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NBA: La saga Sterling touche à sa fin

Après un long mois de tractations, d’indignation et de flottement, l’affaire Donald Sterling semble sur le point d’être classée. L’ancien PDG de Microsoft Steve Ballmer est sur les rangs pour racheter la franchise des Los Angeles Clippers, désormais sous la responsabilité de Shelly Sterling, épouse de Donald. Chronologie d’une saga qui a fait beaucoup de mal à la NBA et à la communauté afro-américaine.

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Le Staples Center, jardin des LA Clippers, aura connu le meilleur puis le pire au terme de la saison la plus mémorable de la franchise. (shutterstock.com)

Les Los Angeles Clippers de Blake Griffin viennent de réaliser la meilleure saison de leur histoire. Dominateurs de la division pacifique, ils finissent troisièmes de la conférence Ouest, loin, très loin devant de leurs illustres voisins, les Lakers. Tous les voyants étaient donc au vert au moment d’entamer la « postseason ».

Un enregistrement qui déclenche l’ouragan

Dans la matinée du 25 avril, en plein milieu de la série qui oppose les Clippers de Los Angeles aux Warriors de Golden State, un enregistrement audio parcoure la Toile à la vitesse de l’éclair. On y entend le propriétaire de la franchise californienne en pleine dispute avec sa jeune petite amie V. Stiviano. Entre crise de jalousie et morale culpabilisatrice, l’octogénaire tient un discours résolument raciste, tentant d’expliquer à Stiviano qu’elle ne doit pas se montrer en public avec des personnes de couleur.

A l’origine de la querelle, une photo publiée par la jeune femme sur Instagram qui la montre aux côtés de Magic Johnson, légende du basket américain et fier représentant de la communauté afro-américaine. Au fil de l’enregistrement, on se rend compte que Stiviano relance systématiquement le propriétaire des Clippers pour le faire déraper. Peu surprenant quand on sait que c’est elle qui a par la suite vendu la conversation au site TMZ. Pas suffisant pour crier à la théorie du complot tant les propos de Sterling dérangent et choquent l’Association, où la communauté afro-américaine représente une écrasante majorité parmi les joueurs.

Il est pourtant difficile d’être surpris par ce dérapage. Entre 2006 et 2009, Donald Sterling a déboursé pas moins de 7,6 millions de dollars en frais d’avocats et règlement de plaintes, toutes reliées à des accusations de racisme. Le propriétaire est donc parvenu à étouffer les polémiques à coups de gros chèques. Cependant, sa fortune ne lui permettra pas d’esquiver le tollé médiatique dont il est victime et responsable.

La descente aux enfers

Le 30 avril dernier, Adam Silver, commissionnaire de la NBA, annonce que les mesures prises à l’encontre de Donald Sterling seront drastiques. Sterling devra s’acquitter d’une amende de 2,5 millions de dollars et écope d’une suspension à vie. Une mesure exceptionnelle saluée unanimement par le monde du basket, et par l’Amérique toute entière. LeBron James, quadruple MVP, se dit « fier du nouveau commissionnaire » tandis que Magic Johnson, directement concerné par les propos de Sterling, est « soulagé par la prise de position de la NBA, dont chaque joueur est attristé par cette affaire ».

Les messages et actes de soutien se sont par la suite multiplié au sein de la Ligue. Pendant la série Houston-Portland, les joueurs ont tous porté des chaussettes noires pendant que l’équipe entière du Miami Heat procédait à un « silence protest », portant leurs pulls d’avant match à l’envers et n’effectuant aucune célébration d’entrée. Magic Johnson annonce qu’il boycottera chaque match des Clippers jusqu’au départ de leur propriétaire. Doc Rivers, coach de la franchise californienne, transmet une lettre ouverte aux fans : « la meilleure réponse est de continuer de gagner, ne pas oublier que nous sommes une équipe avant tout ». Les Clippers s’imposeront en 7 matchs face aux Warriors, au terme d’une série mémorable d’intensité et d’émotions.

Comme nous l’écrivions plus haut dans l’article, le contexte de cette polémique est relativement vaseux. C’est également l’avis de Kareem-Abdul Jabbar, ancien Laker et meilleur marqueur de l’histoire de la NBA. Dans une colonne publiée sur le site du Time,  il fustige l’hypocrisie générale, soulignant que le racisme de Sterling est de notoriété publique depuis 2006. Abdul-Jabbar trouve également l’attitude de l’ex petite-amie de Sterling affligeante puisqu’elle a donné son bienfaiteur en pâture aux médias sans aucun scrupule : «le procédé derrière la diffusion de cette cassette est tellement sordide que je me sens complice du crime rien qu’en l’écoutant ». Mais il est clair pour le sextuple champion NBA que Sterling n’est pas défendable, et qu’il fait partie de ces gens « qui sont plus riches qu’intelligents ».

La transition Steve Ballmer

Donald Sterling a eu une seule opportunité de se racheter, de redorer son blason. 20 jours après la publication de l’enregistrement, Sterling recevait le journaliste de CNN Anderson Cooper pour revenir en détails sur l’affaire. Et si l’entretien commence sous les meilleurs hospices, l’intéressé va rapidement retomber dans ses travers. Invité à réagir sur Magic Johnson, Donald Sterling va digresser et s’en prendre personnellement à l’ancien basketteur : « Magic n’est pas légitime dans cette affaire. On parle d’un homme qui a traversé les Etats-Unis et couché avec toutes les femmes du pays, et il a attrapé le Sida. Veut-on vraiment ce genre d’exemple pour nos enfants ? ».

Sans jamais vraiment demander pardon, l’homme d’affaires prévient qu’il saisira la justice si jamais la ligue lui retire totalement sa franchise des Clippers. Du côté des joueurs, l’attitude provocatrice de Sterling confirme tous les préjugés des dernières semaines. Kenny Smith, expert NBA pour la chaîne TNT, souligne également que Sterling a attendu une vingtaine de jours pour s’exprimer et pour faire part de sa culpabilité, ce qui selon lui nuit à la crédibilité de son léger mea culpa.

Le Sterling Gate devra donc réserver encore quelques rebondissements. Une situation dont toute la NBA, et son jeune commissionnaire Adam Silver en tête, se passerait volontiers. L’institution américaine n’a en effet pas cessé de progresser en termes d’intégration et de tolérance, à l’image du coming out de Jason Collins en mars dernier. Le milliardaire Steve Ballmer pourrait clore ce scandale en rachetant la franchise californienne, estimée à 1,8 milliards de dollars. Et si la transaction n’aboutissait pas, Floyd « Money » Mayweather est sur les rangs…

 

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