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Le Traité transatlantique répondra-t-il aux seuls intérêts américains?

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Les règles qui favorisent les sociétés américaines deviendront la norme (shutterstock.com)

Avez-vous entendu parler du projet d’accord de libre-échange prévu entre l’Union européenne et les États-Unis : le TAFTA (Trans-Atlantic Free Trade Agreement) ? Pas sûr, car les négociations, qui doivent aboutir d’ici fin 2014 à un vaste marché commun transatlantique, sont actuellement menées dans la plus grande discrétion…

Extraits de Europe – États-Unis : les enjeux de l’accord de libre-échange, de Danièle Favari (Yves Michel – avril 2014)

Outre l’épineuse question des OGM[1] auxquels la majorité (61 %) des Européens est opposée en raison de leur provenance [cultures intensives de l’agrobusiness américain], cet accord risque d’entraîner, de facto, la disparition des circuits courts, de l’agro-écologie, de l’agriculture paysanne ainsi que la relocalisation des échanges agricoles.

[image:2,s]Déjà, le Sénat a rejeté une proposition de loi visant à interdire la mise en culture du maïs génétiquement modifié (MON810), et le Ministre de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, a aussitôt pris un arrêté « pour interdire la semence avant les semis de printemps », eu égard à l’hostilité très forte de l’opinion publique. Un « coup d’épée dans l’eau » car la réglementation européenne est favorable aux OGM et les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS) de l’accord de libre-échange entraîneront la réduction des délais d’autorisation pour l’introduction du soja OGM sur le marché européen de l’alimentation humaine ou animale d’autant que l’objectif clairement affiché du puissant « farm bureau » est l’accroissement des flux commerciaux agricoles des États-Unis vers l’Europe. L’UE, qui a posé la conclusion des négociations multilatérales en haut des priorités de sa politique commerciale car elles constituent une de ses solutions les plus immédiates pour trouver des marges de croissance, avait d’ailleurs, par avance, fait sa réforme de la politique agricole commune (PAC).

Les règles qui favorisent les sociétés étatsuniennes deviendront la norme consacrant ainsi le gouvernement des multinationales sur l’Europe car le Traité répond aux seuls intérêts américains. Il verra ainsi la fin du modèle européen social, économique, industriel, culturel et environnemental et celle des droits des citoyens, des préférences collectives [fruit de l’histoire, des valeurs et de la culture de la collectivité] et communautaires et des libertés des consommateurs car il constitue une atteinte sans précédent aux principes démocratiques fondamentaux, s’inscrivant dans la doctrine néolibérale qui accroît les inégalités, fait régresser le tissu social et pille les ressources naturelles.

Selon la Commission européenne elle-même[2] « des secteurs comme les producteurs de viande, d’engrais, de bioéthanol et de sucre » seront menacés par « les avantages compétitifs de l’industrie étatsunienne vis-à-vis de ses homologues européens avec des conséquences négatives pour l’industrie européenne » alors que d’autres secteurs marchands tels que celui de l’automobile, des transports aériens et maritimes, des machines, des produits chimiques et pharmaceutiques, des aliments transformés et les boissons, de l’industrie, des services professionnels, des produits métalliques et textiles, ainsi que de nombreux autres acteurs de biens et services devraient, eux, bénéficier d’un impact positif.

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Danièle Favari est juriste de l’environnement et du droit européen de l’environnement. Elle est auteur de Les vrais dangers du gaz de schiste (éditions Sang de la Terre) et de nombreux articles dans les pure-players comme Le Huffington Post, Slate.fr, Terraeco. Membre expert de la « fabrique écologique », elle se consacre entièrement à la défense de l’environnement et des libertés individuelles.

[1] Selon la Commission européenne, « les négociations ne modifieront en rien l’évaluation de l’innocuité des OGM réalisée par l’EFSA avant leur mise sur le marché, ni les procédures de gestion des risques » tout comme « les actes législatifs de base, comme ceux qui concernent les OGM ou ceux qui visent à protéger la vie et la santé humaines, la santé et le bien-être animaux ou l’environnement et les intérêts des consommateurs, ne feront pas partie des négociations ».

[2] European Commission (2013) Impact Assessment Report onthe future of EU-US trade relations, p. 37-38. 

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