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Vers la fin des antibiotiques: 20 ans d’espérance de vie en moins?

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Une révolution. C’est ainsi qu’était considérée la pénicilline, premier antibiotique, lorsqu’Alexander Fleming la découvrit en 1928. Pourtant, malgré le progrès fulgurant qu’elle généra dans les méthodes thérapeutiques, elle inquiétait déjà. Fleming, en recevant le Prix Nobel de médecine en 1940, tirait la sonnette d’alarme : « Il n’est pas difficile de de rendre les microbes résistants à la pénicilline […] en les exposant à des concentrations ne suffisant pas à les tuer ». « Si vous utilisez de la pénicilline, utilisez-en assez » concluait-il, laconique.

C’est bien là que le bât blesse. L’Organisation mondiale de la santé dénonce aujourd’hui un mauvais usage quasi quotidien des antibiotiques. «À moins que les nombreux acteurs concernés agissent d’urgence, de manière coordonnée, le monde s’achemine vers une ère post-antibiotiques, où des infections courantes et des blessures mineures qui ont été soignées depuis des décennies pourraient à nouveau tuer», affirme le Dr Keiji Fukuda, Sous-Directeur général de l’OMS pour la sécurité sanitaire. En cause, la posologie dans les traitements antibactériens et d’infections à germe. Une responsabilité partagée par le médecin et le pharmacien, mais aussi le patient.

Un monde sans antibiotique

« L’efficacité des antibiotiques est l’un des piliers de notre santé, nous permettant de vivre plus longtemps, en meilleure santé, et de bénéficier de la médecine moderne. Si nous ne prenons pas des mesures significatives pour mieux prévenir les infections mais aussi pour modifier la façon dont nous produisons, prescrivons et utilisons les antibiotiques, nous allons perdre petit à petit ces biens pour la santé publique mondiale et les conséquences seront dévastatrices » insiste le Dr Fukuda.

Sans antibiotique, certains soins deviennent en effet dangereux pour l’homme, du fait des risques d’infection. Les soins hospitaliers courants sont concernés (introduction de cathéters). La chirurgie aussi, puisque le risque d’infection serait bien plus présent lors d’opérations cardiaques, de césariennes ou d’implantations de prothèses. « Si nous perdons les antibiotiques, nous perdons la capacité de faire tout cela », d’après Tom Frieden, directeur du Center for Disease Control américain.

Les solutions existent

Selon l’OMS, les molécules antibiotiques ont apporté 20 ans d’espérance de vie supplémentaire. Néanmoins, d’après les dires de l’Agence européenne du médicament, 25 000 personnes meurent déjà chaque année (en Europe) d’infections dues à des bactéries résistantes. Résistantes aux antibiotiques.

Face à ce danger croissant qui n’épargne, toujours selon le rapport de l’OMS, aucune région du monde, des solutions existent. Elles sont même déjà en place. La première consiste à recourir, tant que possible, aux biomatériaux, afin de créer des prothèses « propres » qui ne véhiculent pas d’infections. Par ailleurs, la chirurgie tend à se doter de conditions optimales destinées à endiguer ce risque (lasers, UV, contrôle des températures…).

La seconde option puise ses sources, ironie du sort, dans la médecine d’avant la découverte des antibiotiques. Elle est appelée la phagothérapie. Soit l’utilisation des phages, des virus s’attaquant spécifiquement aux bactéries.

Quoi qu’il en soit, la recherche ne se repose jamais. Si les antibiotiques ont sauvé un nombre incalculable de vies autour du monde, la remise en question de leur efficacité semble être aujourd’hui nécessaire. Avant, peut-être, que les virus ne deviennent les sauveurs de l’humanité, dans un monde post-antibiotique qui nous parait pour l’instant affolant…

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