Site icon La Revue Internationale

Luchini incarne le désir flaubertien dans «Gemma Bovery»

[image:1,l]

Gemma Arterton (Quantum of Solace), Jason Flemyng (Arnaques, Crimes et Botanique, La Ligue des Gentlemen extraordinaires) et Fabrice Luchini au casting. Sous la patte délicate d’Anne Fontaine, le jeu s’annonce subtil et drolatique. Un long métrage qui mêle humour anglais et comédie française, et qui adapte le récit méandreux – et émouvant – du roman source. 

Du Madame Bovary sans le texte ?

Parue en 2000, cette bande-dessinée – ou roman graphique dans le savant jargon des critiques actuels – s’inspire très directement du roman phare de Gustave Flaubert, Madame Bovary.

On y retrouve le personnage erratique et cyclothymique d’Emma, ses incessantes questions, ses tourments dans son couple, son désir dévorant pour l’adultère, et son tourbillon de problèmes financiers. Les noms sont voisins (Charlie et Gemma Bovery répondent aux Charles et Emma Bovary originaux), le lieu également, puisque le roman met en scène ce couple d’Anglais s’installant en Normandie. Rapidement, le boulanger local, grand admirateur et connaisseur de Flaubert, s’étonne et s’amuse des similitudes entre les deux nouveaux-venus et les héros du roman.

Amoureux de la jeune femme, l’intello-pétrisseur tente d’enrayer le cours de son histoire, qui suit la déchéance progressive et fatidique d’Emma Bovary.

Une héroïne modernisée et relookée

La principale différence avec le roman original de Flaubert réside dans l’époque. Gemma Bovery est transposée dans le monde actuel, et se retrouve en proie aux questionnements de la société d’aujourd’hui : problèmes de couples, minceur, apparence, ambition professionnelle… Le tout sur fond d’une délicieuse rivalité franco-anglaise qui s’amuse des clichés respectifs des uns sur les autres.

La bande-dessinée croque avec finesse les déboires de la société anglaise importée en France, à travers cette héroïne, déjà intemporelle au 19ème siècle sous la plume magnifique du romancier français. Posy Simmonds y décortique une sociologie tourmentée, entre fantasmes psychologiques et obsessions dramatiques.

Luchini, comme une évidence

Anne Fontaine n’a pas dû hésiter longtemps à l’heure du choix de ses acteurs. Un nom s’impose désormais comme une évidence lorsqu’il s’agit de faire vivre les répliques et personnages les plus célèbres de la littérature française. Pour jouer un rôle luchiniesque, qui de mieux que…Luchini ?

Dans un teaser sorti ce mercredi, l’acteur y dévoile le désir de son personnage pour Gemma, interprétée par l’ancienne James Bond girl de Quantum of Solace, Gemma Arterton, dans une amusante coïncidence homonymique.

Luchini s’attelle ainsi, avec Flaubert, à un autre monstre sacré de la littérature française, après La Fontaine ou Céline. Ces deux auteurs, il les magnifie, les sublime sur les planches par une diction unique, une verve habitée et une quasi-schizophrénie interprétative. Il n’a d’ailleurs jamais caché sa préférence pour le théâtre pour mettre en scène des chefs d’œuvre littéraires. «J’aime bien cette manière de ne pas aborder de front Madame Bovary. J’en lirai quelques extraits en voix off. Ça imprègne le film sans didactisme. Il ne faut pas mettre un chef-d’œuvre du roman au cinéma: parce que c’est déjà le cinéma. Mais actualisé et traité de biais, pourquoi pas?», confiait-il.

Une façon de remercier la littérature pour ce qu’elle lui a apporté ? Pas vraiment, selon l’acteur parisien : «C’est mon privilège. On m’offre des films où la littérature est présente. Là, je peux utiliser mon rapport organique à Flaubert. Mon personnage en est fou.» Il ne reste plus qu’à transmettre cette folie au spectateur. Pour ce faire, on peut avoir une confiance aveugle dans le porte-étendard actuel des belles lettres…

En salles le 10 septembre 2014.

Quitter la version mobile