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Nadia Khiari: «Dessiner est une responsabilité»

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Nadia Khiari, enseignante aux Beaux-Arts, a créé le chat Willis from Tunis le 13 janvier 2011, après le dernier discours de Ben Ali, dans lequel il promettait au peuple tunisien la liberté d’expression. Depuis, la dessinatrice tunisienne qui ne se « pose aucune limite » dans ses dessins, diffuse son travail sur Facebook.

Elle est actuellement à l’affiche du documentaire « Caricaturistes, fantassins de la démocratie », réalisé par Stéphanie Valloatto, et produit par Radu Mihailean (« Le Concert ») au côté de Plantu, Michel Kichka, Mikhail Zlatkovsky, Lassane Zohoré mais aussi Kurt Westergaard.

JOL Press : Quel est le rôle du dessinateur de presse selon vous ?
 

Nadia Khiari: Je ne me sens pas vraiment investie d’une mission divine ou politique. Je dessine parce que j’ai besoin d’expulser mes angoisses. Après, j’ai besoin de partager avec les autres, mes impressions et si possible de les faire sourire sur des choses sérieuses. Je me sens comme une citoyenne qui s’exprime par le biais du dessin satirique, qui exerce son droit à la liberté d’expression.

Je ne me sens pas non plus en première ligne des pressions. J’ai régulièrement des commentaires acerbes, des messages désagréables ou des insultes… Mais rien de bien méchants, juste l’expression de la frustration, de l’amertume…je conçois très bien que mon travail puisse ne pas plaire mais personne n’est obligé de venir sur ma page après tout. Et puis, lorsque je vois les pressions exercées par le pouvoir au Venezuela sur ma collègue Rayma, je me considère comme épargnée.

Bande-annonce du documentaire « Caricaturistes, fantassins de la démocratie » :

JOL Press: Qu’est-ce qui fait la force d’une caricature?
 

Nadia Khiari: C’est l’impact immédiat de la compréhension du message : mais il faut plusieurs niveaux de lecture. Il y a l’humour mais ce n est pas indispensable. La première lecture du message et ensuite, le second degré, le petit plus qui va faire réfléchir, qui va ouvrir vers des questionnements. Un dessin avec un seul message est trop proche de la propagande abrupte, ce n est pas intéressant. 

J’aime beaucoup aussi quand dans un seul dessin, on arrive à se faire télescoper plusieurs actualités pour accentuer l’absurdité des deux infos et Jouer avec le non sens de notre quotidien.
 
JOL Press: Peut-on tout dessiner ?
 
 
Nadia Khiari: Oui. Mais dessiner est une responsabilité. Je ne ferais jamais de dessin qui inciterait à la haine, au meurtre, au racisme, au machisme, à l’homophobie, à la xénophobie… Dessiner pour condamner la pédophilie, même si c’est un dessin très violent, sera toujours moins insoutenable et malsain que la pédophilie elle-même…
 
JOL Press: Un dessin qui vous a particulièrement marqué ?
 
 
Nadia Khiari:  Je pourrais vous en citer des dizaines. Mais lorsque vous m’avez posé la question, j’ai immédiatement pensé à un strip de Quino. ce n’est pas vraiment un dessin de presse mais je le trouve génial : la petite Mafalda lisant dans le dictionnaire la définition de « démocratie » – le pouvoir au peuple, en gros – et qui passe le reste des trois autres cases à être morte de rire.
J’ai beaucoup ri aussi en lisant ce strip, beaucoup… Mais un rire franc qui se transforme au fur et à mesure en rire désabusé.

Extrait du documentaire avec la dessinatrice Nadia Khiari:

 

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