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Traité transatlantique: passage obligé pour l’Union européenne?

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Les partis politiques profitent de la campagne des européennes pour mobiliser contre le grand marché transatlantique (shutterstock.com)

Vers toujours plus de libre-échange ? C’est l’objectif des négociations menées par les Etats-Unis et l’Union européenne actuellement. Egalement appelé Tafta (Transatlantic Free Trade Agreement), TTIP (Transatlantic Trade and Investment Partnership) ou PTCI (Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement), ce traité de libre-échange, s’il aboutit, créera la plus importante zone de libre-échange de l’Histoire, couvrant plus de 46 % du PIB mondial et même 51,3 % si elle s’étend également à l’ensemble des membres de l’Aléna (États-Unis, Canada et Mexique) et à ceux de l’AELE (UE, Islande, Liechtenstein et Norvège). Mais les oppositions à cet accord se font de plus en plus vives à quelques jours des élections européennes.

De quoi s’agit-il ?

L’accord de partenariat devrait prévoir un programme d’élimination des barrières non tarifaires sur les grands marchés d’ici 2015, par la voie d’une harmonisation progressive des réglementations et de la reconnaissance mutuelle des règles et normes en vigueur. La Commission européenne promet pour 2027 une augmentation de la croissance de 0,5%, soit un gain de production d’environ 120 milliards d’euros pour le PIB de toute la zone, la création en Europe de 400 000 emplois et 545 euros par ménage européen.

Cependant le contenu des négociations est tenu secret. Si les représentants des consultants des firmes multinationales ont accès aux documents préparatoires, les eurodéputés et le grand public n’a aucune information. Seul le mandat de négociation, donné à la Commission européenne, le 14 juin 2013, par les ministres européens du Commerce et le Parlement européen, a été rendu public, à la suite de fuites émanant de certains eurodéputés.

Les problèmes que pose ce traité 

Un grand nombre d’arguments sont opposé à la ratification de ce traité. Parmi eux le fait que de tels accords auraient des conséquences directes sur l’alimentation car ce traité, s’il aboutissait, renforcerait l’industrialisation du modèle agricole des Européens et l’américanisation de l’alimentation. « L’agenda américain dans la négociation est très clair : que nos assiettes se remplissent d’OGM, de viande issue d’animaux clonés, de bœuf aux hormones, de viande de volaille chlorée… » dénonce EELV dans un communiqué.

« Les légitimes protections face à ces produits pourraient disparaître, ce qui menace la santé des consommateurs mais aussi la viabilité de notre agriculture, déjà si affaiblie par l’ultra-libéralisme de Bruxelles », ajoute, de son côté Marine Le Pen. « Cela pourrait signifier à terme la fin de notre tradition agricole, constitutive de notre identité nationale ».

Les opposants au traité dénoncent, par ailleurs, les possibilités pour les entreprises d’attaquer les États. Ces accords permettraint, en effet, aux entreprises de poursuivre des États dont la politique entraverait leur activité commerciale, même s’il s’agit d’une politique de santé publique. « C’est la dépossession absolue de la souveraineté populaire », a déclaré Jean-Luc Mélenchon, qui estime que « dans 98% des cas, ces tribunaux tranchent en faveur des entreprises au détriment des Etats ». Philip Morris a, par exemple, profité d’un dispositif similaire contenu dans un accord bilatéral entre l’Australie et Hong-Kong pour attaquer, via sa filiale hong-kongaise, la politique australienne de lutte contre le tabagisme et demander des milliards d’indemnités.

Le protectionnisme comme alternative ?

Mais que proposent ces opposants ? Pour les écologistes, un protectionnisme européen est nécessaire. « Nous défendons l’établissement de mesures protectionnistes au niveau européen sur des critères environnementaux et sociaux depuis longtemps », explique EELV. Dans un sondage IFOP du 16 juin dernier, 80% des français seraient favorable à des mesures protectionnistes au niveau européen. Ils étaient 54% en 2004.

Laurent Wauquiez appelle lui aussi à un « protectionnisme européen » et regrette la « naïveté » avec laquelle l’Union européenne aborde la question des échanges internationaux, alors que les autres puissances « défendent fortement leurs intérêts ». Mais pas sûr que ses amis du Parti populaire européen (PPE) ainsi que Jean-Claude Juncker partagent son avis.

La gauche de la gauche promeut un protectionnisme original, « compagnon logique de la planification écologique et des échanges commerciaux internationaux sur la base de la coopération et de la complémentarité », dit-on au Front de Gauche.

Marine Le Pen défend, quant à elle, un protectionnisme national : « Notre pays doit maîtriser ses frontières, aussi bien sur le plan migratoire qu’économique », explique-t-elle. « Ce n’est que dans ces conditions, qui supposent la remise en cause en profondeur de l’Union européenne, que nous pourrons nous redresser ».

Un traité indispensable pour le maintien dans l’Union de la Grande-Bretagne

S’il est un pays qui pousse à toujours plus de libre-échange c’est bien la Grande-Bretagne. Attachée au libre-échange, elle compte sur le traité transatlantique pour défendre son maintien au sein l’Union. « En 2013, il y a eu des progrès, comme la baisse du budget européen, l’accélération d’un agenda com­mercial ambitieux après dix ans d’immobilisme, et le lancement des négociations de libre-échange avec les Etats-Unis avec l’accord TTIP », a expliqué le nouvel ambassadeur du Royaume-Uni auprès de l’Union européenne, Ivan Rogers.

« L’accord TTIP est très important à nos yeux, non seulement pour relancer la croissance économique, mais aussi car nous estimons que c’est l’opportunité de définir les ­futures règles du jeu du commerce international, tant que nous sommes encore deux puissances économiques de part et d’autre de l’Atlantique, avant que le curseur de la richesse mondiale ne se déplace plus nettement vers l’Asie », a expliqué de son côté un conseiller de David Cameron. L’Union pourra-t-elle donc échapper à un tel traité ? Rien n’est moins sûr…

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