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Guerre 14-18: pour la première fois, le cinéma comme outil de propagande

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Entre 1914 et 1918, guerre et cinéma entament une vie de couple qui n’a jamais cessé jusqu’à aujourd’hui.

Extrait de « Le Cinéma et la guerre de 14-18 », de Patrick Brion, préfacé par François Cochet (Les Editions Riveneuve)

C’est en Allemagne qu’il faut aller chercher la première utilisation de fictions cinématographiques à finalité propagandiste. Au commencement de la guerre, l’Allemagne de connaît pas d’industrie cinématographique aussi développée que celle de la France ou des Etats-Unis. Le pays est, au contraire, importateur tant de fictions que de films d’actualité. La guerre, en obligeant l’Allemagne à se priver des produits cinématographiques importés, la contraint à les produire elle-même.

C’est aux Allemands que revient aussi l’idée d’orienter les consciences par des oeuvres de fiction. A la fin de l’année 1917, le tout-puissant général Ludendorff, qui a compris la puissance de l’image et des scénarii, crée la firme, cinématographique UFA, dont la mission est de produire des films de fiction.

Même si cette firme n’a pas le temps de monter le moindre film avant la fin de la guerre, l’idée princeps est bien là, qui sera reprise par la suite par de nombreux régimes comme l’Allemagne nazie ou l’Union soviétique.

La fiction joue la guerre et redit l’histoire en train de se faire. Elle dit surtout l’état d’une société en guerre puis, une fois le conflit passé, les évolutions des convictions sociales partagées ou militantes à propos de la guerre.

[image:2,s]Des évidences existent. Chacun sait depuis les travaux pionniers de Marc Ferro que le cinéma, même lorsqu’il met en scène des épisodes du passé, parle bien davantage du présent que de l’histoire. Et l’on peut ainsi brosser à grands traits, au prisme, précisément, de cette contemporanéité du discours, une catégorisation des fictions de la Première Guerre mondiale, où transparaît l’émergence d’une succession de courants de fond, que l’on se propose de baptiser « génération patriotique », « prémisses du courant pacifiste », « Grande Guerre en arrière-pla », puis enfin « cinéma dénonciateur » ainsi que « victimisation et montée de l’intime ».

La génération patriotique, tout d’abord : durant la Grande Guerre, la première génération d’oeuvres filmiques consiste à mobiliser les opinions publiques des belligérants en tentant de les persuader que le combat mené est légitime et nécessaire. Tous les belligérants réagissent ainsi. Léonce Perret s’en fait le spécialiste en France (Leur Kultur, Le Héros de l’Yser, Une page de gloire en 1915, Etoiles de gloire en 1918).

Il s’agit d’exalter les valeurs patriotiques comme le fait d’ailleurs le théâtre de la même époque.

Souvent surjoués comme la technologie du met les y contraignait, ces films nous paraissent aujourd’hui bien datés, dans le fond comme dans la forme. Le genre héroïco-patriotique ne disparaîtra pas totalement, et reprendra du poil de la bête avec la menaced’un nouveau conflit (Nurse Edith Cavell, 1939).

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Patrick Brion est historien du cinéma et auteur de multiples monographies (D. W. Griffith, John Huston, Richard Brooks, John Ford, Joseph L. Mankiewicz, Elisabeth Taylor, Dean Martin, etc.). Il a également publié avec Georges di Lallo dans la collection Riveneuve-Cinéma Le train fait son cinéma (2012).
 
François Cochet est professeur d’histoire contemporaine à l’université Paul Verlaine de Metz. Spécialiste des conflits contemporains, il a publié de nombreux ouvrages comme le Dictionnaire de la Grande Guerre avec Remy Porte (Laffont, Collection Bouquins, 2008). Il dirige le programme « Expérience combattante du 19e au 21e siècle » dans le cadre de la maison des Sciences de l’Homme de Lorraine.
 
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