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Ken Loach, le conteur de la Croisette

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C’est l’histoire d’un gamin né d’un père ouvrier, mais qui étudie le droit à Oxford. Un gamin qui se fait une place dans le milieu parfois mesquin, souvent superficiel, du cinéma. En puisant dans son propre chemin une passion pour les problématiques sociales. Ken Loach a sa façon de filmer, avec une grâce touchante, surtout dans la mise en scène de la vie quotidienne.

Le vent se lève sur la Croisette

En 2006, le Festival de Cannes consacre la mélancolie réaliste et poignante de son film Le vent se lève. La palme d’or récompense cette fresque à la fois intimiste et ambitieuse sur la guerre civile irlandaise. Elle porte, avec un souffle romanesque qui fait frissonner, la destinée tragique d’une famille déchirée. La tension psychologique et émotive monte, à mesure que les deux frères s’opposent dans un combat qui est le leur. Une lutte pour l’indépendance et la patrie, qui les fait passer d’alliés, au début du film, à adversaires.

La patte du cinéaste britannique s’impose alors comme une référence. Elle symbolise un cinéma de mesure, tout en justesse, tout en justice. Une passion pour la paix et la justice sociales exprimée avec une minutie incroyable. Ken Loach, c’est la symbiose parfaite entre le fond et la forme, entre une technique irréprochable et un naturalisme jamais sur-joué.

Cinéaste engagé, cinéma engageant

Pourtant, le cinéaste divise outre-Manche. Ses prises de position radicales, souvent marxistes, lui valent critiques et méfiance quant à son objectivité derrière la caméra. Réalisateur de nombreux drames sociaux (Les Dockers de Liverpool, The Navigators, Bread and Roses), il parvient néanmoins à dépasser certains clivages politiques pour mieux exposer la brutalité de la vie. Le fils d’ouvrier déclenche, dans ses films, une empathie avec le spectateur, que l’on retrouve aussi dans ses œuvres historiques.

De Secret Défense à Route Irish en passant par le sublime Le Vent se lève, sa filmographie est ainsi parsemée de longs-métrages qui explorent les plaies – parfois encore vives – de l’Histoire britannique. Mais, selon la constante de son œuvre, il y mêle avec une parfaite maîtrise des anecdotes, imbriquent les histoires dans l’Histoire, et déroule avec brio et poésie le questionnement, les drames des petites gens. L’esthétique est également irréprochable, comme dans Le Vent se lève, où la beauté sauvage des collines irlandaises défile, magnifiée et époustouflante.

Un conteur à nouveau primé ?

Cannes accueillait à nouveau, cette semaine, l’un de ses enfants chéris. Loin d’être retraité, il vient profiter du strass et des paillettes de Cannes pour présenter son dernier long-métrage, Jimmy’s Hall. Bien placé dans la course à la Palme d’Or, le film enchevêtre légèreté, politique, drame et sentiments amoureux, sur un fond – habituel chez Ken Loach – de clivages sociaux, dans une société irlandaise encore meurtrie des blessures de la guerre civile. Avec un soin méticuleux propre au cinéaste anglais, un casting étonnant et détonnant et, surtout, la griffe d’un orfèvre du cinéma, d’un amoureux transit des tréfonds de la nature humaine.

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