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Abdication de Juan Carlos: «Le prince Felipe s’y était préparé»

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Le prince Felipe d’Espagne va prendre la succession de son père, le roi Juan Carlos, suite à son abdication le 2 juin 2014. (Crédit photo: Matthi / Shutterstock.com)

JOL Press : Suite à l’abdication de son père Juan Carlos, le prince Felipe va reprendre le flambeau. Comment s’y est-il préparé ?
 

Bartolomé Bennassar : Le prince Felipe était au courant des intentions de son père depuis plusieurs mois, et j’en veux pour « preuves » qu’il a multiplié les voyages en Catalogne ces derniers temps.

Le prince Felipe est allé douze fois en Catalogne en 2013 et plusieurs fois cette année : cela confirmerait que le roi essaie depuis plusieurs mois de convaincre les Catalans de renoncer à un référendum pour l’indépendance, tout en agissant sur le parti au pouvoir (le parti conservateur) pour que des compensations importantes soient données à la Catalogne.

Je suis certain que le père et le fils ont mené ensemble cette action, et que cela fait en quelque sorte partie du transfert de responsabilité entre Juan Carlos et le prince Felipe.

JOL Press : Le prince Felipe a-t-il la stature suffisante pour reprendre la couronne ?
 

Bartolomé Bennassar : Le prince Felipe est associé au pouvoir depuis longtemps, il a fait de nombreux déplacements et s’est intéressé de très près au problème de la Catalogne (il fait par exemple toujours attention de s’exprimer en catalan lorsqu’il se rend à Barcelone). C’est un homme qui ne s’est pas compromis et n’a jamais fait de déclarations intempestives.

Il a un peu adopté l’attitude qu’avait eue son père avant la transition du pouvoir depuis Franco : Juan Carlos avait évité de s’exprimer, de telle sorte qu’on l’avait souvent sous-estimé. Le prince Felipe est un personnage réservé, qui s’exprime peu, très calme et discret.

L’exact contraire du caractère de son épouse Letizia qui, elle, est au contraire passionnée, explosive, et quelquefois imprévisible. Ils sont extrêmement différents, mais c’est loin d’être une raison de mésentente entre eux.

JOL Press : Felipe et Letizia ont néanmoins été hués ce week-end lors d’un déplacement à l’Opéra de Barcelone. Sont-ils toujours aussi populaires auprès de la population espagnole ?
 

Bartolomé Bennassar : Ils sont moins populaires qu’ils n’ont pu l’être au début de leur mariage, mais cette situation est due aux divers scandales de corruption ayant touché la famille royale. La sœur du prince Felipe, l’infante Cristina, a été mise en examen pour fraude et blanchiment d’argent pour une affaire qui touche aussi son mari.

La désaffection des Espagnols pour le roi Juan Carlos depuis quelques années, et notamment depuis la fameuse bévue du safari africain en pleine crise économique, a pu aussi contribuer à ternir la popularité du prince Felipe.

Le mauvais accueil qu’ils ont reçu à Barcelone est significatif, mais on ne peut pas non plus l’étendre à l’ensemble du pays et de la population espagnole, même si, c’est sûr, la monarchie a perdu une part du prestige qu’elle avait. Car il y a une dizaine d’années encore, selon les sondages espagnols, le roi était l’institution qui jouissait du plus grand prestige. Le couple princier en pâtira-t-il ou non ? La question reste posée.

Propos recueillis par Anaïs Lefébure pour JOL Press

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Bartolomé Bennassar est un historien et écrivain français spécialiste de l’histoire de l’Espagne à l’époque moderne et contemporaine et de l’histoire de l’Amérique latine. Il est professeur émerite d’histoire contemporaine à l’Université Toulouse II – Le Mirail.

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