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Pourquoi Cambadélis rejette le modèle d’assimilation français

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L’extrême droite peut-elle accéder demain au pouvoir ? C’est la question posée par Jean-Christophe Cambadélis, dans L’Europe sous la menace national-populiste, un essai qui se veut moins pessimiste que réaliste.

Extraits de L’Europe sous la menace national-populiste, de Jean-Christophe Cambadélis (Archipel – 30 avril 2014)

Tout le problème est là : l’identité fige dans le passé et induit, d’emblée, un discriminant. Bien souvent fantasmée, c’est une ligne de démarcation : en être ou ne pas en être ! C’est ainsi qu’au cours d’une émission matinale sur RMC/BFM TV, Jean-Jacques Bourdin, qui aime se faire le portevoix des « sans voix », a donné la parole à une militante du Front national qui, interpellant l’invitée Najat Vallaud-Belkacem, a renvoyé la ministre à ses origines marocaines, seule explication possible des positions de la ministre sur la famille, voire sur la « théorie du genre » (…)

Depuis l’effondrement de l’idéologie marxiste et de l’idéologie progressiste, l’identité, concept flou, se présente comme un référent dur. Alain Finkielkraut parle d’une « identité nécessaire » à l’intégration et, sur les plateaux de télévision, apostrophe en ces termes le ministre de l’Intérieur, Manuel Valls : « On s’intègre à quelque chose qui existe, qui est défi ni, qui a des contours. » La France serait donc immuable et défi nie une fois pour toutes ? On ne peut pourtant pas se baigner deux fois dans le même fleuve. Stefan Zweig dit que nous ne reverrons plus « le monde d’hier ». La France est toujours la même sans jamais être totalement elle-même. Elle n’est plus monarchiste, faut-il s’en plaindre ? Elle n’est plus bonapartiste, faut-il la ressusciter ? Elle n’est plus pétainiste, faut-il l’oublier ? Elle n’est plus coloniale, faut-il la rejeter ? Elle n’est plus gaulliste, faut-il y revenir ? La prendre comme un bloc, c’est la dépolitiser et donc en faire un musée.

[image:2,s]Or que demandons-nous à « l’indigène » ? S’intégrer ou partir ! « La France, on l’aime ou on la quitte », clame le Front national. S’il s’agit de respecter un ensemble de lois et de principes républicains, le contrat est rempli. On ne saurait stigmatiser la majorité des musulmans au nom d’une minorité qui conteste l’ordre occidental avec moins de force que les communards contestaient l’ordre établi ou les soixante-huitards le général de Gaulle.

Le problème du « Assimile-toi ! », c’est qu’il requiert une délimitation qui construit fantasmagoriquement le communautarisme. Je suis triste de lire sous la plume d’Alain Finkielkraut : « Dans une Europe qui n’a plus les moyens de maîtriser les flux migratoires et qui est devenue […] un continent d’immigration malgré lui, la France a changé, la vie a changé, le changement lui-même a changé[1]. » Et notre philosophe d’ajouter : « Pour la première fois dans l’histoire de l’immigration, l’accueilli refuse l’accueillant, quelle que soit la faculté d’incarner le pays d’accueil[2]. » Quelle erreur ! Quelle méconnaissance ! La contestation n’est pas du côté de l’immigré, trop heureux d’être accueilli. Où a-t-on vu des manifestations d’immigrés clandestins hostiles à la France ? Si protestation il y a, c’est du côté des Français issus de l’immigration mécontents d’être discriminés.

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Jean-Christophe Cambadélis est Premier secrétaire du Parti Socialiste, Député de Paris, premier vice-président du Parti socialiste européen et directeur de campagne du PS pour les élections européennes. Champion du « harcèlement démocratique » contre le Front national (La France blafarde, Plon, 1998), il est l’auteur d’ouvrages tels que L’Étrange Échec (Plon, 2002), Le Génie du socialisme (Plon, 2008) et La Troisième Gauche (Éditions du Moment, 2012).

[1] Alain Finkielkraut, L’Identité malheureuse, Stock, 2013.

[2] Ibid.

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