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Taxe sur les transactions financières: attention, à éviter en période de crise

Les débats qui ont lieu autour de la taxe sur les transactions financières semblent appartenir à un autre monde, éloigné des préoccupations du quidam. En réalité, la taxe n’est pas l’affaire que des banques et des fonds spéculatifs. Elle n’agit pas uniquement dans la zone très circonscrite des marchés financiers où font joujou les experts et les ingénieurs financiers. Entreprises et épargnants seront les premiers concernés puisqu’ils supporteront 90 % de la taxe, selon une étude de la firme de conseil en stratégie Oliver Wyman.

Certes, la taxe sur les transactions financières (TTF) s’applique en premier lieu aux instruments financiers échangés sur les marchés, mais ses effets perfusent bien au-delà, dans ce qu’on a coutume d’appeler l’économie réelle. Et à bien y regarder, les intermédiaires financiers ne seront  finalement que très peu égratignés par la TTFE. Celle-ci aurait même systématiquement tendance à se répercuter sur leurs clients, les entreprises, autrement dit celles grâce auxquelles le quidam peut avoir un travail, et les épargnants, autrement dit, nous tous.

À l’origine, la TTF a été imaginée par James Tobin en 1972 pour limiter la volatilité sur le marché des devises. Attac a ensuite émis l’idée de l’appliquer à l’ensemble des transactions financières, pour limiter les transactions purement spéculatives. James Tobin précisait bien cependant qu’il s’agissait « d’une taxe internationale uniforme convenue, administrée par chaque gouvernement sur sa propre compétence ». C’est là que le bât blesse.

En quoi consiste-t-elle exactement?

À cette heure, seuls 11 pays de l’Union européenne se sont mis d’accord sur un système commun de taxation à définir. La France en fait partie et a déjà d’ailleurs fait entrer en vigueur une taxe sur les transactions financières sur son territoire en 2012. Quoi qu’il en soit, on a connu plus international. Si le contenu de la TTFE est déjà plus ou moins défini, il demeure quelques détails à peaufiner. Si tout se passe bien, ils seront connus avant les élections européennes fin mai, ont fait savoir le ministre des Finances français Michel Sapin et son homologue allemand après le dernier rassemblement des ministres européens des Finances signataires de la taxe, qui a eu lieu le 7 avril 2014.

Pour le moment, ce que l’on sait, c’est que cet impôt s’appliquera aux transactions sur actions et produits dérivés : les actions seront prélevées à 0,1 % minimum tandis que les dérivés le seront à hauteur de 0,01 % minimum. Reste à déterminer si institutions financières qui devront s’en acquitter le feront seulement selon un principe de résidence (la taxe est due si l’une des parties est établie dans un État membre participant) ou selon un principe d’émission (la taxe est due si l’instrument financier est émis dans l’un des 11 États membres).

Au premier abord, voilà des négociations bien techniques dont on ne voit pas bien en quoi elles pourraient affecter l’économie des 11 pays impliqués, dont la France. Et pourtant, le lien est vite établi : en voyant augmenter le coût des transactions au sein de la zone européenne, les acteurs financiers auront vite fait de contourner le principe de résidence en les délocalisant dans des régions plus favorables ou encore en les remplaçant par des produits alternatifs équivalents non taxés.

Qui va payer ?

Une chose est sûre, ce ne seront pas les traders qui paieront. Cette mesure va réduire d’emblée la liquidité des marchés ce qui constituera un vrai handicap pour les entreprises. Elles comptent en effet sur ces marchés pour financer leurs différentes échéances et leurs investissements, autrement dit les dépenses nécessaires à leur activité. De facto, c’est leur compétitivité sur le plus long terme qui est menacée.

C’est aussi une très mauvaise nouvelle pour les épargnants, qui verront également la rentabilité de leurs produits d’épargne affectée. Les assureurs, les fonds de pension et les banques vont répercuter cette hausse sur les placements de leurs clients, étant entendu qu’ils ne réduiront pas leurs propres marges.

C’est ce qui s’est déjà passé en France, mais également en Suède ou encore au Japon. Et l’on voit mal pourquoi ce serait différent à l’échelle européenne. À titre d’exemple, selon Tabb Group, la part en volume de la France sur le marché des actions est passée de 21 % avant l’entrée en vigueur de la taxe, à 12 % en juillet 2013. Et la Commission européenne s’est déjà livrée à quelques estimations. Elle s’attend à ce que les transactions des produits dérivés diminuent de 75 % tandis que celles sur les actions pourraient diminuer de 15 %.

Voilà qui prouve deux choses. La première, c’est que la taxe ne pénalisera pas les spéculateurs, capables de jouer sur ce qu’on appelle la portabilité de leurs actifs via des délocalisations ou sur des montages financiers complexes. La seconde, c’est qu’elle pénalisera bien plutôt les acteurs qu’il faut au contraire encourager dans un contexte de crise persistant, à savoir les entreprises et les épargnants.

Il semblerait, après un examen des études réalisées sur le sujet et de la mise en pratique dans le passé, que cette taxe soit tout sauf indiquée dans un contexte de crise. Spécifiquement quand son domaine d’application est limité à quelques pays.

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