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Jackie Kennedy: son rôle dans la carrière politique de JFK

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Jackie Kennedy est morte le 19 mai 1994 à New York (Photo: Flickr/Sacheverelle)

De la nature, elle avait reçu trois dons : l’élégance, l’intelligence et la fortune. Ils conquirent celui qui allait devenir le 35e président des Etats-Unis. En s’unissant à John Fitzgerald Kennedy, qui briguait le siège de sénateur du Massachusetts, Jackie avait rejoint un clan et se soumettait à la loi d’une famille, toute entière vouée au dessein présidentiel d’un de ses fils. Nul doute qu’elle contribua à son élection, en 1960. Couple modèle aux yeux des médias et du public, John et Jackie symbolisaient une Amérique jeune, dynamique et volontaire. Cultivée, diplômée de l’université George Washington et de la Sorbonne, s’exprimant parfaitement en français, Jacqueline Bouvier ouvrit les portes de la Maison Blanche au monde des arts et des lettres. Son charme sauva plus d’une fois la mise au président sur la scène internationale.

Extrait de Jackie, les années Kennedy, de Frédéric Lecomte-Dieu (Editions de l’Archipel – 20 avril 2014)

Jackie n’a pas l’intention de rester enfermée à la maison pour s’occuper du ménage. Elle veut participer à la carrière de son mari. Ses cours en sciences politiques ont assis ses convictions sur la plupart des sujets d’actualité. Elle sensibilise John aux problèmes raciaux dans les États du Sud, à la précarité de certains hôpitaux et à l’échec de l’assurance maladie. John l’écoute attentivement et fait part de ses objections à ses collaborateurs :

— Examinez ce dossier, je veux en savoir plus.

Elle le met en garde contre certaines de ses relations qui pourraient le desservir plus tard. Ses conseils le mettent parfois hors de lui, mais ils finissent toujours par payer.

Jackie collabore avec les assistantes de John sur l’implication américaine en Indochine. Lorsque Jack a besoin de plus d’informations sur l’Union générale indochinoise, elle étudie pendant plusieurs semaines, à la bibliothèque du Congrès, les ouvrages historiques traitant de cette période. Elle tient à préserver l’indépendance intellectuelle de son mari :

— En étudiant les notes que je t’ai préparées, tu t’apercevras que la presse ne dit pas toujours la vérité.

John apporte un ton nouveau en matière de réflexions politiques. Ses allocutions sont écoutées avec attention par la nouvelle génération. Il utilise avec talent des formules célèbres. Il n’est pas rare de l’entendre citer Eschyle au cours d’une conférence dans une université : «En temps de guerre, c’est la vérité la première victime.»

Jackie invite à dîner des historiens, des économistes, des écrivains, des philosophes… Chaque soirée est l’occasion d’une discussion animée sur la présidence d’Abraham Lincoln, l’oeuvre de Walt Whitman, le destin du général de Gaulle, la mise en place de l’Europe, le désendettement de l’Angleterre, la reconstruction de l’Allemagne…

Jackie choisit pour son époux des costumes sombres, des chemises bleu ciel et des cravates étroites. Elle fait faire sur mesure des pantalons pour palier la différence de longueur de ses jambes. Elle jette à la poubelle une bonne partie de ses vêtements – ce qui fera hurler de rage sa belle-mère –, excepté une veste en tweed que Jack affectionne depuis son dernier séjour en Angleterre. Pour les sorties en week-end, elle met en valeur son allure sport chic en lui achetant des pull-overs bleu marine, de jolis polos beiges, des chemises oxford, des mocassins et de superbes lunettes de soleil Ray Ban.

Elle exige qu’il soit plus attentif sur la route. Jack est souvent arrêté par la police pour excès de vitesse ou pour avoir grillé des feux. La plupart du temps, il ne porte sur lui ni ses papiers d’identité ni son permis de conduire, encore moins son portefeuille. Jack a pris l’habitude de ne rien payer. Depuis son élection à la Chambre des représentants, ses factures sont envoyées pour règlement au bureau new-yorkais de son père. Jackie règle parfois elle-même les additions des restaurants ou leurs places de cinéma.

Le soir, elle lui fait apprécier la musique classique : Wagner, Schubert, Mozart… en particulier les opéras. Elle lui fait découvrir la nouvelle comédie musicale : Camelot, avec Richard Burton.

Depuis 1942, le FBI enquête sur les aventures amoureuses de son mari. En effet, une jeune et jolie journaliste danoise, travaillant à la rédaction du Times Herald de Washington, l’avait interviewé lorsqu’il était officier dans la marine. Ils étaient devenus amants.

Inga Arvard était fichée au FBI pour ses activités d’espionnage au service de l’Allemagne nazie. John ignorait tout de son passé et coulait des jours heureux en sa compagnie. Les agents du FBI craignaient qu’elle n’obtienne par lui des informations sur les positions stratégiques des bâtiments américains dans le Pacifique. Ce dossier fut transmis directement à Joseph Kennedy, via le président Roosevelt. John dut quitter immédiatement sa maîtresse et fut affecté à Charleston.

[image:2,s]Hoover, directeur du FBI depuis 1924, maintient une surveillance étroite sur les Kennedy, plus particulièrement sur la vie sexuelle de John. Les rapports confidentiels sont rangés soigneusement dans l’un de ses tiroirs. La vie privée de John n’est plus un secret pour lui : il a des renseignements sur la plupart de ses maîtresses : Hedy Lamarr, Angela Green, Joan Crawford, Olivia de Havilland, Peggy Cummins, Lana Turner… Hoover déteste les Kennedy, il s’est toujours méfié des origines de la fortune du patriarche et n’apprécie pas toute la publicité organisée autour de «cette foutue famille irlandaise» ! «Ces types sont des menteurs, des manipulateurs. Je voudrais bien voir la tête d’une de nos ménagères si elle jetait un coup d’oeil sur les parties fines de ces messieurs !»

Jackie n’est pas naïve au point d’ignorer que John revoit de temps en temps ses anciennes maîtresses. Il a toujours été passionné par les femmes, qu’elles soient célèbres ou non. John répète souvent à leurs amis : «Il ne faut jamais renoncer aux plaisirs lorsqu’ils s’offrent à vous.» Jackie s’était confiée à l’une de ses amies de Georgetown, un soir de déprime : «En épousant John, je savais que je connaîtrais la déception et le chagrin. Mais je décidai que ce chagrin vaudrait la peine.»

Jackie sait entre autres que, durant son séjour sur la Côte d’Azur, quelques semaines avant leur mariage, John a retrouvé l’une d’elles dans un des palaces de Cannes. Leurs disputes sont à la fois désespérées et douloureuses. Jack déteste les bouderies de Jackie, qui durent parfois plusieurs jours. C’est cependant le seul moyen qu’elle ait trouvé pour le punir et pour lui montrer sa lâcheté. Jackie reste persuadée que la naissance de leur premier enfant pourrait anéantir son appétit.

— Tu agis comme un petit garçon ! Ton intelligence ne te sert pas à grand-chose ! Je te demande d’être plus attentif envers moi si tu veux que je reste au sein de la famille !

John claque la porte de leur maison pour rejoindre sa chambre d’hôtel louée à l’année.

Avant leur premier anniversaire de mariage, des rumeurs circulent sur leur divorce. Jackie reste souvent seule. La vie politique de John a pris le dessus sur ses sentiments. Ses absences sont de plus en plus longues et sans excuse. Jackie fume cigarette sur cigarette. Elle ne sait plus quoi faire pour sauver son mariage. Elle se réfugie de temps en temps chez son père pour de longues promenades dans Central Park. Le vieil homme est terriblement usé par ses excès en tout genre. Dans son chagrin, il est incapable d’aider sa fille ; luimême a tout perdu pour des femmes sans lendemain. Jackie revient encore plus désemparée.

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Frédéric Lecomte-Dieu, ancien publicitaire et attaché de presse pour le cinéma, commissaire d’expositions, travaille depuis 1995 sur les archives Kennedy. En 1998, à Paris, il organise avec l’Unesco une exposition intitulée «Kennedy, le rêve américain». En 2013, il est le commissaire de l’exposition anniversaire «Kennedy, le temps du souvenir», à Paris. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages, dont «Les Kennedy – La vérité sur le clan» (Editions Jourdan, 2013) et «Kennedy – Au cœur de l’Amérique» (Timée Editions, 2010).

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