Site icon La Revue Internationale

«Moi, Michel Ferrari, cerveau du casse d’UBS, vous dis tout»

[image:1,l]

Ce livre est l’histoire de Michel Ferrari, « petit » prof de tennis français de la région genevoise devenu, par le hasard des rencontres, trafiquant de devises dans les folles années 198, puis autant par défi que par appât du gain, le cerveau du casse de l’UBS…

Extrait de « J’ai réussi le casse du siècle », de Michel Ferrari ( l’Archipel – mai 2014)

La date a fait histoire. Le 25 mars 1990, à Genève, une bande de malfaiteurs s’enivrait de la récolte du plus gros magot jamais volé à une banque européenne. Avec la clé de la fortune s’ouvraient pour eux les portes de la vie. Ils allaient jouir de cette formidable force créatrice qui rallie, produit, libère, soulage, corrompt. Ils allaient trôner au-dessus de l’arène au fond de laquelle se courbe le monde… et dans laquelle je suis resté les baskets dans la poussière, moi, Michel Ferrari, initiateur de ce tapage doré.

Au terme de ce que la presse suisse et internationale a appelé « le casse du siècle », j’ai été présenté comme le « cerveau de l’opération ». Malheureusement, mes célèbres neurones ne m’ont pas aidé à choisir mes complices, puisqu’ils sont partis avec le magot sans me laisser un centime…

Le butin dérobé ? 31 millions de francs suisses, plus de 25 millions d’euros. Une coquette somme : plus de deux cent vingt kilos de billets. Le plus gros vol en espèces jamais réalisé dans une banque européenne au XXe siècle. Je parle ici d’argent « véritablement volé », c’est-à-dire non retrouvé par la police.

L’affaire a surtout fait scandale parce que nous avions attaqué un véritable molosse de la finance mondiale, la plus grande banque du pays, à savoir l’Union de banques suisses.

Et, non, je n’ai jamais eu honte de cet extraordinaire pactole. J’avais mes rêves, et le système avait ses torts… ce qui ne m’empêche pas de reconnaître mes responsabilités. Le Code civil s’applique à tout un chacun en fonction de ses actes. Il se moque bien des motivations ou des intentions, cela ne me choque pas.

[image:2,s] Mais des antécédents comme les miens vous reviennent toujours à la figure. Au mois de mai 2004, deux journalistes français, Jacques Follorou et Vincent Nouzille, publient Les Parrains corses. Leur histoire, leurs réseaux, leurs protections[1]. Par curiosité, j’achète le livre. En le parcourant, je trouve un lexique. Quel choc ! À la lettre F, je découvre mon nom écrit en toutes lettres, alors que je n’ai jamais eu, avant cette affaire, de véritables relations avec le milieu corse…

Qu’y faire ? Le passé peut resurgir à tout moment. Et, avec lui, la sourde fermentation de mes souvenirs se ravive. Tout me revient : le coup, l’arrestation, la prison, les parloirs, les humiliations. Et ma haine pour les personnes qui m’ont trahi : les Corses. Ces vulgaires voleurs de bagnoles sans un gros coup à leur actif, sauf le mien. Ceux-là mêmes avec qui je devais partager la moitié du butin, ma part s’élevant à 15 millions de francs suisses (soit 12 millions d’euros). Ces malhonnêtes dans la malhonnêteté.

Bien sûr, même s’ils m’avaient donné ma part de magot, j’aurais pu me faire arrêter. Mais la prison quand des millions vous attendent n’a pas le même goût ! Vos angoisses quant à l’avenir disparaissent. Vous sentez déjà l’air de la liberté, cet air duquel ils m’ont privé pendant des années. Par instants, j’ai rêvé de les croiser, et de les charger devant la justice… Mais, finalement, j’ai décidé, pour me venger, de laisser faire la « loi du milieu », autrement plus expéditive. La preuve : deux jours après son acquittement dans le « casse du siècle », le Corse Alexandre Chenevière a été surpris dans un guet-apens à Mimet, dans les Bouches-du-Rhône.

Il se rendait au domicile de l’un de ses enfants. Une dizaine de balles de 9 mm ont été tirées par une ou plusieurs personnes dissimulées dans des fourrés autour de la maison. Grièvement blessé, touché de quatre balles dont une à la tête, il a été hospitalisé dans un hôpital au nord de Marseille. Difficile de savoir comment il se porte aujourd’hui. Mais quelque chose me dit que, s’il est encore en vie, il ne doit plus vouloir beaucoup parler…

Pour ma part, je n’ai plus rien à perdre ou à gagner dans cette histoire. Le pognon est parti sur « Oubliland », et je ne le reverrai jamais. Pratiquement toutes les personnes sont mortes ou innocentées par la justic


[1] Éditions Fayard.

Quitter la version mobile