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Retour médiatique de DSK, en attendant son retour politique?

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Dominique Strauss-Kahn, s’exprime dans l’émission « Le roman de l’euro », présenté par David Pujadas (shutterstock.com)

Trois ans après le déclenchement de l’affaire du Sofitel, Dominique Strauss-Kahn effectue son retour médiatique dans le cadre d’un documentaire sur l’euro. En attendant son retour politique ?

JOL Press : Dominique Strauss-Kahn s’exprime au cours d’une interview exclusive ce jeudi soir dans le cadre d’une émission sur l’euro présentée par David Pujadas. Cela vous surprend-il ?

Michel Taubmann : Non absolument pas. La présence de Dominique Strauss-Kahn est tout à fait légitime : il a été l’un des artisans de la mise en œuvre de l’euro en tant que ministre des Finances sous Lionel Jospin de 1997 à 1999 et a été ensuite directeur du FMI de 2007 à 2011, sa légitimité est donc indiscutable.

JOL Press : Comment DSK a-t-il préparé l’arrivée de l’euro ?

Michel Taubmann : Il n’est pas le seul à avoir préparé l’arrivée de l’euro mais il était ministre des Finances dans les années qui ont précédé la création de la monnaie unique. Quand l’équipe de Lionel Jospin arrive au pouvoir en 1997, c’est à la suite d’élections législatives anticipées qui ont été décidées par le président de la République Jacques Chirac, sur le conseil de son directeur de cabinet Dominique de Villepin parce que la France était dans une situation extrêmement embarrassante sur le plan économique. Le chef de l’Etat et son Premier ministre Alain Juppé ne pensaient pas pouvoir réduire le déficit qui était de 3,7% et qui devait passer sous la barre des 3% pour que la France puisse accéder à l’euro.

[image:2,s]Quand Dominique Strauss-Kahn prend la tête du ministère des Finances, on pense que la France ne pourra pas réduire, avant le 1er janvier 1998, le déficit à 3%. Mais la politique que va mener DSK va permettre de redresser la barre et de qualifier la France pour l’euro : il va mettre en place des mesures de rigueur économique mais aussi des mesures sociales. C’est là toute l’habileté et le talent de Dominique Strauss-Kahn : c’est un grand économiste mais un aussi un grand pragmatique.

Il réussit notamment le tour de force de faire accepter par les chefs d’entreprises une augmentation importante de l’impôt sur les sociétés, en leur expliquant que cette augmentation aura disparu en trois ans et qu’elle est indispensable à la qualification pour l’euro. En parallèle, il fait baisser la TVA sur un certain nombre de services, ce qui est plutôt une mesure de gauche.

JOL Press : Comment, par la suite, a-t-il géré la crise de l’euro quand il était à la tête du FMI ?

Michel Taubmann : A la tête du FMI, il a eu à faire face à la crise mondiale de 2008 et il a été de ceux qui ont permis de « limiter la casse ». On prévoyait une crise de l’ampleur de 1929 et la crise a été finalement limitée. Quand les Européens se sont retrouvés dans une situation extrêmement difficile, notamment la Grèce, le Portugal et l’Irlande, il a été à l’initiative de mesures qui ont permis à ces pays d’être secourus. DSK a été critique vis-à-vis de la politique menée par Angela Merkel et Nicolas Sarkozy. Dominique Strauss-Kahn proposait qu’on mutualise la dette grecque, considérant qu’il valait mieux éviter cette catastrophe économique, sociale et politique plutôt que de la laisser traîner.

JOL Press : Comment définir strausskahnisme économique ?

Michel Taubmann : Contrairement à ce que l’on peut penser Dominique Strauss-Kahn n’est pas un adepte des politiques d’austérité et par certains aspects il est plus à gauche que François Hollande sur le plan économique. Il est keynésien, ce n’est pas un libéral mais il est partisan de l’économie de marché. Il n’est fâché ni avec l’argent, ni avec les patrons et en même temps il est partisan de la régulation. Il faut, selon lui, des politiques rigoureuses, mais les politiques d’austérité imposées actuellement sont trop dures et ne permettent pas la relance par la consommation.

JOL Press : Trois ans après l’affaire du Sofitel, pensez-vous qu’il souhaite pouvoir revenir sur la scène nationale, soit en tant qu’expert économique, soit dans la vie politique ?

Michel Taubmann : Dominique Strauss-Kahn a pris la mesure, après l’affaire du Sofitel, de ce qui lui était arrivé, il a compris que sa carrière politique était terminée et qu’il devait se reconstruire dans un autre domaine. Il n’a dès lors pas cherché à se représenter à Sarcelles comme maire ou comme député, il s’est lancé le défi de réussir ailleurs. En juillet 2012, il m’a confié : « Tu vas voir, dans deux trois ans, je leur montrerais de quoi je suis capable ». Et il a en effet réussi sur un terrain où on ne l’attendait pas. Nous ne sommes pas habitués à voir des hommes politiques français réussir ailleurs que dans la sphère politique, mais lui y est arrivé.

Par ailleurs, Dominique Strauss-Kahn est passionné par l’économie mondiale. Ce qu’il fait en ce moment le passionne davantage que la politique nationale. Actuellement, il continue ce qu’il faisait au FMI mais en tant que consultant privé, un jour en Serbie, un jour en Tunisie, un jour en Russie… D’une certaine manière, je pense qu’il est plus heureux aujourd’hui qu’il ne l’était auparavant. Son intervention sur France 2 n’est pas une amorce d’un retour en politique mais plutôt l’amorce de la reconquête d’une parole et d’une visibilité. 

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

Michel Taubmann, journaliste, a dirigé le bureau parisien de l’information d’Arte. Il est aujourd’hui rédacteur en chef de la chaîne de télévision internationale i24News. Auteur de plusieurs livres d’investigation, il venait de publier une biographie de DSK lorsqu’a éclaté l’affaire sur laquelle, depuis 2011, il n’a cessé d’enquêter.

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