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TEPA ISF: réduire son impôt sur la fortune et soutenir les TPE-PME

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L’article 16 de la loi TEPA du 21 août 2007 a créé une réduction d’impôt de solidarité sur la fortune en cas d’investissement dans les PME non cotées (shutterstock.com)

JOL Press : La France est-elle le seul pays à avoir une imposition sur la fortune ?
 

Olivier de Saint Chaffray : Seule la France affiche encore un impôt sur la fortune parmi les pays de l’Union européenne. La plupart des pays l’on supprimé ces dernières années : l’Autriche en 1994, l’Irlande, le Danemark et l’Allemagne en 1997, le Luxembourg et la Finlande en 2006, la Suède en 2007, l’Espagne, en 2008 et la Grèce, en 2009. En Europe, le Liechtenstein, la Norvège et certains cantons Suisses disposent encore d’un impôt sur le patrimoine. Des réformes de la fiscalité du patrimoine ont été mise en place un peu partout mais la France fait figure d’exception dans le domaine.

JOL Press : Comment se justifie cet impôt en France ?
 

Olivier de Saint Chaffray : On parle d’impôt de solidarité, il s’agit donc de faire peser sur ceux qui ont une capacité contributive un effort de solidarité. C’est avant tout une mesure politique – l’« impôt sur les grandes fortunes » (IGF) créé en 1982, avait été supprimé en 1987 à l’initiative du gouvernement Jacques Chirac, puis relancé en 1989 par les socialistes – qui fait partie du programme de la gauche, le capital n’échappant pas à l’imposition. C’est vrai des revenus du travail et des revenus du capital, c’est vrai aussi du capital lui-même : on assujetti ceux qui ont une capacité contributive à un impôt qui est corrélé à leur état de fortune.

JOL Press : Est-ce un impôt efficace en termes de redistribution des richesses ?
 

Olivier de Saint Chaffray : Il est difficile de répondre à cette question. Ce que l’on sait, c’est que l’ISF n’est pas impôt qui rapporte beaucoup. Cet impôt n’est pas très rentable, l’efficacité en termes de redistribution n’est donc pas évidente. Ceux qui souhaitent l’abolir argumentent justement sur sa faible rentabilité : établir cet impôt, le recouvrer, contrôler coûte très cher et on sait que le rendement est faible. Payé par près de 600 000 personnes, il rapporte 4,5 milliards d’euros au budget. Par ailleurs, en termes d’efficacité, il faut souligner que cet impôt fait fuir beaucoup de monde. C’est un impôt compliqué, très technique. Si on dit qu’un impôt efficace est un impôt simple, facile à établir, à recouvrer et à contrôler, force est de constater que l’ISF n’est pas un impôt efficace.

JOL Press : Quelles modifications la loi du 21 août 2007, dite TEPA, a-t-elle introduites ?
 

Olivier de Saint Chaffray : La Loi TEPA a donné la possibilité de réduire son ISF grâce notamment à la souscription au capital de PME : une réduction de 75 % d’ISF dans la limite de 50 000 euros pour les contribuables qui investissent dans des PME non cotées ; depuis le 3 août 2011, suite à la première loi de finances rectificative, la réduction est de 50 % et est plafonnée à 45 000 euros. L’idée était d’orienter l’épargne vers la capitalisation des entreprises – ce qui n’est pas une mauvaise idée – on a donc proposé aux contribuables qui souscrivaient au capital initial ou à des augmentations de capital dans des sociétés qui répondent à la définition de PME d’accéder à une réduction d’impôts. Je pense que tout ce qui a pour objet de drainer de l’épargne privée vers les fonds propres des entreprises est souhaitable et en particulier vers les PME puisque, dans notre tissu économique, c’est là que sont les gisements d’emplois.

Cette mesure est marquée de l’empreinte de Nicolas Sarkozy, pour beaucoup elle est donc assimilée à un cadeau fait aux riches, mais ce n’est pas du tout le cas. Certains petits entrepreneurs vont souscrire au capital de leur entreprise, ils vont injecter une partie de leurs liquidités propres dans leur entreprise. Ils le feront de plus en plus facilement que cela donnera lieu à un petit coup de pouce fiscal. Ce coup de pouce fiscal est le corollaire de la prise de risque, car on peut ne pas avoir de rémunération et on peut aussi tout perdre.

JOL Press : Quelles sont les conditions d’application du dispositif pour le souscripteur ?

Olivier de Saint Chaffray : Il doit investir dans une véritable entreprise et s’engager à conserver pendant cinq ans. Cinq ans, c’est un vrai risque entrepreneurial dans la durée : vous savez combien vous investissez et vous acceptez de prendre un risque économique. Il s’agit d’une réduction immédiate corrélée ou subordonnée à un engagement à long terme de partager un risque d’entreprise. Mais cette réduction est susceptible d’être remise en cause si les conditions ne sont pas satisfaites durablement. 

JOL Press : Quelles sont les conditions d’application du dispositif pour les entreprises ?
 

Olivier de Saint Chaffray : La société, parce qu’elle exerce une véritable activité d’entreprise, doit en échange prendre un risque aussi, employer du personnel, développer un business  et rechercher une rentabilité. Pour financer ces emplois et financer son activité, elle va devoir développer un métier. On ne peut pas se contenter d’investir dans des structures passives, il faut que derrière cet investissement il y ait la réalité d’une activité économique. L’objectif de ce dispositif est donc d’apporter de l’argent frais à un tissu de PME qui est la partie prometteuse de notre tissu économique, c’est là que se créent les emplois.

Le législateur a imposé des conditions d’embauche, d’effectifs salariés minimales. L’entreprise va donc avoir l’obligation de fonctionner comme une véritable entreprise, c’est-à-dire de payer les salaires, pour payer ces salaires d’avoir une activité. On peut donc penser que derrière cet investissement, il y a la réalité de l’exercice d’un métier avec l’objectif spéculatif et capitalistique qui le guide et la recherche d’un profit. Au final, je trouve que c’est un assez bon échange de bons procédés.

Propos recueillis par Marine Tertrais pour JOL Press

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