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BCE: le taux de dépôt négatif de Mario Draghi relancera-t-il l’économie?

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JOLPress : Quelles sont les caractéristiques de ce « taux négatif » ?

Jean-Marc Daniel : Le taux négatif qui a été lancé concerne les banques qui se refinancent généralement auprès de la Banque Centrale Européenne. L’idée est que lorsqu’elles ont des liquidités, si elles les déposent auprès de la BCE, elles vont maintenant être obligées de payer une sorte de péage qui est ce taux négatif. Si elles déposent 1 000 euros, 3 mois après elles ne récupéreront plus exactement cette somme mais une somme inférieur de 0,15% aux 1 000 euros de départ. Le but est d’incité les banques, non plus à  se tourner vers la BCE,  mais vers l’activité économique et principalement les entreprises et les ménages. Il ne faut pas oublier que la BCE ne finance pas l’économie, elle refinance seulement les banques dites « commerciales », celles avec qui on a affaire et qui sont à l’origine de la création de monnaie et de la dynamique monétaire.

JOLPress : Jusque-là, les banques ne limitaient-elles pas les risques que pouvaient leur apporter les investissements dans l’économie réelle, en leur préférant un placement à la BCE ?

Jean-Marc Daniel : Lorsque les banques avaient des liquidités, elles replaçaient plutôt ces fonds à la BCE que dans l’économie réelle. Il faut savoir que lorsqu’une banque fait un crédit, elle crée de la monnaie. Le fait est qu’il n’y a pas assez de création de monnaie, pas assez de crédits octroyés et donc on accuse les banques de faire de la rétention. Mais les banques répondent qu’en réalité, elles ne prêtent pas parce que personne ne vient emprunter. Je prends le cas de la France, l’encours de crédits bancaires tourne aux alentours de 880 milliards d’euros. En 2013, cet encours a augmenté de 4 milliards d’euros et donc de très peu.

Le problème c’est qu’on a ainsi, d’un côté la BCE qui dit : « je vais essayer de vous inciter à prêter d’avantage ». Et de l’autre, les banques qui répondent que ce n’est pas de leur faute si elles ne prêtent pas mais parce qu’il n’y a pas de demande, tout en insistant sur le fait qu’elles restent très ouvertes quand elles reçoivent des dossiers.

JOLPress : Si personne ne vient emprunter, que va donc changer ce taux négatif ?

Jean-Marc Daniel : Il y a un certain nombre de gens qui disent que ça ne va rien changer. M. Draghi le dit d’ailleurs lui-même, il ne faut pas s’attendre à des actions et des résultats magiques. Il dit qu’on peut espérer avoir un résultat concret mesurable entre 16 à 18 mois. Il est un peu dans la même situation sur le point intellectuel que M. Hollande. Il attend le retournement de la conjoncture économique et considère qu’il est là pour favoriser et aider ce retournement. Il n’est pas là pour le susciter. Ce n’est pas lui qui crée la richesse mais les gens qui investissent et qui mobilisent du travail qui en sont à l’origine.

JOLPress : A qui prête les banques s’il n’y a pas d’investisseur ?

Jean-Marc Daniel : Pour l’instant, les banques prêtent d’avantage aux Etats mais qui ont des taux d’intérêt très très bas. Le taux d’intérêt de la dette publique française était de 1,68%, c’est très bas. Maintenant, l’enjeu c’est de savoir si elles vont se remettre à prêter aux entreprises, sachant qu’elles disent qu’il n’y a que très peu de dossiers qui leur arrivent. Le problème de l’économie européenne n’est pas tellement les banques, mais plutôt le fait d’avoir une fiscalité assez violente. C’est d’ailleurs pour ça que nous sommes en retard dans la reprise. L’esprit  entrepreneurial est un peu amoché par la crise, il y a tout un tas de problèmes structurels et la BCE n’y peut rien.

JOLPress : Pourquoi parle-t-on autant de ce taux ? Y-a-t-il un véritable aspect révolutionnaire ?

Jean-Marc Daniel : Tout le monde en parle parce que tout le monde à une mauvaise mémoire. Ça s’est déjà fait en réalité. Les taux d’intérêts négatifs s’utilisaient notamment à une époque pour inciter les gens à ne pas venir acheter votre devise. En particulier, la banque nationale de Suisse avait fait des taux d’intérêts très très négatif dans les années 70 pour essayer de limiter la spéculation sur le franc suisse et donc l’appréciation de taux de change du franc suisse.

JOLPress : Quel intérêt ont les banques à prêter à un Etat plutôt qu’à un entrepreneur ?

Jean-Marc Daniel : Les Etats sont en déficit et donc empruntent. Depuis qu’on a à peu près la certitude que la zone euro va subsister, c’est devenu une assez bonne façon de prêter sans prendre de risques à quelqu’un qui est demandeur de fond.

Pendant longtemps, l’accord de règle c’était que quand on prêtait à un Etat, la BCE, en cas de besoin,  vous rachetait votre dette. Et puis, avec la crise grecque, il y a eu un doute sur la réelle validité de cette règle. Mais les décisions qui ont été annoncées il y a deux ans, à l’été 2012, par M. Draghi, ont supprimé tous les doutes. D’où d’ailleurs des taux d’intérêts très très bas sur les dettes publiques européennes.

JOLPress : Certains évoque la dévaluation de l’Euro comme solution. M. Draghi n’a-t-il jamais pensé à dévaluer l’euro ?

Jean-Marc Daniel : Ce sont des raisonnements qui datent de l’époque où il y avait des changes fixes. On est maintenant en change flottant, c’est-à-dire que le cours de la monnaie change tous les jours et ce n’est pas M. Draghi qui pourra déterminer le cours de change. On ne peut plus dévaluer car pour le faire il faudrait avoir une référence. Hors en change flottant, il n’y a pas de référence. Les entreprises ont maintenant des prix qui sont fixé en général en dollars. Elles peuvent constater la quantité d’Euros, de Livres ou de Yen que ça leur rapporte, mais  ça ne modifie par leur prix en dollars. Le seul impact de la dévaluation ce serait de faire monter le prix  des importations. Si l’Euro baissait brutalement par rapport au Dollar,  le prix de la facture pétrolière augmenterait très brutalement. Alors oui, il y a des gens qui disent que ce serait une bonne chose parce qu’après il y aurait une augmentation des prix puis, des salaires et cette dynamique de l’inflation qu’on a connu dans les années 70. Mais pour d’autres, l’inflation c’est de la baisse de pouvoir d’achat. Si notre pétrole nous coûte plus cher c’est qu’on perd du pouvoir d’achat.

Si vous voulez déterminer votre taux d’intérêt, vous ne pouvez pas déterminer votre taux de change. Cette idée qui pourrait faire baisser le taux de change est une idée qui sur le plan de la théorie économique et de la réflexion est absurde même si c’est assez courant dans le discours politique français. En France, on en parle beaucoup. c’est d’ailleurs l’un des rares pays de l’Union Européenne où on en parle autant. C’est une façon de dire que nos misères économiques ne sont pas de notre faute. C’est la faute du taux de change. C’est plus facile pour un gouvernement de débattre sur des choses sur lesquelles il n’a aucun pouvoir que de réaliser des réformes concrètes.

Propos recueillis par Marianne Fenon pour JOL Press

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