moitié des salariés.

Le nouveau groupe audiovisuel public NERIT exploite la chaîne de télévision DT qui a commencé à émettre uniquement quelques heures par jour au mois de juillet 2013. Les émissions ont été enregistrées dans les studios secondaires de l’ERT, étant donné que le bâtiment principal était encore occupé par les employés de l’ERT qui venaient d’être mis à la porte. En novembre, le bâtiment principal a été évacué pacifiquement et la nouvelle chaîne publique DT a pu a développé ses émissions. Mais encore aujourd’hui, NERIT n’émet qu’une seule chaîne de télévision – contre trois émises par l’ERT – et une station de radio, au lieu de six au temps de l’ERT.

 

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