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25 ans après la chute du communisme, la Pologne prospère

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Le chemin parcouru par la Pologne depuis 1989 fait pâlir d’envie bien des pays (Photo: Shutterstock.com).

 
JOL Press : La Pologne est-elle le pays d’Europe de l’est qui a le mieux réussi sa sortie du communisme ?
 

Georges Mink : Incontestablement, la Pologne a parcouru un très long chemin depuis 1989 et la fin du communisme. A l’époque, le pays se trouvait dans une situation économique catastrophique (hyperinflation, dette gigantesque, industrie obsolète etc.). Si on fait le bilan, nul doute que la Pologne a réussi sa transition économique.

En 25 ans, son PIB a plus que doublé, ses exportations ont été multipliées par quinze et les investissements étrangers affluent. Alors que tous les Etats européens ont été frappés de plein fouet par la crise de 2008, la Pologne n’a pas subi de récession. C’est un indicateur parlant, même si le système bancaire polonais était peu contaminé par les emprunts toxiques. 

JOL Press : Sur le plan politique, comment s’est passée la transition démocratique ? 
 

Georges Mink : Il faut souligner une relative stabilité politique, exception faite de la période située entre 2005 et 2007, qui a pu être perçue comme un affaissement démocratique (le gouvernement conservateur avait alors joué la carte nationaliste).

Depuis le début des années 2000, la Pologne a produit un système politique binaire plutôt orienté à droite. D’un côté, on trouve la Plateforme civique (PO), le parti de centre-droit et libéral du Premier ministre Donald Tusk. D’un autre côté, on trouve le parti Droit et justice (PiS), social-conservateur, catholique et étatiste. 

JOL Press : Quelle est la place de la Pologne sur la scène européenne ? 
 

Georges Mink : Confortée par sa réussite économique, la Pologne joue un rôle de plus en plus important au sein de l’UE. La présidence polonaise du Conseil de l’Union européenne, du 1er juillet 2011 au 31 décembre 2011, a d’ailleurs permis d’améliorer l’image du pays.

La Pologne est très impliquée dans les opérations militaires conjointes de l’Europe (en Afghanistan ou au Mali par exemple). En outre, plusieurs diplomates polonais occupent des postes importants au sein du Service Européen pour l’Action Extérieure (SEAE). L’UE est ainsi représentée par un ambassadeur polonais à Kiev.

Varsovie tend à devenir un acteur clé de la scène européenne, notamment dans le cadre du Triangle de Weimar – qui définit la coopération trilatérale entre la France, l’Allemagne et la Pologne. C’est à la demande de Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, que les ministres des Affaires étrangères des trois pays se sont rendus en Ukraine en février dernier. 

JOL Press : Dans quelle mesure la Pologne doit-elle sa réussite économique aux aides financières accordées par l’UE ? 
 

Georges Mink : C’est la principale explication à l’envol économique de la Pologne. Premier bénéficiaire net des fonds d’aide européens, le pays a touché plus de 85 milliards d’euros entre 2004 (l’année de son adhésion à l’Europe) et aujourd’hui. Surtout, cet argent a été bien utilisé.

Presque sans autoroutes à l’époque communiste, la Pologne a désormais près de 3 000 km de voies rapides. Des milliards d’euros ont été investis dans l’industrie agroalimentaire, faisant de ce pays l’un des principaux exportateurs européens de produits agricoles.

Les Polonais sont conscients de ce qu’ils doivent à l’UE. C’est une des raisons pour lesquelles la Pologne est le plus europhile des Etats membres de l’Europe. La population voit aussi l’Union européenne comme une protection contre son voisin russe.

JOL Press : Existe-t-il une nostalgie de l’époque communiste ?
 

Georges Mink : Ce sentiment s’est exprimé dans tous les pays post-communistes, parfois de façon très marquée (en Russie ou en ex-RDA par exemple). C’est ce qui explique les bons scores du SdRP (l’ancien parti communiste dissous en 1990) lors des premières élections, et même le petit pourcentage réalisé aujourd’hui par son successeur, le SLD.

Les plus âgés sont particulièrement nostalgiques. Ils vivent avec les faux souvenirs d’une société égalitaire et garantissant le plein emploi.

JOL Press : N’y a-t-il aucune ombre au tableau ? 
 

Georges Mink : Entendons-nous bien : la situation n’est pas paradisiaque. La libéralisation économique a privilégié les plus débrouillards et a généré son lot d’inégalités. Les écarts se sont creusés entre les régions, laissant de côté l’est du pays, où le chômage dépasse souvent les 20%, tandis que la moyenne nationale se situe autour de 13% – un niveau peu réjouissant.

Propos recueillis par Marie Slavicek pour JOL Press

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