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Le Festival de Cannes vu depuis un pressing

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Inversement de la courbe de chômage ?

Pour Patrick, le Festival de Cannes est la meilleure période de l’année. En seulement 15 jours, voilà que son pressing fait l’équivalent de 2 mois de chiffre d’affaires. « En temps normal, nous sommes 3 à travailler au pressing. Lors des festivités, on embauche 4 à 5 personnes. C’est la période à laquelle on embauche le plus dans l’année parce que la clientèle est très exigeante. Elle sort la nuit, se lève vers midi, une heure, et veut ses smokings et ses robes pour ressortir le soir. Jusqu’à 10-11 heure du matin, on ne fait pas grand chose et après, on va récupérer les vêtements dans les hôtels pour les laver et les repasser. On a un service express pour ça. Certains jours, on arrive a un record de 250 chemises, sans compter les robes et les smokings ! »

La crise : aussi sur la Croisette

« Tous les ans, la clientèle diminue. C’est plus du tout ce que c’était il y a 15-20 ans en arrière », remarque Patrick. « Peut-être qu’il y a eu une exagération des gens. Pendant longtemps, beaucoup profitaient des entreprises qui ne vérifiaient pas leurs notes de frais pour y faire passer leur pressing. Certains donnaient tout et n’importe quoi, sans regarder. Aujourd’hui, le budget est plus serré. Les gens font attention. Mais à la grande époque, j’ai vu des femmes arriver avec des valises pleine de linge sale et donner tout, jusqu’aux sous-vêtements.. Une fois, j’ai même appelé l’hôtel pour informer que la cliente en aurait pour 6 000 Francs. Je voulais être sûr d’être payé. Vous vous rendez compte ? 6 000 F ! C’était le prix de 3 nuits d’hôtel. »

« J’avais deux équipes qui tournaient parce qu’on commençait à 4h du matin pour finir à 23h ! ». Le Carlton, le Majestic ou encore le Martinez, ne font aujourd’hui plus partie de ses clients. « C’était vraiment trop de travail. Mais c’est vrai qu’on y a récupérer de nombreuses robes d’artistes. », reconnaît-il, nostalgique. « Il y a 4-5 jours, j’ai fait une robe en plumes d’oie. Je ne sais pas à qui elle était. Je n’ai pas regardé la montée des marches à la télévision, mais c’était une très très belle robe, avec une jolie traine. Plus de 5 ou 6 000 plumes dessus, toutes collées à la main », raconte-t-il. Quand on lui demande si les robes des stars sont plus compliquées que les autres à traiter, Patrick répond pourtant par la négation. « Les robes des célébrités ne sont jamais bien compliquées, trop sophistiquées. De très très belles robes, simples. », conclue-t-il.

La routine des paillettes

« Vous savez, cela fait 40 ans que je fais ça. Au départ j’étais…pfff, les yeux écarquillés. Maintenant, c’est…voilà. Maintenant, ça passe », plaisante-t-il. « Mon premier festival ? …beaucoup de travail, assez étonné de l’ambiance..C’est vrai que quand on habite Cannes, on ne se rend pas compte de ce que c’est pour les cinéphiles. Quand on vit ailleurs, on regarde le Festival à la télévision mais ici, on est dedans. On ne se rend pas compte. Je vois ça tout le temps, tous les ans depuis 40 ans. Je suis un petit peu blasé. J’attaque le matin jusqu’à 20h le soir, alors quand je sors, je n’ai pas très envie d’aller voir un film. Je préfère sortir boire un verre. Il faut savoir que les Cannois ne sortent pas pendant le Festival. Il y a trop de monde ! » 

Money, money, money

À Cannes, en général, et particulièrement pendant les festivités, il y a une population très riche, qui brassent de grosses sommes d’argent et ne semblent plus se rendre compte de sa valeur. « Comme vous vous oublieriez un billet de 5 euros, dans l’une de vos poches de jean, certains arrivent à oublier 1500 euros ! ».

Si certains oublient leur « monnaie » par mégarde, d’autres n’ont pas hésité à tenter de le soudoyer pour obtenir quelques informations croustillantes. « À l’époque où Liz Taylor logeait dans une villa à Cannes, pour participer au gala contre le sida, j’ai nettoyé ses vêtements tous les jours. Une fois, je me rappelle d’une robe qui ne devait surtout pas être vu avant le jour J. Je suis allée la chercher moi-même chez elle, on a mis la robe dans des draps pour la mettre dans le camion. Il y avait des paparazzi de partout. Ils nous ont suivi jusqu’au pressing. Tout est vitré chez nous. On a donc du accrocher des draps devant les fenêtres pour que la robe ne risque pas d’être entre-aperçu. Quand elle a été prête, on l’a remis dans des draps pour la sortir. Ils m’ont proposé des sommes faramineuses pour pouvoir la voir. Mais on s’est contenté de la ramener, et une fois de plus, ils nous ont suivi tout le trajet. »

Marianne Fenon est à Cannes avec une vingtaine de camarades étudiants à l’Université Paris VIII à Saint-Denis. Suivez-les sur Clap 8

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