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28 juin 1914: les circonstances de la mort de François Ferdinand

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L’assassinat de l’héritier du trône d’Autriche-Hongrie par un nationaliste serbe, prêt à tout pour déstabiliser la région, ne tarde pas à embraser le monde ; 34 jours plus tard, l’Europe entre en guerre.

François-Ferdinand est devenu l’héritier de François-Joseph, sans y avoir été préparé, en quelque sorte par accident ou plus exactement dans des circonstances dramatiques : la mort de son cousin Rodolphe à Mayerling en 1889, puis celle de son père en 1896. Mort sans avoir eu l’occasion de donner sa mesure et de régner, François-Ferdinand se révèle une personnalité plus complexe qu’il n’y paraît. Connu pour ses coups de sang, l’homme est doté d’une incroyable énergie, affectionnant la vie familiale – il s’est en outre mis au ban de la dynastie en épousant une jeune femme bien au-dessous de sa condition.

Extrait de François-Ferdinand d’Autriche : De Mayerling à Sarajevo de Jean-Paul Bled (Éditions Tallandier, 2012).

Jugé désormais trop risqué, le trajet initial par la vieille ville est abandonné. Avant de quitter Sarajevo, François-Ferdinand estime de son devoir de rendre visite au lieutenant-colonel von Merizzi, qui, aussitôt après l’attentat, a été transporté à l’hôpital militaire. Pour se mettre à l’abri d’un nouvel attentat, il serait encore temps de faire évacuer les rues par la troupe. Potiorek s’abstient cependant de donner des ordres en ce sens. Il est aussi envisagé que la duchesse se rende directement à la gare. Mais, lorsque François-Ferdinand le lui propose, elle lui oppose un refus catégorique. Elle ne peut imaginer un seul instant se séparer de son époux alors que tout danger n’est pas écarté.

Les dispositions arrêtées à la hâte doivent pourtant ôter toute chance de réussite a un nouvel attentat. Pour rejoindre l’hôpital militaire, les voitures du cortège rouleront à pleine vitesse le long de la Miljacka. Gavrilo Princip s’est placé au coin du quai et de la Franz Josef Strasse ou, dans l’itinéraire initialement prévu, les automobiles doivent ralentir pour tourner avant de pénétrer à l’intérieur de la vieille ville, assurément le meilleur endroit pour tirer sur François-Ferdinand.

En ne lui en laissant pas le temps, le nouveau dispositif doit déjouer ce calcul. C’est ici qu’intervient le hasard, un acteur de l’Histoire trop souvent minimisé, mais qui en l’occurrence va avoir des conséquences incalculables. François-Ferdinand, la duchesse et Potiorek ont repris place dans leur voiture dont le chauffeur a reçu pour instruction de suivre le véhicule du maire.

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Dans l’excitation de ces moments chargés de tensions, a-t-on oublié d’indiquer le nouvel itinéraire au chauffeur de la voiture de tête ou bien a-t-il mal compris le message ? Celui- ci suit le premier itinéraire et tourne en conséquence à la hauteur de la Franz Josef Strasse pour s’engager dans la vieille ville. Le comte Franz Harrach, qui s’est placé debout sur le marche-pied à la gauche du prince héritier pour le protéger, raconte la suite :

« Nous roulâmes jusqu’au Lateinerbrücke, puis tournâmes à la hauteur de la Franz-Joseph Gasse. C’est à ce moment que le gouverneur Potiorek donna […] l’ordre au chauffeur de faire marche arrière pour reprendre l’Appelkai. Naturellement la voiture resta immobilisée pour le temps de la manoeuvre durant deux ou trois secondes. Venu de la foule à droite, retentit alors un coup de feu tiré à bout portant. Tandis que la voiture reculait, un mince filet de sang jaillit de la bouche de Son Altessse impériale jusqu’à ma joue droite. Je sortis mon mouchoir pour essuyer le sang de la bouche de l’archiduc, la duchesse dit alors : “Pour l’amour de Dieu ! Que t’est-il arrivé ?” Son corps s’affaissa sur le siège et sa tête se posa sur les genoux de son époux. Je ne me doutais pas qu’elle avait été touchée et pensais qu’elle avait perdu connaissance sous l’effet de la peur. J’entendis l’archiduc dire : “Sopherl, Sopherl, ne meurs pas, reste pour nos enfants.” Pour empêcher que sa tête ne s’affaisse, je retins l’archiduc par le col de son uniforme et lui demandai : “Votre Altesse impériale souffre-t-elle beaucoup ?” Il répondit distinctement : “Ce n’est rien.” Tandis que son visage se crispait un peu, perdant progressivement conscience, il répéta six ou sept fois de plus en plus bas : “Ce n’est rien”. Il commença alors à râler, d’abord faiblement, puis plus fortement. »

François-Ferdinand a-t-il pu encore articuler ces derniers mots aussi distinctement ? Les médecins en doutent. On voudrait cependant le croire tant ils résumeraient en ces ultimes moments un pan entier de sa vie et de sa personnalité.

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 Jean-Paul Bled est spécialiste des Habsbourg et de l’Autriche-Hongrie.

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