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Grèce: «Le cinéma, notre seule arme contre tout ce gâchis»

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JOL Press : Malgré la crise économique, le cinéma grec connaît une certaine effervescence. Un effet collatéral de la crise ?

Elina Psykou : Nous ne pouvons ignorer la crise. En tant que réalisateurs, nous nous inspirons de l’environnement qui nous entoure. Si nous vivons dans une situation de crise, nos histoires puiseront donc dans ce contexte.

Je crois vraiment qu’il ne s’agit pas que d’une tendance! Nous essayons d’être aussi créatifs que nous l’étions avant la crise, ni plus, ni moins. Nous ne voulons pas laisser la crise nous déprimer. Nous voulons continuer à travailler et à trouver les moyens de créer, malgré la crise.

Il y a beaucoup de cinéastes talentueux qui font et feront de films lors des années suivantes… Nous aimons le cinéma, nous gardons les yeux grands ouverts sur ce qui nous entoure. Nos films sont la seule arme que nous avons contre tout ce gâchis dans lequel nous vivons. C’est notre moyen de résister.

JOL Press: Peut-on vraiment parler de la naissance d’une « Nouvelle vague grecque » ? Y-a-t-il des éléments communs entre les réalisateurs ?

 

Elina Psykou : Personnellement, je ne crois pas trop aux étiquettes que l’on colle aux mouvements, comme celui de la « Nouvelle vague grecque ».  Ce genre de caractérisations aide les journalistes et les critiques de cinéma à classer les films et facilite ainsi leur travail… Beaucoup de nouveaux réalisateurs ont effet émergé mais ils n’ont pas de philosophie commune. Ils ont un style différent en termes de narration et d’esthétique. Quant aux principaux thèmes abordés dans les films, ce sont les mêmes que ceux de l’industrie cinématographique internationale: famille, identité, le temps qui passe, l’amour … C’est juste le contexte qui a changé.

JOL Press : Peut-on voir dans votre film « L’éternel retour d’Antonis Paraskevas » – sélectionné au festival du film de Thessalonique, un parallèle avec la Grèce d’aujourd’hui ?

Elina Psykou : Tout d’abord, je voulais faire un film sur le manque d’identité et sur ce que la confusion de manque engendre. Dans le même temps, je voulais faire un film sur la peur de la « fin » et l’effort humain pour rester immortel.

Lorsque j’ai commencé à réfléchir sur le film et que je me suis penchée sur le scénario, la crise n’avait pas encore éclaté.  Mais le temps passait…Lorsque j’ai entamé le processus de pré-production du film, cette comparaison avec la Grèce d’aujourd’hui est rapidement devenue inévitable : un homme et un pays qui ont perdu leur identité. Ils ne savent pas qui ils sont, ne se souviennent pas de ce qu’ils étaient et ne sont pas sûrs de qu’ils veulent être. Par conséquent, ils permettent aux autres de les définir.

Mon film est un road movie existentiel d’un homme et d’un pays, tous deux effondrés, et qui veulent rester immortels, et ce quel que soit le prix.

Bande-annonce du film:

JOL Press : En temps de crise, la culture n’est pas vraiment la priorité du gouvernement grec. Comment trouvez-vous les sources de financement pour vos films ?

Elina Psykou : Pour être honnête, trouver une source de financement a été la chose la plus difficile, surtout qu’il s’agissait de mon premier film. En réalité,  je n’ai trouvé aucune aide… J’ai uniquement bénéficié de l’équipement technique et de rouleaux de film 16 mm prêtés par la télévision publique grecque ainsi que d’un équipement plus léger appartenant à une entreprise privée. Evidemment, j’ai eu la chance de travailler avec des acteurs, collaborateurs et techniciens qui ont travaillé bénévolement. Mes parents m’ont également donné un peu d’argent pour exécuter la totalité de la production, et j’espère que je pourrais un jour leur rendre la pareille.

JOL Press : La nouvelle génération de cinéastes doit donc se débrouiller avec les moyens du bord ?

Elina Psykou : Oui,  aujourd’hui, il est très difficile pour les réalisateurs de trouver des sources de financement. Le Greek Film Center n’a pas beaucoup d’argent dans ses caisses et le ministère de la culture ne s’intéresse qu’à la civilisation ancienne et non pas aux créations contemporaines…

Nous ne pouvons pas continuer à faire des films sans argent. Nous ne voulons pas non plus montrer à l’Etat que nous arrivons à nous débrouiller sans ses aides financières. Il doit consacrer un budget à la culture : mais nos politiciens n’envisagent pas une minute que la crise n’est pas seulement économique, mais d’abord sociale et culturelle.

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